Parsec 32 = Le sort en est jeté

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« Aime-moi encore une fois, Lyr. » avait-il murmuré contre son oreille.

          Des larmes débordaient de ses yeux. Ses mains s'étaient arrêtées soudainement de répandre la violence pour venir se poser avec douceur sur celles de sa moitié depuis l'éternité. Sa tête s'était penchée vers l'arrière, serrée toujours plus contre lui. Qu'importait l'énergie phénoménale qui se dégagea d'un coup, le palais qui se délita lentement, l'ombre Elior non loin, les Fondateurs, les Gardiens, les Passeurs...

           Ils se retrouvaient, enfin.

« Alfei... Tu m'as manquée... » balbutia Miélyr.

           Front contre front, les mains sur les joues de l'autre, ils apprécièrent cette seconde remplie d'un bonheur intense partagé. Car leurs âmes fusionnèrent tranquillement, à nouveau à l'unisson, elles s'attiraient. Et tandis qu'ils regardaient, d'un calme serein, le palais se détruire par l'énergie résultée de l'annihilation de leur puissance face à celle de l'ombre, ils devinrent une seule et même âme, lumineuse, parfaite, inébranlable.

          Yann n'était plus totalement lui-même, Miélyr faisait partie de lui comme lui d'elle. Leur enveloppe extérieure, proche de celle de Wen, le Fondateur d'énergie blanche, ne ressemblait ni tout à fait à un homme, ni à celui d'une femme. Ils devenaient un androgyne aux yeux bleus-vert, aux cheveux raides et courts d'un côté, longs de l'autre, au dégradé légèrement bleuté. Et dans leur regard, une conscience aiguë de la catastrophe sous leurs yeux.

           Karon ne se blâmait plus, il étendit ses mains vers l'avant pour contenir peu à peu cette énergie infinie qui menaçait toutes les personnes du massivers, drainant directement par son corps cette puissance, mélange de sa force et celle d'Elior. Ce dernier, en rage de le contempler de nouveau unifié, brandissait Kaletvor et attendit que la supernova entre eux ait disparu pour reprendre son offensive.

« Crois-tu donc m'impressionner, KARON ? Approche, que je te plante cette épée en travers de ton âme ! Nous verrons bien, alors, si tu feras toujours le fier ! »

           Les sourcils de Karon se froncèrent à la fois d'étonnement et de crainte. Malgré son incommensurable puissance, même lui se trouvait soumis à certaines forces et celle de Kaletvor en faisait partie. Maniée par Elior, cette arme aux capacités immenses pouvait bien être en mesure de réaliser l'impossible — et ils le savaient, tous.

« VIENS KARON ! Tu possèdes peut-être la Gardienne du Destin, mais moi, j'ai son épée ! »

           Madame Red ? L'esprit vif de Karon combla rapidement les vides de sa mémoire défaillante, récupérant du Mestre les derniers éléments indispensables pour mieux comprendre un détail qui lui échappait jusqu'alors.

         Raïdiyan Esteïas Daïvona, Gardienne du Destin, madame « R.E.D. », ses initiales. Une boutade entre elle et lui. Et à présent qu'il retrouvait son unité, la présence de l'âme de cette Gardienne bien dissimulée dans la sienne lui sauta aux yeux.

« Les personnes que tu cherches sont plus proches de toi que tu ne le penses. » avait prophétisé le marchand de fruits.

          Toujours au-dessus du sol, encore plus haut, Karon commença toute d'abord par redescendre paisiblement, prenant le temps dans son élan pour réparer les dégâts du palais des Fondateurs. Il termina son vol face à Elior, immobile dans le corps chitineux et noir d'Elig, corrompu par l'ombre remplie de fiel et de ressentiment de cet ancien Passeur. Dans son dos flottaient le Mestre et le Voyageur, maintenus à ses côtés par sa propre énergie, apaisée. Le silence s'éternisa entre eux un long moment.

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant