Chapitre 3 : Le mot qui fait mal

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Nous étions désormais début novembre. L'automne s'était installé pour de bon, tous les feuillus étaient à présent dépouillés de leurs feuilles et ces dernières teintaient le paysage d'un splendide roux foncé. Trois semaines étaient passées et un changement commençait à s'opérer dans mon comportement. Avoir constamment quelque chose à faire physiquement m'occupait aussi l'esprit. Les pensées néfastes et destructrices qui me hantaient se dissipaient lentement mais je sentais que jamais elles ne disparaitraient complètement. Ma dernière crise de nerfs remontait à hier soir tandis que la précédente datait d'il y a une semaine. Je me rendais compte qu'il s'agissait d'une grande amélioration. Avant, je pétais un câble pratiquement tous les jours.

Et je savais ce qui m'aidait le plus, Jules. Ce dernier était présent lors d'une de mes crises de nerfs il y a deux semaines. Ambre avait proposé, un samedi après-midi, de nous faire visiter les Rousses à moi et à Jules, qui habitait assez loin de ce village et qui, par conséquent n'y avait soi-disant presque jamais mis les pieds. Nous avions fait le tour du fort qui se trouvait juste à côté et le soir, les autres étaient partis tandis que Jules attendait la navette et moi mon grand-père au même endroit.

Alors, un automobiliste avait percuté un autre véhicule à cause d'un manque de priorité. Il était sorti en furie de sa voiture et s'était mis à engueuler la femme qui était au volant de la voiture percutée. Même si nous étions le soir et que la circulation était dense, personne ne vint en aide à la pauvre femme alors, dégoûté par l'attitude macho de l'homme et des autres, j'avais essayé de le calmer afin qu'il remplisse le constat car la voiture de la femme était vraiment cabossée. Il s'était tourné vers moi et m'avait gueulé des tas d'insultes. J'ai même cru qu'à un moment il allait me frapper tellement il était énervé. Ce gars, entièrement fautif, allait devoir payer le plein pot.

Entre temps, la jeune femme avait appelé la police car l'homme devenait violent en lançant quelques coups de pied dans la voiture percutée et était sûr le point de partir afin de ne rien recevoir. Le problème s'était réglé dès l'arrivée de la police. Cependant, je bouillais intérieurement depuis que le gars s'était adressé à moi. J'ai ensuite été mis à l'écart lors du remplissage du constat puisque je n'avais rien à faire dans les affaires des autres. Jules m'avait rejoint et dès que tout eut été fini, j'avais explosé. Je m'étais énervé, en silence, mais j'avais frappé plusieurs fois dans la première chose que j'avais eu sous la main, à savoir un poteau électrique en bois. Jules avait été surpris par ma réaction et n'avait pas su quoi faire sur le coup. Puis, je m'étais calmé aussi vite que je m'étais énervé.

Ce fut après cet incident, cette crise pourtant pas si violente – j'avais connu pire – que je dus expliquer à Jules pourquoi j'avais réagi ainsi. Je n'avais pas pu lui dire pour l'accident de mes parents et de mon frère mais j'avais dû lui dire le principal. « Instable psychologiquement » avais-je dit comme simple explication. Il m'avait alors posé quelques questions, pas sur la raison de mon problème, mais sur son ampleur. Il semblait avoir compris qu'il ne s'agissait d'un sujet à ne pas aborder. J'avais pu lui répondre et alors, il m'avait dit qu'il m'aiderait à surmonter le souci. Je ne voulais pas d'aide mais il s'était entêté et avait réussi à me faire plier. Depuis, il cherchait tous les moyens pour m'occuper l'esprit, ne pas trop m'énerver, me tenir hors de portée de tout ce qui pourrait me causer une crise de nerfs. J'en appris aussi beaucoup sur lui mais ce que je retins plus particulièrement fut qu'il vivait dans un foyer depuis ses dix ans. Il ne m'avait pas dit la raison, je ne comptais pas la lui demander puisqu'il respectait lui aussi mon silence, mais il m'avait dit qu'il avait été comme moi dans les premiers temps où il habita dans son foyer. Il était aussi en proie à des crises de nerfs, tantôt légères, tantôt violentes. C'était pour cela qu'il se sentait autant concerné par mon cas et qu'il souhaitait m'aider, bien qu'il m'eût précisé que ces crises ne cesseront jamais réellement et lui avait parfois peur de perdre son sang-froid. Il m'était d'une aide très précieuse et en plus de cela, il avait accepté de ne pas en parler aux autres, conservant et partageant mon secret.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant