Il est temps de décrocher la lune [TOME 1]

Chapitre 53 : Tremblement de Terre.

Un jour, lorsque je marchais négligemment dans la rue, les larmes aux yeux, les pieds traînant contre le bitume gris, à l'aube de mes dix ans, une vieille dame m'avait interpellé et m'avait dit de croire en mes rêves, de relever la tête, et de ne surtout pas pleurer.

<< Ne pleure jamais pour quelque chose qui peut être résolu. >>, m'avait-elle dit, assise sur un petit banc en bois, en donnant du pain à des pigeons qui se trouvaient devant elle.

Je me souvenais l'avoir regardé longuement, les sourcils froncés, ne comprenant pas où elle voulait en venir. J'étais trop jeune à l'époque, trop insouciante. Je m'étais approchée prudemment d'elle, puis, voyant qu'elle était inoffensive, je m'étais assise à ses côtés, et je lui avais parlé de ma vie, ainsi que des méchants hommes que je voyais partout où j'allais.

<< Ne sois pas si peureuse, ma fille. La vie sera faite d'épreuves et d'obstacles. Un beau jour, mon enfant, tu réussiras à battre tes démons. >>, m'avait-elle affirmé, avant de disparaître en une fraction de seconde lorsque je me devais de cligner les yeux.

J'étais restée interdite et abasourdie. Je ne comprenais pas ce qu'elle me racontait. Mais je n'aurais jamais cru qu'un jour, ses mots me porteraient conseil. Alors qu'importe qui était cette vieille femme, mais je ne l'aurais jamais assez remercié pour ses sages paroles qu'elle m'avait glissées dans un de mes jours sombres.

Quelques fois, je me demandais si cette femme n'était pas mon ange gardien, celui qui voulait me guider sur le bon chemin. Je ne l'avais jamais revue, elle avait disparue, comme la plupart des gens qui croisaient mon chemin. Mais j'étais triste de ne plus la revoir, parce que ses conseils m'avaient rassurés, m'avaient prouvés que je pouvais être quelqu'un de plus fort.

Et depuis ce jour, il ne se passait pas moins d'une journée sans que je ne pense à ses mots. Je n'avais toujours pas trouvé l'interprétation idéale, mais je l'associais à mon combat : celui de ma vie.

Je soufflai, les yeux toujours clos. Je passai frénétiquement ma main sur mon visage, dégageant quelques mèches folles. Je sentais ma peau, qui était vraiment glacée, j'imaginai avoir laissé la fenêtre ouverte pendant la nuit. Et en cette saison, les nuits se faisaient froides.

Mon visage dessina un faux sourire sur mes lèvres roses. Sans savoir pourquoi, je me mis à haïr de toute mon âme cette date que j'avais toujours détestée : le trente-et-un octobre. C'était ce jour là, il y avait maintenant six ans, jour pour jour, que je l'avais rencontré cette femme sur son banc. Elle me regardait pleurer et j'étais apeurée. Je venais de me faire menacer quelques minutes avant, par les mêmes hommes qui me suivaient. Et lorsque l'on avait dix ans, c'était difficile de ne pas prendre peur. Pour ma part, c'était impossible, j'étais bien trop sensible.

Cette date devenait un vrai supplice. Chaque année depuis ce jour, Halloween était un véritable enfer. Mais j'essayai de ne pas penser à ce qu'il pouvait arriver, et tenter de passer une bonne journée. Même si je savais pertinemment qu'il se passait toujours quelque chose de mauvais. Je n'y pensais pas.