12.

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— Un entraînement digne de ce nom doit être continu et pas interrompu par des bêtises. Relève toi immédiatement.

Adossée contre les barrières du ring abîmé après m'être débarrassée de mes gants de boxe, j'admirais mes expirations semblables à de puissantes bourrasques qui venaient soulever le drap de poussière de l'entrepôt. Éreintée, et aussi bien épuisée par tous ces changements que par son entraînement, cet âne se permettait en plus de m'interdire tout repos, comme le diablotin qu'il incarnait.

Mon dur regard et mon souffle au bord de la coupure furent les seules réponses que je fus dans la mesure de lui donner. Ma poitrine se rehaussait et s'abaissait dangereusement alors que mes pauvres pommettes rouges devaient pour sûr m'imager d'un ridicule air.

— Et bien...je vois les plus grands championnats s'envoler d'ici. Tu m'auras fait toute une scène pour ne tenir que durant de misérables minutes ?

Le rire goguenard qui suivit accentua ma rougeur jusqu'à lui faire atteindre les abysses de l'enfer.

— Je vais mettre cette fatigue sur le compte du fait que tu sois une femme...Tu surmènes ton corps alors qu'il n'est pas absolument pas fait pour cette violence. Je pense que dans une autre langue, on appelle ça du suicide.

Bien que mes paupières avaient du mal à ne pas s'enlacer, je parvins à nouer de nouveau mes yeux au sien dans un élan de force extrême.

— Femme, animal ou même insecte...Je crois que..., soufflais-je, je suis encore en droit de faire ce que je veux.

Il haussa d'un air indifférent les épaules après quelques secondes de méditation.

— Pas vraiment, non...Et surtout pas dans cette société. Enfin...Ce que tu viens de dire, c'est une phrase de pseudo-militant. Tu sais que les révolutionnaires finissent le plus souvent la tête coupée ? Tu as l'air d'être un peu masochiste sur les bords.

— Je fais ce que je veux, répétais-je d'une voix plus ferme. Si je veux semer le chaos dans la société pour renverser tous ces stéréotypes qui humilient et réduisent les femmes, je le fais.

— Laisse les hommes commettre l'anarchie. C'est beaucoup mieux...Les gens n'aiment pas trop le changement, ils préfèrent combattre un homme pour renforcer leur identité masculine. Se battre contre une femme, franchement pour l'État...ce serait plus un affront qu'une emmerde.

— Pourtant...ne pus-je m'empêcher d'ajouter en esquissant un sourire amer, j'avais bien réussie à te battre, l'autre jour...En plus de t'avoir emmerdé, je t'ai humilié.

— Il n'y a aucun mérite à une victoire qui a été donnée par pitié, répliqua t-il après avoir perdu subitement toute trace de taquinerie.

— Ah. Ce que tu viens de dire...C'est une phrase typique de mauvais-joueur.

Fière d'avoir repris ses mots pour le piéger à son propre jeu, je l'observais marmonner sa colère, vissé sur sa chaise. Son front voilé d'une étoffe d'humidité, ses cheveux hirsutes et ses veines palpitantes sous ses bras crayonnés de cicatrices me prouvaient que j'avais bel et bien eu raison de réclamer une pause au travers de cet entraînement intense comme j'en avais rarement vu. Il était aussi esquinté que moi.

Je ne saurais dire s'il était rendu raplapla par mes coups, son enseignement, mon manque de tactique, nos répliques cinglantes ou nos échanges des plus vifs. Mais ce que je pouvais affirmer à haute voix était que cet entraînement m'avait fait beaucoup de bien et cela bien plus qu'à l'accoutumée.

Pourtant, tout avait mal débuté. Pour cause, après notre liaison visuelle des plus brûlantes, la tension était très vite devenue lourde. Ma maladresse avait faite des siennes tout comme sa fierté. Je me trouvais en pur soutien-gorge devant lui, ne possédant aucun autre vêtement apte à une telle situation. Pour estomper ma honte, je lui avais réclamée un t-shirt mais ça avait été grande erreur après qu'il m'eût répondu que le seul t-shirt qu'il avait pour moi était un tablier de cuisine.

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant