Chapitre 28 : Pourquoi dites-vous cela ?

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La déclaration d'Arthur m'avait beaucoup plus retourné que je ne l'avais songé. Trois jours étaient passés depuis sa visite et je ne l'avais plus revu. Pourtant, il ne quittait pas mes pensées. Mes sentiments se mélangeaient et formaient à présent une masse d'émotions inidentifiables en ébullition. Se mêlaient à la fois l'amour et l'attachement que j'éprouvais malgré tout pour lui – ce que je n'avais pas réussi à effacer – ainsi que la haine et la rancœur qui étaient nées durant ces derniers mois, ainsi que bien d'autre sensations comme le regret. Peut-être que ces derniers sentiments négatifs étaient les plus forts, plus récents, mais au fond de moi, je ne parvenais pas à m'en convaincre complètement. De plus, une autre émotion avait fait surface. C'était celle que j'avais ressenti lorsque ces trois mots avaient résonné dans mes oreilles. La joie. Et je haïssais ce sentiment car il me prouvait qu'Arthur, par cette simple phrase, m'avait fait éprouver plus de joie en quelques secondes que qui que ce soit d'autre durant les cinq précédents mois réunis. Cette joie me prouvait à quel point Arthur m'était précieux, nécessaire.

Mais je n'oubliais rien. C'était lui qui m'avait abandonné, qui m'avait rejeté, et peu importait le nombre de regrets que j'avais pu lire au fond de ses pupilles, je ne souhaitais pas lui pardonner. Je ne niais pas que je voulais retrouver cette période où j'habitais chez lui, où j'étais proche de lui. Or, Arthur y avait mis fin lui-même car nos sentiments n'étaient pas compatibles. Alors pourquoi avait-il dit m'aimer ? Oh, la pitié évidemment. Et là revenait la rage d'avoir été pris pour un con. Parce que j'avais failli mourir, il fallait que chacun soit aux petits soins pour moi. Les gens devaient me faire parvenir ce qu'ils gardaient au fond d'eux, leurs sentiments pour moi, et en bon petit garçon, je devais les accepter, sous le simple prétexte que je le regretterai plus tard ? Certainement pas ! Dans la forêt, je n'avais rien regretté. Ce n'était pas après quelques jours ou semaines de coma que ça allait changer.

Seulement, beaucoup ne semblaient pas pouvoir le comprendre. Je ne pensais pas qu'à mes proches – à savoir ma grand-mère, Jules, Ambre, Mathieu et Léa – mais aussi aux policiers qui étaient venus m'interroger hier suite à ma fuite. Ils s'étaient montrés très inquiets, comme s'ils avaient vraiment quelque chose à faire de ma disparition. C'était le même cas de ceux qui m'aidaient à « reprendre le goût de la vie » avaient-ils dit. Il s'agissait ni plus ni moins d'une sorte de rééducation à travers des séances de soutien. Ç'avait été une idée de ma grand-mère puisque l'hôpital n'offrait pas vraiment ce genre de services. Franchement, la seule chose à laquelle ils ont dû penser était « encore un gamin qui a fugué ? ». Ces regards compatissants me donnaient la gerbe, en plus de me rendre confus.

D'ailleurs, une source de confusion était ce qu'il s'était déroulé dans la forêt avant que je sois retrouvé. Des loups m'avaient pris en chasse, c'était indéniable, mais personne jusqu'à maintenant ne m'avait fait part de cette histoire. Si mes amis m'avaient retrouvé au moment où j'étais tombé, ils avaient forcément vu les loups, non ? Alors pourquoi personne n'en parlait ? Il y avait quelque chose, j'en étais sûr, mais je ne savais pas où commencer pour en savoir plus. Retourner sur les lieux à ma sortie d'hôpital n'arrangerait rien. Le mieux était peut-être d'attendre de nouveau la nuit pour éventuellement revoir les loups, mais alors ? Je risquais de me faire attaquer encore une fois et rien résoudre. Arthur m'avait bien dit qu'ils revenaient dans la région depuis quelques années mais que j'avais plus de chances de tomber sur un renard ou un lynx – bien que ces derniers étaient extrêmement discrets. C'était peut-être pour cela que ma curiosité avait été attisée : pourquoi des loups ? Et bien sûr, pourquoi personne n'en parlait alors que j'étais presque certain qu'une meute, ça ne passait pas inaperçu ?

J'étais toujours assis dans mon lit d'hôpital d'où je n'avais pas bougé. Je savais que ma grand-mère s'inquiétait de ne pas me voir parler, seulement fixer le ciel depuis la visite d'Arthur. Elle pensait que je réfléchissais à ce qu'il m'avait dit – puisqu'évidemment, elle se doutait de ce qu'il m'avait dit – et elle n'avait pas totalement tort. Je n'arrêtais pas d'y penser.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant