Parsec 40 = Cycle perpétuel

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          La main tendue vers l'avant, le souffle court, Mélana sentit ses larmes inonder son visage sans pouvoir les arrêter. Tout son être tourné vers Karon, prostré sur le sol, l'empêchait de réfléchir distinctement. Elle effectua le premier pas d'une démarche glissante peu assurée sur ses jambes, telle une personne prise de boisson. Le second sembla légèrement plus ferme, mais la douleur qu'elle affichait sur son visage angoissé n'échappa pas une seconde à Heman. Le jeune Passeur aurait tout donné, même sa vie, pour ne pas la voir dans cet état. Pourtant il se retrouvait là, immobile et idiot, à contempler cette scène surréaliste.

– Pourquoi, Karon... ? chuchota la Gardienne de la Mémoire.

           Un silence tombal répondit à son murmure interrogatif, se répercutant en écho sur chaque mur de la Crypte aux Âmes Déchues avec encore plus de puissance qu'une absence totale de bruit régnait alors. Son esprit enfiévré par l'angoisse de le perdre, la douleur de se retrouver seule, la crainte de voir disparaître tout le monde, avait transformé Mélana en une Gardienne par la force des événements. Mais elle sentait au fond d'elle-même qu'il lui manquait un détail capital pour le devenir totalement. Et à cet instant, elle aurait apprécié le posséder, car elle ne comprenait rien.

– Karon, sanglota-t-elle dans un souffle ténu.

           Le très doux froufroutement d'une luciole qui se rapprocha d'elle la surprit assez pour lui faire détourner son regard de la scène catastrophique sous ses yeux noyés. Elle étendit légèrement ses doigts vers cette petite source de lumière pâle, qui scintillait discrètement à ses côtés. Et lorsque cette ancienne âme se posa au creux de sa main, sa pensée revint des centaines d'années en arrière...

 Et lorsque cette ancienne âme se posa au creux de sa main, sa pensée revint des centaines d'années en arrière

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          Jeune Passeuse fraîchement arrivée sur l'Axial, Mélana se sentait perdue et triste. Le premier univers qui lui avait été confié ne comportait qu'une seule petite planète qui ne possédait pas un peuple extrêmement évolué, parfait pour débuter, d'après ses collègues plus expérimentés. Pourtant, bien qu'elle apprit rapidement à maîtriser ses devoirs, un profond sentiment de vide perdurait en son cœur. Les âmes faibles qu'elle convoyait à leurs morts ne représentaient aucun défi et leur traitement la fit sombrer dans une routine anesthésique. Elle ne brillait pas, elle réalisait son travail tel un robot, détachée de tout.

          Un jour, l'un des plus anciens Passeurs s'approcha d'elle avec paternalisme et entreprit une discussion dont sa mémoire ne parvenait pas à se souvenirs. Pourtant, son esprit arrivait encore à se rappeler certains détails insignifiants, comme son sourire de chien assez étrange, mais rassurant, ou bien sa patte griffue à trois doigts qui l'incita à se diriger vers une zone de l'Axial jamais vue par l'âme qu'elle était. Il l'avait fait pénétrer dans une immense salle semblable à un univers flottant et sa bouche s'était arrondie d'un « oh » de surprise émerveillée.

– Connais-tu cet endroit, Mélana ? avait questionné l'ancien.

          Cette discussion-là resterait à jamais gravée dans sa mémoire. Ce fut le jour où elle ouvrit les yeux véritablement sur l'Axial.

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant