20 Verso
Jude
J'avais vu beaucoup de choses, tellement que l'horreur me glaçais en permanence et je ne soufflais que lorsque revenait la salle aux miroirs. Mais là c'était différent, je voyais la première grossesse de ma mère. Je sentais sa joie, j'assistais à son bonheur. Et même si voir cela ne m'aiderait pas à oublier les meurtres, le sang et toutes les atrocités que j'avais vécu dans la peau d'Eugénie et de ma tante, c'était comme un baume sur des plaies à vif, ça faisait du bien.
Soudainement je voulu vivre ce que mère vivait, pour la première fois je désirais devenir elle et non le redoutais. Alors presque en souriant je posais mes mains sur ses épaules pour me fondre dans sa personne.
La faim. Oui la faim c'est ce qui me tiraillait l'estomac. Je le savais quand bien même n'avais-je jamais ressenti cela. Fallait-il que j'ingurgite de la nourriture ? Je ne savais pas, cette sensation de vide au creux de mon ventre déjà rebondi, et que je dissimulais sous mes corsets, était toute nouvelle pour moi. Jusqu'à présent je n'avais pas eu ce genre de besoin mais sans doute ma grossesse changeait-elle les choses. Après tout pour la première fois de mon existence, du moins de ce que je m'en souvenais, j'avais régurgité à mon réveil le sang absorbé à l'aube.
Mon époux était absent depuis des mois et j'en étais plus qu'heureuse, ainsi je pouvais passer du temps avec Léonard. Et ce soir je dînerai avec lui.
Je renvoyais systématiquement mes dames de compagnie et évitais la cours et ses courtisans trop patelins selon mes critères. Leurs paroles doucereuses et leurs attitudes m'agaçaient, ils se pavanaient tels des paons faisant la roue. Ils n'avaient d'yeux que pour ce paresseux avec lequel j'avais été obligée de me marier pour parvenir d'une manière ou une autre au trône. S'ils savaient que derrière la moindre décision de mon cher mari se cachait son épouse peut-être me considéreraient-ils autrement que comme une femme faite uniquement pour le plaisir des yeux, intéressée par ses nouvelles toilettes.
Le roi était à son sommet seulement parce que je l'y maintenais. Je le manipulais sans scrupule pour garder main basse sur le pouvoir, les miens ne pouvaient se passer d'une souveraine et quand aux humains, et bien je faisais en sorte qu'ils y trouvent leur compte. J'étais parvenue à monter une armée, à rassembler des peuples, j'avais réussi à sauver le pays de la famine et parfois de la maladie.
Je gagnais la salle à manger où je savais que Léonard attendait son dîner avec les autres conseillers du roi.
J'attendis que l'on m'annonce afin d'éviter de surprendre des conversations à propos de filles de joies et de jeux que je n'aurais pas dû percevoir bien que je les entendis parfaitement à travers les portes.
-Ma reine, s'inclina Léonard qui m'avait très certainement senti arriver, suivit des deux autres.
Une domestique s'apprêtait à sortir précipitamment pour ajouter mon couvert mais je l'arrêtais.
-Inutile, le comte et moi-même dînerons dans mon bureau, j'ai besoin de ses conseils pour quelques affaires urgentes.
Léonard se tourna vers ses comparses.
-Dans ce cas je vous souhaite une agréable soirée messieurs.
Et il m'emboîta le pas plaquant une de ses boucles sombres plus haut sur sa tête.
J'entendis comme si j'étais présente dans la salle à manger le duc et son ami rire de moi, ricanant que ce dont pourquoi j'avais besoin de Léonard était le choix de la nouvelle vaisselle ou bien encore la sélection des fleurs qui orneraient les tables au prochain banquet. Mais je m'en moquais, plus me pensaient ils sotte et superficielle et plus j'avais les mains libres pour agir dans l'ombre.
VOUS LISEZ
La Larme de Sang tome 8 L'affrontement
FantasyJude n'est plus et mon son époux je me retrouve seul face à Elisabeth et mon chagrin.Et si la Rose cachait encore des secrets ? Si revenir de cette dernière avait un coût ? Si Jude ne revenait pas ?