Assis sur le rebord de mon lit, je regardai le soleil frôler sur la cime des arbres de ses rayons à travers la fenêtre ouverte. La chaleur était encore très présente, assez lourde mais déjà plus supportable que durant le reste de la journée. Hélie était partie en plein milieu de l'après-midi, après avoir estimé que nous avions assez fait pour aujourd'hui, me laissant à mes doutes et suppositions. Depuis, j'étais songeur. La rousse avait répondu à beaucoup de mes questions mais en avait également créé d'autres. J'avais eu besoin de mettre mon esprit en ordre, de repousser les limites de celui-ci. Ça avait été difficile. J'avais toujours du mal à imaginer que le surnaturel existait réellement et plus j'en apprenais, moins j'étais certain de moi. Ma confiance fondait à chaque fois que de nouvelles informations m'étaient livrées. Si, au départ, j'avais ressenti une intense excitation, celle-ci était désormais retombée et avait laissé place à des tonnes d'incertitudes. Cela expliquait la raison pour laquelle, le départ d'Hélie, j'étais resté dans la forêt, toujours assis sur le tronc où nous avions décidé de nous installer. Et j'avais réfléchi sans voir le temps passer.
J'avais fini, au fil de mes pensées, par retomber sur ma mère. Elle avait eu la sensibilitas elle aussi. Si j'avais pu en douter, j'étais à présent fixé sur cette réalité. D'un côté, j'étais effrayé d'apprendre que je ne connaissais pas ma mère aussi bien que je ne le croyais. Cette peur s'était alors accompagnée d'un regret de ne pas avoir pu en apprendre plus sur elle-même avant ce terrible accident. D'un autre côté, j'étais rassuré de savoir qu'elle avait certainement connu les mêmes doutes, les mêmes soucis. Et, là encore, j'en revenais à cette déception de ne pas avoir pu en parler avec elle. Peut-être qu'elle aurait pu m'aider bien plus tôt, avant que je ne m'enfonce de manière irrémédiable dans ce monde étrange et bien trop bien de surprises. Son épaule, sa force, sa présence me manquaient plus que jamais. Les émotions qu'avait lâchées Hélie dans la volonté de me détendre m'avaient rappelé avec violence son absence. Mon père n'avait pas été du genre trop tactile et mon frère non plus. Seule la présence maternelle m'avait sorti, à plusieurs reprises, de mauvais pas. Elle avait été mon guide, plus que toute autre personne. En cet instant, je ne voulais qu'elle, ses bras autour de moi.
Quand bien même Hélie avait effacé la plupart de mes angoisses, causées par cet incident avec Elias, je gardais une certaine forme de réserve en moi. La jeune femme m'avait mis en garde avant de partir. L'unique chose qu'elle avait faite était de « m'effleurer les nerfs qui étaient déjà à fleur de peau », avait-elle dit. Ça avait sûrement un rapport avec le monde immatériel qu'elle m'avait décrit, l'Alternatif, et dans lequel je rêvais désormais de plonger. Quoiqu'il en fût, j'avais rapidement vu qu'elle n'avait pas menti. Mes peurs étaient toujours présentes. Lorsque j'avais quitté la forêt et que j'étais revenu au chalet, la présence trop grande des loups autour de moi m'avait dérangé. J'étais resté quelques instants pour échanger avec eux, faire plus ample connaissance avec certains, mais j'avais fini par m'éloigner inconsciemment. Plutôt silencieux, j'avais préféré la fonction d'observateur. Arthur et Jules, avec l'aide également de Romain, avaient tenté de m'intégrer dans ce groupe qu'ils avaient appris à connaître jusqu'à ce que je déclare forfait et monte m'installer dans la chambre. J'étais reconnaissant à Arthur de ne pas m'avoir accompagné. J'avais ressenti le besoin d'être seul afin de me ressaisir.
Voilà déjà une heure que j'étais installé sur mon lit, à ne penser à tout et rien à la fois. Perdu dans mes pensées, j'entendis tout de même quelqu'un pousser la porte de la chambre avec précautions. Puis, sans bruit, cette personne s'approcha. Sans même me retourner, je savais déjà de qui il s'agissait. Le lit derrière moi s'affaissa et deux bras me tirèrent délicatement en arrière, pour ne pas me brusquer. J'appréciai le geste et tombai sur un torse chaud contre lequel je me blottis sans hésiter en fermant les yeux. Pendant un long moment, ni Arthur ni moi ne prîmes la parole. Je savourai simplement les bras de celui qui faisait battre mon cœur et écoutait le sien battre pour moi. Ce tempo régulier me fit vibrer intérieurement. Je me sentais tellement bien. Tous mes problèmes, mes doutes et mes questions venaient d'être relégués au second plan. Pour le moment, il n'y avait qu'Arthur et moi. Après plusieurs secondes d'immobilité, Arthur se pencha légèrement et effleura mon visage de ses lèvres. Avec paresse, je relevai la tête et l'incitai à se pencher de nouveau. Nos lèvres se joignirent, se lièrent lentement, puis se quittèrent sans que nos regards ne se lâchent une seule seconde.
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Loup des bois et des rêves (M/M)
RomanceEthan Colas, un garçon brisé suite à la perte de ses parents et de son petit-frère et dans lequel la colère a choisi d'habiter, se retrouve contraint de suivre ses grands-parents dans le Jura. Près de la frontière suisse, il découvre une nouvelle vi...