Parsec 4 = Portails - partie 1 (v2)

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          De l'eau sombre. Partout. Des ténèbres de liquide l'enveloppaient. Chaudes. Son esprit, en paix et extatique, appréciait cet instant inédit. Enfoui dans ces entrailles accueillantes, son corps nageait dans le bonheur. Il ferma les yeux.

          Déchirement. Ses paupières se rouvrirent d'un coup et ses pupilles se fixèrent sur la masse sombre qui se planta dans sa poitrine. Intrusion. Une poigne déterminée à le tuer lui broya le cœur. Douleur. Sa bouche voulut crier, mais le liquide dans lequel il baignait s'engouffra jusqu'au fond de sa gorge.

          Noyade. Peur. Éveil.

          Le choc violent avec le sol lui fit cracher toute l'eau contenue dans ses poumons. Sa phobie mêlée à la sensation de suffoquer lui provoqua une crise d'angoisse incontrôlable. Il sombrait au plus profond de son délire.

          Une petite lueur blafarde attira soudain son regard perdu sur un objectif rassurant. Néanmoins, sa vision, distendue par sa faible tension, ne comprit pas immédiatement ce qu'il fixait. Il lui fallut quelques secondes afin de réaliser le contour incertain de cette boule de lumière qui flottait en l'air telle une luciole. Sa taille oscillait doucement comme la flamme d'une bougie. L'impression de chaleur était de retour.

          La nouvelle apparition se rapprocha de lui en douceur et se posa sur sa main. Yann prit alors conscience que rester allongé sur le sol détrempé ne représentait pas la meilleure idée qu'il ait eue. Il se redressa d'un coup avec l'intention de se lever, lorsque sa tête frappa contre une surface dure et froide. Un coup d'œil l'avertit de la présence d'une barre de métal au-dessus de lui. Intrigué, il s'écarta afin de prendre du recul sur la situation.

– Qu'est-ce que...

          Les derniers mots de sa question n'atteignirent jamais ses lèvres. La luciole s'était envolée et sa faible lueur déchira un peu la pénombre environnante. Une immense sphère, suspendue en l'air, paraissait maintenue en place par quatre cerceaux dorés tordus sur eux-mêmes telles des boucles de Möbius. Yann frissonna, non pas pour l'exploit gravitationnel de l'objet, mais pour sa contenance ; il paraissait rempli d'eau !

          Ses pieds se reculèrent d'instinct, tandis que son cerveau réfléchissait à toute vitesse. Il se trouvait vraisemblablement mouillé. Face à lui, une balle géante faite de liquide le narguait. La seconde précédente, il se trouvait dessous. Yann cligna plusieurs fois des yeux très lentement afin de ne pas réfléchir à la supposition qui venait de germer dans son esprit angoissé.

– Par pitié, fasse que j'ai tort ! souffla sa voix rauque.

           Le rythme endiablé de son cœur, la sueur froide qui coulait le long de sa colonne vertébrale et le son strident d'un cri le firent à demi défaillir.

« Yann, tu dois te réveiller ! » lui intima une voix dans sa tête, au même moment.

           Il se sentit tomber. À moins qu'il se noyât un peu plus ?

           Lorsqu'il rouvrit les yeux la seconde fois, il flottait toujours à la surface du lac Leman, Pierre fermement accroché à lui par un gilet de sauvetage improvisé.

           Que venait-il de se passer ? Aurait-il tout rêvé ?

– Je vous ai enfin trouvé ! s'exclama, dans un soupir soulagé, une voix féminine non loin.

          Encore troublé par sa récente vision, il crut un instant l'imaginer flotter au-dessus de l'eau tel un messie. La seconde d'après, il comprit qu'il n'inventait rien lorsqu'elle descendît son corps dans l'eau, afin d'être à sa hauteur ; la surface ne se troubla à aucun moment.

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant