Chapitre 45 : Un souhait d'insouciance

2.8K 235 189
                                    

Vers la fin du mois d'avril, c'est-à-dire près de quatre mois après ce message, rien ne m'était arrivé de particulier. C'était assez étonnant, d'ailleurs. Sur le coup, après avoir compris la signification de ce message que m'avaient envoyé ces Leuks, j'avais clairement paniqué mais, après une courte réflexion, la panique s'était éloignée. J'avais fini par comprendre qu'il ne s'agissait que de mots destinés à me faire réagir en leur faveur. Le mot était simple, sans fioriture, et précis. Il allait droit au but, juste ce qu'il fallait pour ébranler quelqu'un qui était déjà sous tension. Seulement, ils ignoraient mon état après ce petit voyage à Thiers avec Thomas. Jules en était parvenu à la même conclusion que moi : cette lettre avait été envoyée afin de tâtonner le terrain, voir comment je réagissais. Evidemment, je prenais la menace qui planait au-dessus de moi très au sérieux mais, en y réfléchissant un peu, que pouvaient-ils me faire en pleine ville ? Pas grand-chose, de toute évidence. En revanche, si je m'étais un peu calmé, j'avais toujours droit à de maintes mises en garde de ma grand-mère. Mon aïeule veillait sur ma vie, ce qui contribuait à ne pas me faire oublier la menace. A chaque fois que je prévoyais quelque chose, elle me demandait beaucoup de renseignements jusqu'aux numéros de téléphone des personnes avec qui j'étais.

Ainsi, devant ce comportement excessif, j'avais un peu réfléchi et avais trouvé le mien injuste envers Jules, la fois où je l'avais appelé à Thiers. Une nouvelle fois, ce dernier m'avait prouvé sa valeur inestimable en me pardonnant dès que je l'avais rappelé. Il m'avait dit qu'il comprenait ma réaction et s'était encore plusieurs excusé de ne rien pouvoir me dire. J'avais été incapable de lui dire que ce n'était pas de sa faute, que ce n'était pas grave. Car c'était grave, je le savais. Mais je ne disais rien. J'attendais et je subissais ce silence, comme une cocotte-minute sur le feu.

En plus, depuis le début du mois d'avril, je commençais à me demander si je pouvais continuer à supporter cette situation. Cette tension constante me mettait sur mes gardes et, récemment, mes amis de la fac m'avaient fait la réflexion que j'étais un petit peu trop tendu ces derniers temps. J'avais réussi à faire passer mon comportement pour du stress avant les partiels qui approchaient. Thomas, lui, connaissait la vérité. Et, j'avais du mal à l'avouer, mais cette situation pesait également sur notre relation. Alors que nos séjours à Annecy et à Thiers auraient dû être une source d'amusement, nous évitions d'en parler. De même, nous évitions de parler de mes nuits et de la façon dont elles se déroulaient. J'avais d'ailleurs adopté la solution de Mamily, c'est-à-dire les infusions de tilleul, laissant de côté les hypnotiques du médecin. J'avais essayé l'aubépine et la valériane mais je n'avais pas apprécié le goût. Le soir, quand je dormais avec Thomas, un silence s'installait dès que je préparais cette infusion nécessaire. Heureusement pour nous, nous ne nous éloignions pas. Il y avait juste ces quelques moments gênants auxquels, je l'espérais, le temps apporterait un remède efficace.

Par ailleurs, Thomas et mes amis de la fac n'étaient pas les seuls touchés. Il y avait également Alice et Antoine. Surtout ce dernier, en fait, puisque je vivais avec lui. Il avait tout de suite remarqué que quelque chose n'allait pas lorsque je lui avais demandé une fois de bien faire le tri dans le courrier avant de me le donner. Evidemment, depuis cette lettre des Leuks, je faisais gaffe à ce que je recevais. Ces précautions n'avaient pas échappé à mon colocataire qui, trop curieux, s'était empressé de m'assaillir de multiples questions et stupides hypothèses devant mon silence et ma gêne. J'avais finalement lâché que j'avais reçu une lettre de menace en inventant une histoire autour d'une fille qui serait amoureuse de Thomas et qui m'aurait en ligne de mire. C'était stupide mais, sur le coup, c'était la seule justification qui m'était venue à l'esprit. Toutefois, je choisissais un peu trop bien mes amis. Antoine n'avait cru à cette histoire que pendant un mois avant de reprendre ces questions. Finalement, je m'étais énervé devant son insistance et l'avait envoyé bouler. Nous nous étions réconciliés rapidement mais je voyais bien qu'Antoine cherchait à comprendre ce qu'il se passait par tous les moyens, puisqu'il en avait même parler à Alice. A mon grand étonnement, Alice avait rétorqué à Antoine que si je voulais parler, je parlerai. En attendant, il fallait patienter calmement sans me pousser. Là, j'avais reconnu ma meilleure amie, même si ça m'avait assez étonné.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant