Chapitre 55 : Douter de l'être aimé

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Après cette discussion fumeuse qui s'était assez mal terminée, je ne cessai pas de ruminer dans mon coin. Jules avait entendu ce qui s'était dit et faisait tout pour ne pas montrer sa colère. Ce que j'aimais chez lui, c'était qu'il ne prenait pas les gens en pitié et partageait leurs sentiments et émotions assez facilement. Evidemment, ça pouvait être considéré un inconvénient, presque un défaut ou une faiblesse, selon les opinions. Quoiqu'il en fût, il renonça aussi à aller se balader et, afin de nous rafraîchir un peu l'esprit, nous allâmes nous préparer des crêpes. S'ensuivit une bataille de gamins dans la cuisine avec la nourriture. Quand nous nous rendîmes compte de l'état de la cuisine, je dus presque contraindre Jules à m'aider à nettoyer avant que nous mangions le fruit de notre dur labeur. A ce moment-là, je reçus un appel d'Alice dont je n'avais plus de nouvelles depuis mon départ de Lyon auquel elle avait assisté avec émotion. Nous parlâmes pendant près d'une heure, avant qu'elle ne m'annonce qu'elle devait partir, que Barry l'emmenait en Bretagne. Souriant de son bonheur évident, je raccrochai.

Après cet appel, Jules et moi nous penchâmes sur le livre qu'Arthur était venu m'apporter, Somnia Lupi. Après avoir feuilleté rapidement le livre d'au moins trois cent pages, nous remarquâmes qu'il y avait un mélange de pages écrites proprement, de notes gribouillées rapidement, de photos accrochées, de feuilles rajoutées entre les pages. Plus nous avancions, plus l'idée qu'il s'agissait d'une sorte de journal émergeait. En plus, en dehors du français et du latin, d'autres langues se côtoyaient. Je reconnus du grec et de l'italien ainsi que d'autres qui me furent totalement incompréhensibles de par leurs caractères illisibles. Ces dernières étaient présentes sur stèles qui avaient été prises en photo, ces dernières étant épinglées sur certaines pages. J'émis l'idée qu'il s'agissait peut-être de langues sémitiques. Jules ajouta que les pages auxquelles elles étaient accrochées n'étaient pas hasardeuses. Pendant un instant, nous espérâmes y trouver la traduction. Cela s'avéra pour une partie mais pas pour le reste.

Désespérés, nous renonçâmes à trop nous pencher sur les langues incompréhensibles et nous tournâmes d'abord vers les textes en français. Ils étaient loin de constituer une majorité. A l'aide de post-it, chaque page portant un texte en français fut marquée. Au fur et à mesure que nous avancions, je remarquai que le livre portait vraiment sur des tonnes de sujets. Pourtant, un thème semblait tous les regrouper : le surnaturel. Tantôt, nous avions affaire à un texte évoquant les loups garous tandis que celui d'à côté parlait plutôt de devins.

Dans tout ce corpus, je ne trouvai qu'un seul texte parlant de Tisseurs. Jules me rassura en me disant que ces derniers avaient reçu plusieurs noms au fil des siècles et que leur évocation serait facilement reconnaissable selon le contexte. Jules continuait de mettre les post-it tandis que je dressai une liste de synonymes du mot « tisseur » dont le sens pouvait éventuellement se rapprocher de ce que je savais de moi. C'était l'idée de mon ami qui, lui aussi, était incapable de deviner quels noms avaient été donnés aux Tisseurs dans le temps. J'étais certain que ces noms pouvaient également être liés au contexte historique. Ma grand-mère avait sous-entendu que nous avions pu être bien vus à certaines périodes, tandis qu'à d'autres, nous pouvions être chassés. Actuellement, le terme de « tisseur » avait été retenu. De mon point de vue, ce n'était pas réellement un nom mélioratif. Cela m'inspirait l'idée d'un « manipulateur ». D'un autre côté, je voyais aussi une mise en ordre par le tissage qui reliait minutieusement les fils et qui les ordonnaient. Cette recherche se révéla assez complexe et déboucha sur une liste d'une petite dizaine de mots. Néanmoins, quand nos estomacs se firent entendre, nous nous décidâmes à mettre de côté cette étude pour le moment. Avec stupeur, nous constatâmes que le soleil commençait déjà sa descente vers l'horizon.

— Je meurs de faim ! s'exclama Jules. Je vais voir s'il y a quelque chose à préparer. Ça te dit d'appeler Romain et Aimeric ? proposa mon ami. Ils se sont aussi beaucoup inquiétés pendant la semaine.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant