Parsec 7 = En pleine tourmente - partie 1 (v2)

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          Yann Becquerel devait se rendre à l'évidence. Soit il se trouvait en plein trip hallucinatoire à l'hôpital, soit il découvrait la vie après la mort, soit tout ce qu'il contemplait depuis cinq minutes existait bel et bien. Fait étrange, cette dernière possibilité le terrifiait bien plus que les deux premières.

          Debout au centre d'une pièce blanche qui ne comportait qu'une plateforme rectangulaire surélevée, il fixait ses doigts, les sourcils froncés, perdu dans ses réflexions. Comment, sans corps physique, pouvait-il encore posséder les cinq sens ? Il avait beau s'observer de bas en haut, il se voyait normalement. Ses pieds dans ses chaussures favorites supportaient le reste de sa vieille carcasse. Ses bras, son nez, tout paraissait bien en place. Alors quoi ?

– Y'a quelqu'un ? chuchota une voix à la tonalité très féminine.

          Venait-il de faire du bruit ? Yann haussa les épaules et sortit de la cellule où il demeurait depuis un moment, non sans vérifier de droite à gauche que personne ne se trouvât là pour le voir. Le souvenir du fou furieux qui l'avait envoyé ici traversa son esprit. « Yves Brauer », hein ? « Frollo » lui allait mieux. Il voulait quoi, déjà ? Qu'il devait parler à une certaine Mi... Miel...

– Toi ?

          Encore dans ses réflexions, il n'avait même pas remarqué qu'il se rapprochait de la geôle juste à côté de la sienne. Celle-ci paraissait aussi ouverte que la précédente, pourtant. En quoi s'agissait-il d'une prison ? L'homme ignora l'interjection de la silhouette à l'intérieur et tenta de rentrer. Mal lui en prit ! Une force invisible, semblable à un mur, le repoussa vers l'arrière dans de grands éclairs et une puissance qu'il n'avait ressentie qu'une seule fois : lors de son accident d'avion. Yann se retrouva bien vite au sol, les bras autour de son corps, à foudroyer cette porte indétectable de ses yeux furieux.

– Tu es devenu encore plus débile, ou tu l'fais exprès ? Ce n'est pas drôle, Arun.

          Son expression colérique se releva alors dans la direction de cette voix condescendante. Il s'attendait à plus de compassion de cette femme avec qui il devait s'entretenir. Yann allait d'ailleurs le lui faire remarquer, quand son regard captura celui de cette inconnue. Elle ne possédait aucun iris, ses globes oculaires ne formaient qu'une seule unité, qu'il vit noire de prime abord, avant de se raviser au moment où elle se rapprocha encore d'un pas. En vérité, ils étaient d'un bleu vert très foncé, semblable à du pétrole. Mais Yann fut surtout étonné par sa peau, de la tendre couleur des feuilles de printemps. Ainsi que par sa silhouette fine qui se trouvait enlacée par une longue masse de cheveux turquoise assez sombre, qui cascadait jusqu'au sol. Cet ensemble lui évoqua l'apparition d'une dryade. Non sans une ultime surprise, l'homme sentit alors une odeur venir lui chatouiller les narines : elle dégageait un parfum de forêt à l'aube, juste après une rosée matinale.

– Mi...

          Comment s'appelait-elle, déjà ? Il n'avait pas retenu. Pourquoi devait-il lui parler ? Il n'en avait plus aucun souvenir. Il vit ses joues délicates bleuir aussitôt qu'il eut essayé de retrouver son nom, tandis que des éclairs de rage traversaient ses yeux sombres.

– Ne me dit pas que c'est toi, imbécile, qui est à l'origine de la disparition de Kunlung ! Si ?

          Sa fureur lui allait bien, pensa Yann sans oser le lui dire. Elle irradiait de force et de courage, prête au combat, alors qu'il l'imaginait plutôt au fond d'un bosquet en fleurs à composer des chansons. Il décida de mettre en veilleuse son élan de romantisme afin de retrouver son esprit critique de scientifique. D'abord, cette jeune femme paraissait le connaître et l'accusait d'un crime qu'il n'avait pas commis ; d'après ses souvenirs. Ensuite, elle l'avait appelé « Arun » un peu plus tôt, il devait découvrir ce que ce mot signifiait. Enfin, devait-il lui parler de Frollo ? Son tortionnaire lui avait précisé de quoi il devait s'entretenir avec la prisonnière... De la raison de sa présence en geôle, et de l'endroit où se trouvait... Quoi déjà ?

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant