Chapitre 58 : La naïveté du pardon

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Sous le chaud soleil de midi du quai de la gare, je regardai le train partir avec nostalgie et abaissai ma main une fois mes amis hors de vue. Et voilà, la semaine était terminée. Je n'en revenais pas combien elle était passée vite. Au retour de notre grosse randonnée, nous avions enchaîné avec une autre sortie de deux jours avec une nuit dehors aux alentours du lac des Rousses, au grand bonheur de ma grand-mère qui était enfin revenue de ce mariage. La chaleur nous avait accompagné jusqu'au bout et mes deux amis étaient repartis avec de grosses marques de coups de soleil, le sourire jusqu'aux yeux. Ce séjour avait adouci ma relation avec Thomas qui, malgré nos sentiments, s'était montré tout à fait aimable. En y réfléchissant un peu, Jules m'avait fait remarquer qu'il aurait pu profiter de ma mauvaise situation avec Arthur, ce qu'il n'a jamais cherché à faire. J'y avais déjà songé et mon respect pour ce jeune homme s'était d'autant plus accru.

Mais, désormais, mes problèmes me rattrapaient : je devais faire face à la réalité. Traînant des pieds dans le hall de gare, je restai silencieux dans la voiture tandis que Romain et Jules échangeaient déjà quelques souvenirs sur ce séjour de mes amis auquel ils avaient pris part. Rapidement, j'avais décroché de la discussion et me perdis dans mes pensées. Irrémédiablement, ces dernières me dirigèrent irrémédiablement vers Arthur. Certes, j'avais commencé à lui pardonner mais il était évident que le principal problème se situait ailleurs. Je n'étais déjà pas très confiant dans notre nouvelle relation presqu'irréaliste, cette histoire avait porté un coup dur à ma confiance, d'autant plus que notre couple n'était qu'à peine solide. J'aimais Arthur depuis presque deux ans, il en était de même de son côté. Cela était-il suffisant ? Un énième soupir m'échappa et je sursautai quand Jules m'interpela dans la voiture.

— Ethan, tu vas aller le voir, n'est-ce-pas ? demanda-t-il de manière insistante.

— Pour quoi faire ? rétorquai-je de mauvaise foi.

— Il ne peut pas te contacter, je te rappelle que tu lui as donné ton téléphone sur un coup de tête, souffla Jules, dépité.

— En attendant, il a aussi des jambes s'il veut venir me voir, répondis-je.

— Ethan... Sincèrement, de toi à moi, tu es chiant à être aussi borné. D'ailleurs, l'imbécile qui te sert de petit-ami l'est tout autant. Arthur ne doit même pas oser jeter ne serait-ce qu'un regard vers ta maison. Il attend que tu le contactes, comme s'il avait besoin d'un feu vert pour se bouger le cul. S'il venait te rejoindre pour en parler, tu ne voudrais même pas le voir, c'est ce qu'il doit se dire. En réalité, je suis certain qu'il n'a pas tort de penser cela. Et ne le nies pas ! ajouta mon ami en voyant que j'ouvrais la bouche pour protester.

— Il n'a pas tort, ajouta Romain. Je te connais depuis beaucoup moins longtemps que Jules mais j'ai remarqué que tu es terriblement têtu. Tu devrais vraiment aller voir Arthur en rentrant, ça vaut mieux pour vous.

— De quoi je me mêle ? maugréai-je.

Cependant, sous cette apparente mauvaise humeur, j'avais pris la décision d'aller voir Arthur dès que je serais rentré. Jules se tut, satisfait de ma décision que je n'avais pourtant pas évoqué à voix haute. Il l'avait lu sur mon visage, ce crétin, et il en était satisfait. Nous passâmes l'après-midi ensemble, après un lourd repas dans le centre de Saint-Claude. Plusieurs fois, ils firent allusion au fait que j'allais être occupé ce soir, au cas où me vienne l'idée de ne pas aller voir Arthur.

En fin d'après-midi, les garçons passèrent chez moi afin de me déposer mais, lorsque nous fûmes arrivés devant l'ancienne ferme qui me servait de maison, une petite surprise m'attendait. Romain et Jules se tournèrent derechef vers moi avec le même regard qui en disait long.

— C'est étonnant qu'il soit venu de lui-même mais je compte sur toi pour ne pas rendre ses efforts vains, lâcha Jules.

Presque poussés par les deux imbéciles qui me servaient d'amis, je sortis de la voiture tandis qu'ils repartaient en voiture avec un petit signe d'au-revoir, me laissant face à Arthur qui, visiblement, semblait m'attendre de pied ferme. Lorsqu'il me vit, il me jeta un sourire rayonnant, rehaussant ses lourds cernes, auquel je répondis automatiquement par un froncement de sourcils. Il semblait si fatigué... Mais je n'allais certainement pas me jeter dans ses bras, même si l'envie ne me manquait pas.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant