Chapitre 65 : Un avenir incertain

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Le vent tordait les arbres avec violence, transformant la calme forêt en un mélange indistinct de branches et feuillages. La luminosité déclinait à vue d'œil, instaurant une ambiance lugubre presque inquiétante. Les nuages couvraient progressivement le ciel, transportés malgré eux par la violente brise. A peine j'eus passé le seuil de la porte du chalet que la pluie commença à tomber d'un coup, comme un éclair s'abattant sur un arbre. Bien vite, le tonnerre se fit entendre, semblable à un lourd craquement inquiétant. C'était-là un de ces orages d'été, déchaîné et brutal. Généralement, ils ne duraient jamais bien longtemps, le calme reprenait rapidement le dessus. Par ailleurs, cet orage marquait notre dernière soirée en Suisse auprès de la meute de Joux. Cela faisait maintenant presque deux semaines que nous étions dans ce chalet afin de faire plus ample connaissance entre les membres des différentes meutes et approfondir mes propres compétences vis-à-vis de mon don. Le voyage avait été un succès, selon Léandre et Dario qui en tiraient une satisfaction évidente. Hormis cet incident au début du séjour avec Elias, que je n'avais d'ailleurs jamais revu, tout s'était déroulé comme sur des roulettes. Les nouveaux membres avaient tissé des liens avec la meute de Joux en général et, pour ma part, c'était une réussite par rapport à l'objectif que je m'étais fixé en venant.

Comme elle me l'avait dit, Hélie était venue chaque jour et nous avions travaillé dès le matin très tôt jusqu'au soir, parfois jusqu'à ce que la nuit tombe. Les premiers jours n'avaient pas forcément été les plus durs. Tous avaient été épuisants. J'avais compris de quelle manière me contrôler, comment ne pas extérioriser, mais cet équilibre tanguait de temps à autre. Ceci arrivait notamment quand je me laissais bien trop emporter par les émotions que je ressentais – ce que je n'ignorais pas – ou quand je parvenais à accéder à l'Alternatif. Plusieurs fois, Hélie avait dû me tirer de là, les premiers temps. Puis, progressivement, j'étais parvenu à me familiariser avec ce monde étrange à la réalité tout aussi bizarre. J'avais dû revoir entièrement ma conception du réel afin de trouver mes marques dans cet espace irréel et, après plusieurs essais souvent infructueux, mon objectif avait été atteint, même s'il me restait encore beaucoup de travail à travers la pratique. Hélie, de son côté, avait autant appris que moi. Pour la théorie, elle restait incollable mais pour ce qui concernait la pratique, nous avions avancé ensemble comme des débutants. Se repérer seul était facile mais guider quelqu'un dans l'Alternatif, c'était clairement autre chose. Je m'en étais rapidement rendu compte quand, voulant m'aider, elle avait été parfois trop brusque et m'avait brutalement éjecté du monde irréel. Il avait fallu apprendre à doser et, moi, à me laisser guider.

En partie grâce à l'aide d'Arthur également et à condition que je sois calme et concentré, je parvenais désormais à entrer dans l'Alternatif presque instinctivement. Presque, parce qu'il arrivait encore que je n'y parvienne pas. La moindre émotion trop forte me paralysait et me bloquait. Evidemment, il me fallait uniquement me familiariser avec tout ceci. Seul le temps et l'expérience pouvaient agir efficacement. D'un autre côté, avec Hélie, nous avions travaillé au sein de cette autre réalité. Distinguer les gens en fonction de leurs émotions, cela s'avéra être une capacité innée. En revanche, parmi le panel de choses à apprendre, c'était la seule chose que je savais faire. J'avais appris, aussi par ma première expérience qui s'était soldée par un échec, qu'il m'était possible de me « déplacer » selon ma volonté et analyser ainsi mon environnement. A vrai dire, en dehors de cela, je n'avais pas acquis d'autre connaissance. Il avait déjà fallu deux jours avant que je n'entre de nouveau dans l'Alternatif après ma première expérience. Ensuite, j'avais dû établir des repères pour ne pas me perdre. Rien que ça m'avait pris une semaine. Les quelques autres jours avaient été consacrés à la découverte d'autres formes de vie en dehors des êtres humains. Hélie avait taillé ma sensibilité et mon aptitude d'empathie, elle avait aiguisé ma sensibilitas. Et, étrangement, j'avais la sensation d'être déjà plus maître de moi-même.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant