40.

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— Vas dormir Pedro.

Cette phrase fut la première chose qui résonna dans le lourd silence du hall de l'entrepôt depuis de longues minutes. Nous retrouver l'un en face de l'autre depuis tant de temps était tellement incroyable que même nos souffles étaient devenus muets, attendant simplement de voir ce qui allait se passer.

Profondément intrigué, le petit passa finalement entre nous, en manquant de peu de s'électrocuter à travers l'échange explosif que je partageais avec son frère. N'ayant pas bougé d'un pouce depuis que j'étais rentrée en trombe après l'avoir suivi, il n'arrivait plus à détacher son regard du mien, patientant afin que j'explique pourquoi est-ce que je me trouvais là, devant lui.

Devant

lui.

Le problème était que j'n'étais plus prête désormais. J'avais perdue toute ma détermination et mon courage, et le pire dans tout ce tourbillon était que j'avais su d'avance qu'un tel truc m'arriverait.

Quand les grincements de l'escalier sur lequel montait Pedro cessèrent, le silence reprit, puissant comme jamais encore je ne l'avais connu. Je parvenais même à entendre les bruits extérieurs tels que les klaxons de voiture et le trafic, et me rendre compte de cela me mit bien plus mal à l'aise. Nous étions extraordinairement gênés, attendant désespérément un signe quelconque.

Mais rien ne venait.

Cette situation me rappelait désagréablement celle de l'autre soir. Un silence, un regard, six mots, trois pas puis le choc d'un acte non contrôlé qui nous poussait aujourd'hui à nous réconcilier alors que nous n'avions rien demandés.

Je fus obligée de détourner le regard tant j'avais peur que tout ce truc recommence. Je n'avais pas envie d'une nouvelle fois laisser une émotion prendre mon contrôle, lui tourner le dos, m'enfuir puis le chercher deux jours après dans toute la ville comme une attardée afin de m'excuser. J'étais fatiguée de tout ça.

Mes lèvres s'entrouvrirent légèrement , donnant le signal à ma voix et mon cerveau qu'elles étaient prêtes à rendre réelles chacunes de mes pensées. Je tournoyais nerveusement mon bracelet brésilien tout en fixant le sien, diagonalisant avec sa peau hâlée.

Puis, enfin, je pris une grande inspiration, remarquant enfin qu'après toute cette journée de recherche, j'allais mettre un terme à notre soudain éloignement.

— Lorenzo..., commençais-je, d'un ton presque inaudible, les yeux ne cessant de naviguer partout.

Il ne bougeait toujours pas. Cependant, je sentais encore son regard transpercer ma peau. Comme des aiguilles.

Je m'apparaissais comme honteuse, ridicule, abjecte, et la liste était encore longue, mais je devais trouver la force de mettre tous ces sentiments dévalorisants de côté le temps de quelques instants, car je n'arrivais plus à supporter tant d'attente. Mon sable du temps n'allait pas tarder à se terminer.

— Tu...tu m'avais dis que l'ignorance n'était pas la force. Qu'il...Qu'il fallait toujours affronter ses problèmes au lieu de les ignorer. Tu t'en souviens ?  Et pourtant...

Un rouge puissant me monta aux joues alors que je croisais involontairement son regard aussi bien intense que déstabilisant.

— Pourtant...tu m'as complètement ignorée...tu n'as même pas respecté ta propre parole, lâchais-je.

Il secoua soudainement la tête, comme s'il venait de revenir à la réalité, avant de s'humidifier les lèvres tout en regardant un point derrière moi. Ce geste fit onduler mon cœur. Son allure paresseuse me donnait la vague impression que mes efforts allaient être vains.

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant