6.

2K 162 13
                                    

Durant toute la durée du trajet, seule la mère de Rafaël, emplie de logorrhée, avait vainement tentée d'engager la conversation avec l'un de nous deux. Mais seul le souffle du vent lui avait répondu.

J'étais bien trop tourneboulée pour oser se faire entendre ma voix.

Cette tension qui m'enlaçait ne voulait pas me laisser tranquille. Son emprise était si puissante qu'elle rendait nerveux même le plus caché de mes os.

Je ne parvenais pas à déceler ce qui fut le pire entre ses regards qui avaient constamment été ancrés sur ma personne ou ses marmonnements qui avaient glissés jusqu'à mes esgourdes pour venir se cogner contre mes tympans. Son aversion à mon égard était si mise à découverte qu'elle m'avait figée dans tout mon être.

Tant d'empathie aurait eu la force et le pouvoir de faire trembler le sol.

Et j'avais beau labourer mes pensées et idées dans tous les sens possibles, je ne comprenais pas bien encore pourquoi est-ce qu'il proliférait à mon égard tant d'inimitié.

Pourquoi faire parti de la gente féminine m'attirait-il autant d'ennuis ? Pourquoi étaient-ce les hommes qui nous tannaient ? Pourquoi pas nous ? Une telle iniquité était-elle inscrite dans les lois de la Nature ? Sérieux, quoi !

Et puis, j'en étais finalement venue à penser que son aversion était dû à notre combat d'il y avait quelques jours, faisant office de première approche. Il était vrai que je l'avais humilié en donnant le premier coup, mais il était temps de passer à autre chose...Était -il vraiment aussi rancunier ?

Certes, j'avais été prise par mes pulsions, mais son arrogance désinvolte avait été la cause première de cette animosité. Il l'avait profondément mérité.

Et s'il pensait, comme tous les hommes après avoir exercé une pression, que j'allais obéir ou me soumettre à ses menaces, il ne se fourrait pas le doigt mais la main entière dans l'œil. Il y avait bien des choses que je ne savais pas faire, mais rester à ma place était en tête de liste, surtout lorsqu'il s'agissait de rébellion.

Ces cailloux qui vinrent se percuter contre nos pieds me firent subitement sortir de mes pensées.

Nous fûmes enfin arrivés à la Zone. Je poussais un soupir de soulagement idem à celui que lâcherait un prisonnier hors de prison. Mon épiderme était recouvert d'une couche de transpiration glaciale tandis que la fatigue rouillait mes muscles. Ces sacs que je devais porter étaient bien trop pesants. Louisa, compatissante, nous encourageait en nous hurlant que sa cabane n'était plus qu'à quelques minimes pas.

Je remontais la pente avec quelques difficultés alors que j'eus l'impression que le boxeur avait volé par dessus ce sol rocailleux.

— Regarde Lorenzo comme c'est beau ! Ici c'est la joie, ici c'est la vie ! Tu n'as pas envie de quitter ton immeuble et venir t'installer ici de ce côté-ci ?

Elle montra de sa main les enfants qui ne cessaient de courir partout, d'autres qui creusaient le sable ou montaient sur les toits, tandis que certaines femmes lavaient leur linge assise devant leur cabanes et que les hommes plus âgés discutaient sur des chaises. L'ambiance était si cordiale et jumelle à un appareil chauffant qui ferait rôtir les cœurs que ne pas vouloir s'y affilier serait mal vu. Je ne comprenais pas comment ce boxeur pouvait vouloir continuer de s'enfermer seul dans son immeuble abandonné, sombre et pas plus miteux que nos toits alors que la vraie vie se trouvait ici.

— Il y a trois cabanes de libres tu sais et on attend encore que des personnes viennent l'animer.

— Ouais, fit-il d'un ton las mal masqué, mais je suis très bien où je suis. Pedro aussi, alors ne t'inquiète pas pour nous. Je gère, tata.

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant