Le silence qui suivit l'annonce me tomba dessus comme une chape de plomb. Avouer tout cela à voix haute ne rendit que plus réel ce sentiment de trahison. Alice était de les leurs, de ceux qui avaient cherché à avoir ma peau depuis désormais presque deux ans. Je connaissais Alice depuis toujours, ce qui signifiait qu'elle avait toujours su pour moi ou au moins pour elle. Cette constatation semblait tout remettre en cause, même notre profonde amitié était mise à rude épreuve dans mon esprit. Toute la nuit, j'avais songé à chacun de nos contacts durant ces deux dernières années et force avait été de croire qu'elle avait forcément agi d'une manière ou d'une autre sur les évènements qui étaient survenus. Après tout, elle savait que Thomas et moi allions passer Noël non-loin d'Annecy, quand les Leuks nous avaient surpris. Egalement, j'avais songé à ce qu'Hélie avait dit à propos d'une quelconque stimulation de la sensibilitas qui l'aurait éveillé sur Lyon. J'avais fait mon premier rêve avant de retrouver Alice mais, après nos retrouvailles, rien ne s'était arrangé. De même, elle avait souvent prétexté des rendez-vous avec Barry, notamment quand Antoine et Thomas étaient venus aux Rousses, pour ne pas venir. La plaie béante de mon cœur saignait depuis la veille et me faisait atrocement souffrir.
Face à moi, ma grand-mère, à qui la révélation semblait déjà sue, m'évitait du regard. Le regard des autres était confus. J'entendis seulement le juron d'Arthur et vis Jules s'asseoir sur le banc, à côté de moi.
— Qui est Alice ? demanda Aimeric, incertain.
— Mon amie d'enfance, ma meilleure amie – enfin c'est ce que je croyais jusqu'à hier.
Je l'avais toujours considéré comme ma meilleure amie, ma confidente la plus chère, ma sœur de cœur. Elle avait toujours été présente pour moi, dans les meilleures comme dans les pires situations. Pire comme hier. Pourtant, ces crocs qu'elle avait pointé sur moi ne me semblaient plus aussi menaçants et la lueur de panique qui avait traversé son regard m''était apparue comme sincère. Toutefois, la vérité avait été là, en face de moi et même penchée sur mon cou. Le goût de la trahison était amer dans ma bouche. Je ne l'acceptais pas, de la même manière que ma grand-mère avait refusé le choix de ma mère d'aller vivre à Lyon, auprès d'une autre meute. Ça, c'était également quelque chose que j'avais compris cette nuit, même si j'ignorais les relations qu'avaient entretenues ma mère et la meute dont faisaient partie Alice et son père, le grand loup d'hier qui avait veillé paisiblement à ce que tout le plan se déroule comme il le souhaitait. Cela m'avait inévitablement fait penser à ce papier que j'avais reçu, au retour de Thiers mais avant mon attaque dans les Monts d'Or. Les Leuks avaient sous-entendu que j'aurais dû venir de moi-même vers eux. Mon ignorance aurait dû me pousser vers eux et, si Alice s'y était mis, peut-être que je l'aurais fait avec plus d'enthousiasme. Décidément, une autre discussion en dehors de celle avec ma grand-mère s'imposait. Avant cela, chaque chose en son temps, il me fallait terminer celle-ci.
— Visiblement, le fait que ma meilleure amie soit membre des Leuks n'étonne pas tout le monde ici. Mamily, j'aimerais beaucoup connaître ta version des choses.
La susnommée darda un regard de détresse sur moi mais cela ne m'impressionna pas. Après toutes ses cachotteries, entre l'aggravement de l'état de mon grand-père et ça, lui pardonner s'avérait plus difficile que jamais.
— Je savais qu'Alice faisait partie des Leuks. Toutefois, je n'avais rien à en dire. Elle était ton amie, libre à elle de te tenir au courant ou non. L'héritage du lycanthrope intervient vers la puberté, parfois plus tôt. Alice avait le choix de t'emmener dans son monde bien avant que tu ne viennes ici, Ethan, insista-t-elle. Au contraire, elle a préféré se taire et, certainement, t'épargner cette épreuve.
— Ce n'est pas cette partie que je te demande de m'expliquer, rétorquai-je. Pourquoi cela t'a-t-il empêché de prendre tes propres responsabilités ? Tu as laissé le choix à Arthur de tout me dire alors qu'il n'y connaissait rien et tu reportes encore la faute sur quelqu'un d'autre. Je méritais de savoir que j'étais un Empathe ! Une formation ? Je n'en demandais pas tant, juste un peu d'honnêteté. Tu m'as exposé tes raisons, entre le mort-né et la perte de ma mère, ou encore la mort de Papily, mais c'est insuffisant à mes yeux.
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Loup des bois et des rêves (M/M)
RomanceEthan Colas, un garçon brisé suite à la perte de ses parents et de son petit-frère et dans lequel la colère a choisi d'habiter, se retrouve contraint de suivre ses grands-parents dans le Jura. Près de la frontière suisse, il découvre une nouvelle vi...