Chapitre 76 : Le mot juste

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Tous les sons autour de moi avaient disparu. Seul un bourdonnement emplissait mes oreilles. Et les mouvements alentours semblaient être au ralenti devant moi. Mon environnement ne se résumait plus qu'à une seule et unique personne, celle en qui nos derniers espoirs étaient placés. La lumière qui émanait d'elle m'éblouissait. Je me retenais de fermer les yeux à nouveau pour ne pas me brûler la rétine. Une main se détacha de l'aura lumineuse et apparut devant moi. Petit à petit, ma vue revint et je vis, penché vers moi, le nouvel arrivant qui me tendait la main. Pendant un instant, je restai hébété face à cette vue et ne réagis pas. L'homme face à moi releva un sourcil, mélange d'amusement et d'étonnement. Ses yeux étaient d'une couleur ambrée très attirante et les traits finement sculptés de son visage, ainsi que le petit grain de beauté sous son œil gauche, le rendaient tout à fait désirable. Si je n'aimais pas aussi profondément Arthur, j'aurais probablement sombré pour cet homme entouré de mystères. Un hurlement de loup sur ma droite me fit sursauter. Précipitamment, je saisis la main tendue et fus remis sur pied par celui qui venait de me sauver la vie puisqu'aux dernières nouvelles, j'étais sur le point de me faire massacrer par une louve animée d'une volonté de vengeance inégalable.

D'ailleurs, en parlant du loup, mon assaillante se trouvait actuellement à plusieurs mètres de nous, Isidore formant comme un rempart devant moi, et elle semblait se relever difficilement, signe qu'elle avait dû être projetée au loin avec une force inouïe. Je ne savais pas comment cet homme avait réussi à propulser si loin un prédateur en pleine attaque. Cela demandait une certaine force et dextérité. Curieusement, cela correspondait à l'image que je me faisais de lui, à quelques points près. Du coin de l'œil, je dévisageai celui dont les yeux d'ambre impénétrables balayaient la zone. Les autres loups s'affrontaient, légèrement en contrebas et s'ils ne levaient pas la tête, ils ne pouvaient pas nous voir. Isidore ne se souciait même pas de la louve qui se rapprochait dangereusement en grognant. Mais quel genre d'homme pouvait-il bien être ? Nulle part je n'avais trouvé de précision sur l'identité exacte des Archontias. Ils étaient juste des Archontias, comme si ce simple mot expliquait absolument tout. Or, cette explication ne me contentait pas.

A force de le regarder, une sorte de malaise me prit. Je prenais conscience du fait qu'Isidore ne dégageait aucune émotion perceptible. En me concentrant sur lui, je ne voyais rien du tout et j'ignorais ce que je risquais de trouver – ou justement de ne pas trouver – si je plongeais dans l'Alternatif. Cet homme cachait de bien lourds secrets et je n'étais pas certain de vouloir les connaître, en dépit de ma très grande curiosité. Mais des éléments plus précis me permettaient d'en savoir plus sur lui. Sa fine silhouette fine reflétait une agilité hors normes et je pus le voir en action au moment où mon adversaire lui sauta dessus d'un bond. En fait, je ne pus qu'imaginer son agilité en raison de sa rapidité d'action. Sa seule chose que je remarquai fut la lueur qui traversa le regard d'Isidore avant que celui ne fonde sur la louve. En l'espace d'un millième de seconde, cette dernière se retrouvait couchée de nouveau quelques mètres en arrière sans qu'elle ne comprenne comment. Abasourdie, elle avait arrêté de grogner et fixait son adversaire avec un regard noir mais en n'esquissant aucun mouvement. L'homme se redressa, remettant en arrière quelques mèches de ses longs et lisses cheveux bruns liés par un cordon de cuir dans son dos. Le dos bien droit, il dégageait une prestance et une dignité admirables. La sensation de malaise que je ressentais à son égard ne fit que croître un peu plus.

— Je n'ai ni l'envie ni le temps de faire joujou avec vous, déclara-t-il d'une voix polaire. Cette histoire a assez duré, que ça vous plaise ou non. Rappelez votre meute et vos alliés, les autres feront de même.

La louve face à lui le dévisagea un instant avant de se transformer sous ses yeux. Elle ne m'accorda qu'un regard noir, signe qu'elle ne m'oubliait pas, puis porta son entière attention sur Isidore. Sa dignité d'avoir été repoussée si rapidement la rendait irascible, je voyais sans peine qu'elle était sur le point d'exploser.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant