Chapitre 4 : Non, pas encore...

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J'eus un instant d'absence, comme si je peinais à réaliser qu'il s'agissait bel et bien de la réalité. La respiration en suspens, je fixai le spectacle face à moi. Puis, je réagis, respirant d'un coup. Des bras puissants se refermèrent autour de moi tandis que je tentais par tous les moyens de rejoindre le lieu de l'accident. J'hurlai aussi fort que je pouvais. Devant moi venait de se percuter la voiture de mon grand-père et un camion transportant des marchandises. Ce dernier semblait être arrivé trop vite dans la descente. Une collision terrible suivie d'un brasier infernal, emportant les bennes en bois qui alimentèrent le feu. Un sanglot se mêla à mes cris. Ma voix se retrouva secouée de hoquets. Avec autant de force que je pus, je repoussai Arthur qui me tenait contre lui et me murmurait des paroles qui sonnaient sourd. Pour moi, il n'y avait que les deux véhicules en face. La voiture de mon grand-père n'était plus qu'un tas de ferraille, bosselée de toutes parts alors que le camion avait seulement l'avant défoncé. Enfin, c'était ce que j'avais vu avant que la cargaison du camion ne prenne subitement feu. Rapidement, le feu s'était étendu jusqu'aux éléments les plus proches comme la voiture de mon grand-père et une benne à verre. Le tout créait une fumée d'enfer où la visibilité était fortement réduite.

Le problème était que personne n'en sortait. Je fixai désespérément ce qui me semblait être la portière de la voiture grise de mon aïeul. Qu'attendais-je exactement ? Un homme sortant parmi les flammes, un miraculé. Bêtise.

Au bout d'un long moment de non-réaction, je courus jusqu'au lieu où l'enfer semblait avoir pris sa place. La foule commençait à s'amasser mais personne ne fit de geste pour sortir les conducteurs des véhicules, sûrement trop impressionnés par la fumée qu'ils dégageaient. Je dépassai la foule en courant et me dirigeai tout droit vers les flammes qui perçaient dans l'épais nuage noir. Je sentis rapidement le feu ardent lécher mes vêtements, les embrasant aux jambes. Je m'en fichais, je le cherchais. La voiture de mon aïeul était désormais face à moi. Face à la portière du conducteur où je distinguais une forme de l'autre côté, je pris la poignée pour l'ouvrir mais je me brûlai, la chaleur avait rendu toute la ferraille si chaude qu'elle en était intouchable. J'enroulai comme je pus la manche de mon pull autour de ma main et ouvrit la porte avec peine. Ce fut là que je le vis plus clairement. Inconscient, il avait la tête posée sur le volant. La vision m'effraya et mes yeux s'écarquillèrent. Il ne bougeait pas.

Elle ne bougeait plus. Il ne bougeait plus. Ils étaient tous immobiles.

Non, ce n'était pas vrai. Je devais sortir mon grand-père de là.

Je tentai de le tirer de la voiture comme je pus mais il était bien trop lourd pour moi et l'air rempli de fumée commençait à m'agresser la gorge et les poumons mais aussi les yeux. Je toussai, lâchant mon grand-père au passage. Les yeux pleins de larmes, ma vision était brouillée mais je pus tout de même distinguer quelqu'un arriver à mes côtés. Cette personne m'aida à tirer mon aïeul des flammes et nous l'emmenâmes hors des flammes. A peine fûmes-nous sortis de l'ardent brasier, je m'effondrai dans une quinte de toux incontrôlable. Je sentis quelqu'un éteindre le feu sur mes vêtements et m'enrouler dans un pull assez large. J'étais toujours secoué par la toux lorsque j'entendis une sirène retentir. Les secours venaient d'arriver. Je devais dire que j'étais surpris par leur temps de réaction. Normalement, ils mettaient plus de temps que cela. Ou alors, plus de temps que je ne le pensais était passé lorsque j'essayais d'aider mon grand-père. En relevant la tête, je vis un groupe d'infirmiers le prendre immédiatement en charge. Un vague soulagement m'envahit. Brève, je ne savais toujours pas dans quel état était mon aïeul.

Un infirmier se dirigea vers moi et donna une couverture de survie à la personne derrière moi, qui m'avait enroulé dans un pull – vêtement remplacé vite fait par la couverture. Lorsque je me retournai, je tombai sur Arthur qui avait les vêtements un peu roussis voire carrément brûlés au niveau de ses jambes. Je sus que c'était lui qui m'avait aidé. Je voulus le remercier, peu importait à présent la rancœur que je lui portais, mais à la place ne sortit qu'un couinement étouffé suivi d'un sanglot. La peur ressentie dans le feu remontait peu à peu à la surface, mêlée cruellement la frayeur de perdre de nouveau un proche. En fait, c'était surtout cette dernière qui me secouait le plus. J'avais la sensation d'avoir vécu en direct l'accident qui avait tué mes plus proches parents.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant