Chapitre 66 : Ces liens qui nous désunissent.

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<< Petits pas

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<< Petits pas. Chassés. Enjambement. Gracieusement. Aussi légères qu'une plume. Pointes. Élégamment. Posture droite. Souplesse. Parfait. >>

Depuis quelques jours, j'étais enfin parvenue à trouver du temps libre pour danser. Des cours de danse communs, dans la meilleure école de la Californie. Au début, c'était difficile. J'avais perdu le rythme, j'avais perdu mon sens de l'équilibre. Je n'étais plus aussi fluide qu'il y avait quelques années. Puis j'avais songé au fait que j'avais changé, grandi, et mûri. Ces événements dans ma vie avaient été le déclencheur de mon malheur, ils avaient été le drame dans la comédie, et la peur dans la nervosité. Maintenant, j'étais totalement détruite. Je ne le montrai pas : je souriais, je pensais positif, j'arrivais même à m'endormir. Mais, dans le fond, j'étais épuisée de me battre pour vivre. La vie ne devait pas être un fardeau, ni une bataille. Alors, je me réfugiais dans la danse pour combler les vides dans les profondeurs de mon âme. Certaines nuits, je me réveillai par un long sursaut, qui me rappelait que ma vie avait été emportée au loin, ces nuits-là, je me mettais à danser pour soulager ma douleur. Je dansais, et dansais encore, jusqu'à en avoir mal aux pieds, mal aux mains jusqu'aux bouts des ongles. Dès lors que je sentais la chaleur m'envahir, je me sentais enfin libre et tranquille, je me sentais en protection ; mais ce n'était qu'une illusion. Quand je m'arrêtai, tout était exactement pareil, rien n'avait bougé, rien ne s'était amélioré, et je redevenais celle que j'étais : une jeune fille dont la jeunesse lui avait été enlevée et dont la vie avait été empoisonnée. J'avais tout perdu à n'être qu'une fille qui n'avait rien demandé. Et dorénavant, mes chaînes invisibles se construisaient autour de mes poignets et j'étais prisonnière, prisonnière de mon destin tragique.

<< Ambre ! Cambrez-vous, allongez vos jambes et devenez un joli petit cygne. >>, s'écria Jane Cooper en me montrant les enchaînements.

Je suffoquai, fatiguée, épuisée par tant d'entraînements. La sensation que mes muscles s'étiraient me soulageait. Le mal me faisait du bien, parce qu'il ne pouvait jamais être pire que ce que je vivais. Dans mon ensemble rose pâle, et mon tutu de la même couleur, je refaisais mes pointes gracieusement, sous le regard pertinent de la célèbre danseuse étoile. Les autres filles me regardaient, certaines me lançaient des regards mauvais, d'autres me souriaient, mais je restai malgré tout concentrée sur mes points techniques. Je fis un immense silence dans ma tête, mes mouvements me portaient jusqu'au sommet. Je ne réalisais pas ma danse, je la vivais. Pour la première fois, ma passion devenait ma vie, entièrement et irrévocablement. J'étais attirée par cette passion dévorante et mortelle, comme une drogue qui n'en finissait jamais.

<< Très bien. Les filles, mettez-vous en ligne et faites l'enchaînement. >>, ordonna Jane Cooper en se plaçant devant nous.

Nous commençâmes nos pas en rythme, toutes synchronisées les unes aux autres. Je soulevai mon menton, ce qui me donnait un air faussement hautain. Mon sourire se dessinait fièrement sur mes lèvres. Pourtant, lorsque mes yeux se posèrent sur Austin caché dans l'embrasure de la porte, mon sourire s'effaça et laissa place à mes sourcils durement froncés. Il me fit un signe de tête, me demandant de le rejoindre. Je soufflai et continuai à danser, tout en secouant ma tête de droite à gauche rapidement. Je le vis serrer les dents violemment. Il refit le même signe de tête plusieurs fois, m'obligeant ainsi à déserter le cours de Jane Cooper. Évidemment, il ne fallait pas qu'elle me voit sortir de la salle comme si de rien n'était. Alors que nous nous répartissions dans la pièce pour travailler nos pointes, je m'approchai le plus possible de la porte de sortie. Il m'observa gravement, j'ignorai ce qu'il se passait réellement. Était-ce une nouvelle mission qui nous attendait ? Si c'était le cas, je préférais encore sauter d'une falaise. Lorsque Mme.Cooper avait le dos tourné, je me faufilai derrière la porte et Austin m'attrapa la main. Il se mit à courir à travers les couloirs sombres de l'école de danse. Nous descendîmes les escaliers en trombe, et sortîmes à l'extérieur aussi discrètement que le vent. Pourtant, je n'avait pas eu le temps de me changer, et le froid tapa sur mes jambes mises à nues. Je ne disais rien, mais tremblais considérablement. Austin me tira vers la plage, et lorsque nous y arrivâmes, une question me brûlait la langue.

Il est temps de décrocher la lune [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant