Chapitre 8 : Amputé d'une partie de soi

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Les minutes s'écoulèrent et seuls quelques sanglots de ma part résonnèrent de temps à autre dans la clairière. Dès que je pensais me calmer, un souvenir me revenait et je ne m'arrêtais plus. D'aussi loin que je me souvenais, je n'avais encore jamais raconté cela à qui que ce soit ni avais eu cette réaction devant quelqu'un – ou bien même seul. J'avais l'air pitoyable mais Arthur fut extraordinaire. Il ne disait rien, me laissait extérioriser comme il le fallait.

Soudain, il eut un bruit non-loin de nous dans la forêt. Cela ressemblait un peu aux bruits de pas dans la neige mais les pas étaient plus légers, plus experts. Je relevai la tête du cou d'Arthur pour scruter les environs quand ce dernier intervint.

— Ce doit être un animal, m'apaisa-t-il. Parfois, il y a quelques curieux mais rassure-toi : ils ne se montrent jamais.

— Tu penses que c'était quoi ?

— Comme animal ? Je ne sais pas, avoua-t-il. Je sais qu'il y a beaucoup de lynx mais ceux-ci ne se montrent jamais et n'approchent pas du tout des sentiers. Sûrement un renard, il y en a pas mal aussi. Ce n'est pas pour rien que l'emblème des Rousses est un renard, d'ailleurs.

— Et des loups ? demandai-je. Il y en a aussi ?

— Des loups ? s'étonna Arthur. Eh bien, de ce que je sais, ils n'étaient plus dans la région depuis un moment. Soit ils se cachaient, soit ils avaient disparu. Quoiqu'il en soit, ils sont apparemment en train de revenir dans nos forêts. C'est plutôt une bonne chose, je pense. Mais pourquoi cette question ?

— J'aime bien les loups, expliquai-je.

— Ton animal préféré ? chercha-t-il à savoir.

— Oui.

— Pourquoi ? s'hasarda-t-il.

— Pourquoi j'aime les loups ? Pour la même raison que j'aime les pâtes, je suppose.

— Quoi ? s'exclama Arthur. Tu as déjà mangé du loup ?!

— Mais non ! rigolai-je. C'est juste que je ne l'explique pas vraiment. C'est un animal magnifique, sauvage. Le système de la meute m'impressionne aussi, c'est comme si... C'était la réincarnation même de la loi de la nature, de la loi du plus fort mais d'une manière plus sauvage et naturelle que celle qu'on imagine, nous les hommes, tu comprends ?

— Parfaitement, sourit-il. J'ai la même impression parfois.

— Et toi, ton animal préféré ? répliquai-je.

— Hm... Je n'ai pas d'animal favori mais s'il fallait vraiment te donner une réponse, je choisirai la buse. J'ai toujours rêvé de voler un jour et il s'agit d'un rapace, presqu'au sommet de la chaîne alimentaire des oiseaux.

— Dans ce cas, pourquoi pas l'aigle ?

— Je n'en ai jamais vu, répondit-il et je n'aime que ce que je vois, goûte ou sens. As-tu déjà vu un vrai loup ? interrogea Arthur.

— Plusieurs fois au zoo, oui. Mais je crois aussi en avoir vu un en liberté. C'était il y a quelques mois, quelques jours après que je sois arrivé, commençai-je. Je suis sorti à un moment le soir – enfin, la nuit plutôt – et c'était au loin. C'était une apparition assez rapide mais je suis certain d'avoir distingué la silhouette d'un loup. Il était bien trop grand et canin pour être un renard ou un lynx. Après, je ne suis pas un spécialiste alors je ne peux qu'affirmer sans preuve mais j'ose croire que c'en était réellement un. Et toi, tu en as déjà vu un ? Tu habites ici depuis longtemps alors ça ne m'étonnerai pas.

— Jamais, ce n'est pas parce que j'habite dans le coin que j'en ai déjà vu. Quand je t'ai dit que les loups revenaient dans le coin, c'est uniquement ce que j'ai entendu de vieux chasseurs. C'est assez étrange puisqu'ils ne se sont jamais attaqués à un fermier, ou alors l'attaque a dû être confondue avec celle d'un renard – même si, je pense, il doit y avoir une sacrée différence entre les deux modes de fonctionnement.

Loup des bois et des rêves (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant