Chapitre 7 L'ombre de soi-même

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                                                                7 L'ombre de soi-même

                                                                                   Jude

                                                                 Divagation première

Depuis combien de temps étais-je là dans cet épais brouillard ? Un jour, un mois, un an ? Je ne savais même pas. Mon nom me revenait avec difficulté alors pour ce qui était de savoir le temps qui s'était écoulé...

Où étais-je ? Encore une question sans réponse. Tout était si sombre et silencieux ! C'en était effrayant.

A mesure que mes souvenirs refaisaient surface dans ma mémoire la brume opaque se dissipait laissant apercevoir une pièce sans fin aussi noire qu'une nuit sans lune. Ça n'avait pas de sens, je rêvais. Forcément. Sinon comment expliquer cette salle infinie ?

Puis des murmures dans une langue étrange brisèrent le silence inquiétant, un langage aux intonations gutturales presque primitifs qui me rappela les mots que prononçait ma mère de temps à autre, et je me mis à chercher malgré moi d'où ils provenaient. Je me rendis alors compte que j'étais debout. Je ne sentais même pas le sol sous mes pieds et jusqu'à présent je m'étais pensée allongée. Et que tout autour de moi y compris au sol et au plafond se trouvaient des miroirs renvoyant encore et encore mon image trop parfaite pour être humaine et me donnant des vertiges.

Je suis morte.

Cette pensée me vint comme un coup violent à l'estomac. C'était une certitude. Oui j'étais morte maintenant je m'en rappelais très clairement, mais alors pourquoi je me sentais si bien et apaisée ? Je fis un tour sur moi-même faisant bruisser la longue et large robe que je portais et qui malgré mon esprit embrumé je savais qu'elle ne m'appartenait pas, elle était encore moins de ce siècle. Les drapés noirs en tissus précieux et voilages de mes jupes claquant dans l'air étouffèrent un instant les murmures.

Ce reflet était-il véritablement le mien ? Je ne savais pas.

Ces yeux d'un rouge grenat profond me dévisageaient et cette bouche me souriait. Oui c'était moi et pourtant quelque chose clochait. Un truc dans mes expressions me donnait froid dans le dos, non ce ne pouvait être moi mes pupilles étaient trop figées et mon sourire trop cruel. Et pourtant...

Je m'aperçus alors que les lèvres de mon reflet remuaient imperceptiblement, les murmures que je ne comprenaient pas venaient donc de ma propre bouche. Ils étaient presque inaudibles, même pour une oreille comme la mienne et avaient cette attirance qu'ont les aimants.

Curieuse, tel un papillon de nuit intrigué par la lumière je m'approchais d'un pas hésitant de la surface réfléchissante, persuadée que je me heurterai à la psyché. Mais il n'en fut rien, au lieu de ça je me retrouvais aspirée par le miroir me fondant tout a fait dans cette autre moi que je ne contrôlais pas et qui m'effrayait. J'eus beau me débattre de toutes mes forces je ne pus résister une seule seconde face à l'attraction. Et d'un seul coup les murs tombèrent un à un sans émettre le moindre bruit, me révélant une scène qui ne m'appartenait en rien.

Immédiatement je reconnus ma tante étendue sur une grande couche dont les drapés et les tentures claires ne cachaient absolument pas son corps nu.

Elle ne ressemblait en rien à la Élisabeth cruelle et altière que je connaissais. Ses cheveux étaient en désordre et mal peignés, son beau chignon était défait et le voile transparent qui l'ornait déchiré, son teint était encore plus livide qu'à l'ordinaire et dans ses grands yeux sombres brillait une panique et une frayeur indicible. Elle ressemblait à la biche et non plus au chasseur et à cet instant la crainte que j'avais à son égare céda place à la pitié.

La Larme de Sang tome 8 L'affrontementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant