Laissant enfin les loups tranquilles, je quittai la cave et me dirigeai vers le grand salon du chalet, à la recherche de cette dénommée Carmen. J'entendis une femme chantonner depuis la cuisine et m'y dirigeai, à la fois guidé par la chanson mais aussi par l'odeur alléchante qui planait dans l'air. Aux fourneaux se trouvaient une brune âgée d'une cinquantaine d'années qui balançait des hanches en chantonnant et coupant des légumes. Lorsque j'entrai, elle me remarqua tout de suite et se tourna vers moi.
— Oh, enfin quelqu'un de normal ! s'exclama-t-elle après m'avoir rapidement détaillé du regard. Je croyais être la seule parmi tous ces loups mais je suis contente de voir que non. Je suis Carmen. Tu es ?
— Ethan, me présentai-je. Enchanté.
— Ah, le Tisseur, remarqua-t-elle.
Je me renfrognai à cette remarque peu commune mais qui ne me plaisait certainement pas. Elle dut voir ma tête un peu déçue car elle reprit précipitamment la parole.
— Pardonne-moi, je ne voulais pas vraiment te marquer comme ça. J'ai moi aussi parfois le droit à ce genre de gratifications. Je suis la « la femme de l'alpha », c'est comme ça qu'on me nomme puisque je ne suis pas une louve. Ne t'en fais pas. D'une certaine manière, je te comprends. Oh, attends deux petites secondes !
Elle fit volte-face et se pencha au-dessus d'une grosse marmite.
— Je suis en train de préparer un pot-au-feu, tu veux m'aider ? me proposa-t-elle.
— Je veux bien, ça m'occupera un peu.
— Surtout qu'ils risquent d'en avoir pour un moment. Quelle idée de vouloir tenir une réunion à neuf heures du soir... Tiens, épluche et coupe donc les carottes en deux pendant que je m'occupe des pommes de terre. Fais quand même attention à ton avant-bras, je vois que tu es blessé. Avec le nombre que nous serons à table, nous avons du pain sur la planche – et c'est le cas de le dire ! rit-elle de sa propre blague.
Préparer le repas m'occupa une grande partie de la réunion puisque celle-ci sembla durer dans la cave. Après que nous ayons fini de faire le principal, alors que les légumes et la viandes cuisaient, Carmen me fit visiter l'énorme chalet. Le chalet en entier, composé de pas moins de quatre étages, faisait presque penser à un hôtel. Evidemment, il ne passait pas inaperçu entre les arbres mais le domaine aux alentours était protégé par des barrières indiquant qu'il s'agissait d'une propriété privée. Le rez-de-chaussée n'était composé que d'un salon de taille raisonnable, d'une cuisine correcte et, surtout, d'une énorme salle-à-manger. Les chambres étaient minuscules, faites pour deux personnes uniquement, et j'imaginais déjà la queue qu'il devait y avoir pour les salles de bain chaque soir et matin. En un sens, ce chalet me faisait au foyer de Jules. J'étais certain que ce dernier ferait une réflexion à ce propos.
Par ailleurs, je fis également la connaissance de cette dame qui était bien, comme je l'avais deviné, la seconde femme de Dario. Ce dernier avait divorcé il y a longtemps bien qu'il ait eu Elias avec son ex-femme et il s'était remarié il y a deux ans. Carmen me fit part des quelques oppositions au sein de la meute qu'il y avait eu pour leur mariage mais, finalement, l'alpha ne leur en avait pas laissé le choix. Malgré l'insistance des loups sur la séparation de vie privée et vie collective, Dario avait fait face à de nombreuses contestations suite à son divorce avec sa première femme qui était une louve. J'avais été ému de voir à quel point Dario aimait sa femme, faisant passer son bien avant celui du groupe. Carmen m'expliqua qu'aujourd'hui une grosse majorité de la meute l'avait accepté, même si certains avaient toujours du mal avec elle. Toutefois, il s'agissait plus de malaise que de réelle opposition.
Cette situation me rappelait un peu la mienne. J'avais bien remarqué, même pendant le trajet de ce soir, les quelques regards mal à l'aise que j'avais reçu. En revanche, contrairement à l'histoire de Dario et Carmen, Arthur n'était pas entièrement la cause de ces regards. Je mettais la meute en danger de bien des manières, et je comprenais désormais pourquoi. Pourtant, je restais un élément qu'il fallait à tout prix protéger. J'avais plus ou moins compris en quoi j'étais particulier et pourquoi ce devoir de protection était autant mis en avant. Néanmoins, la peur que j'inspirais, selon les paroles de Léandre, me semblait tout à fait incongrue. Comment pouvaient-ils croire que je déciderais, un jour, de leur imposer mes sentiments et ma vision du monde ? Le seul réel souci qui m'apparaissait concernait surtout nos « effusions » d'amour à Arthur et à moi. Dans ce cas-là, j'admettais que ce devait être dérangeant. Pourtant, je n'avais pas l'intention de cesser d'aimer Arthur pour cela, ni de me retenir pour eux. Les loups qui me rejetaient n'avaient qu'à bien se tenir car je ne le laisserai plus tomber. Et puis, cette personne qui devait venir le lendemain n'allait-elle pas m'aider ?
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Loup des bois et des rêves (M/M)
RomanceEthan Colas, un garçon brisé suite à la perte de ses parents et de son petit-frère et dans lequel la colère a choisi d'habiter, se retrouve contraint de suivre ses grands-parents dans le Jura. Près de la frontière suisse, il découvre une nouvelle vi...