9. Aux origines
Jude
Divagation deuxième
Comme si l'on m'avait éjecté de ce souvenir avec force je me retrouvais propulsé dans la salle aux miroirs. Seule avec mon reflet multiplié à l'infini, seule avec cette peine incommensurable qui ne m'appartenait pas me broyant le cœur. J'avais senti la rage et la terreur de ma tante, j'avais perçu le désespoir et enfin les ténèbres d'une noirceur absolue. J'avais été englouti par ces dernières, jusqu'à ne plus savoir qui j'étais et jusqu'à oublier même les notions de bien et de mal.
Et je me sentais souillée quand bien même je savais que je n'étais pas Élisabeth et que ces souvenirs n'étaient pas les miens.
Les sanglots me secouaient des pieds à la tête résonnant dans la pièce sans fin et déchirant le silence, les larmes tâchant mes vêtements et zébrant mes joues de traînées de sang. Je ne parvenais pas à m'arrêter la peine me submergeait et je n'étais plus qu'une coquille vide emportée par la houle et la tempête.
C'était comme si une part de ma personne avait également été violé, comme si mon esprit ne parvenait pas à différencier les réminiscences de ma tante de mes émotions. Et c'était si perturbant !
J'étais recroquevillée au sol les jambes empêtrées dans mes jupes quand la surface de la psyché en face de moi se troubla. A croire que quelqu'un y avait lancé un caillou de petits cercles se formèrent comme des échos troublant mon reflet jusqu'à bientôt le faire disparaître.
Et la salle aux miroirs disparut laissant place à un petit village installé dans une plaine au pied d'une montagne. Ce ne sont pas les maisonnettes en torchis et en bois ou les vêtements étranges qu'arboraient les villageois tandis qu'ils fauchaient du blé qui me soufflaient que tout cela se déroulait il y a des millénaires, mais le dialecte si archaïque que je devais me concentrer pour tenter de comprendre quelques mots par-ci par-là que les habitants parlaient. Et pourtant j'avais appris les principales langues mortes et d'autres langues anciennes, mais ce curieux patois m'obligeait à tendre l'oreille et à utiliser toute ma tête.
Mais progressivement, comme si je venais moi aussi de cette époque révolue tout me devint clair, de leur langage jusqu'à leurs toges et autres tuniques étranges que tous portaient.
Aussi sans trop savoir d'où me venait cette certitude je sus que tout cela se déroulait en 776 avant Jésus Christ quelque part en Scandinavie. Je pouvais presque affirmer que ce village se situait en Suède.
Pas de doute cette scène précédait la première que j'avais vécu. Celle là même qui avait provoqué les larmes de sang qui séchaient encore sur mes joues.
Mon regard fut attiré irrémédiablement vers deux femmes en tunique couleur pastel, l'une avait les cheveux bruns et l'autre aussi blonds que les blés qu'elles fauchaient. Sans savoir comment je me retrouvais près d'elles et difficilement je reconnu ma mère biologique et ma tante. A ma grande surprise des petites gouttes de transpiration perlaient sur leurs peaux claires mais néanmoins hâlées. Leurs cheveux coiffées en une sorte de chignon lâche semblaient humides aux tempes. Et tout de suite une pensée s'imposa à moi, elles étaient humaines.
Et étrangement je fus émue de pouvoir voir ma mère avant sa transformation. Je me sentais privilégiée car je doutais que même elle sache à quoi elle ressemblait étant mortelle. Je me forçais à mémoriser le moindre de ses traits, chaque petits défauts qui faisaient le charme des humains. De la tâche de naissance qui s'épanouissait sur le haut de son épaule droite à la mèche moins blonde que les autres dans sa profuse chevelure pas aussi lisse qu'elle ne l'était maintenant. J'aurais juré que ses cheveux étaient plus foncés et moins brillants et que ceux de ma tante étaient plus clairs tirant presque sur l'acajou cuivré plutôt que sur le noir de jais que je lui connaissait.
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La Larme de Sang tome 8 L'affrontement
FantasyJude n'est plus et mon son époux je me retrouve seul face à Elisabeth et mon chagrin.Et si la Rose cachait encore des secrets ? Si revenir de cette dernière avait un coût ? Si Jude ne revenait pas ?