23.

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Cette nuit là, après avoir passée une pataude journée entre la recherche de nourriture et de trime - deux quêtes constituant un véritable collier de misère —  ce fut bien évidemment épuisée que je m'étais allongée sur le drap au sol, aux côtés de ma petite sœur.

Alors que je caressais doucement ses cheveux tandis qu'elle ronflait, j'observais au travers de la fenêtre de ma cabane l'empyrée dont les nombreuses étoiles semblaient piailler entre elles. Lorsque j'étais enfin allongée, le sommeil, qui avait flirté avec moi durant tout le jour, disparaissait complètement.

D'un léger mouvement de tête, je pus apercevoir la lune. En la fixant comme je le faisais, mes songes s'imposèrent, et je me mis alors à penser aussi à toutes ces personnes qui la regardait au même instant. À imaginer toutes ces choses auxquelles la lune était en train d'assister, aussi horribles qu'émouvantes. À des premières fois, comme à des dernières fois.

Mais subitement, mes pensées dévièrent brusquement vers une personne. Son regard, son timbre de voix et même son risible rictus s'emparèrent de mon esprit, comme un lasso.

Ce truc avait été si brusque...je me sentis rougir de honte. Que m'arrivait-il bon sang ?  Je n'avais absolument pas à penser à lui en pleine nuit, comme ça, dans la pénombre !

C'était bien la première fois que je songeais autant à un homme. Même Rafaël ne s'était jamais pas accaparé mon être auparavant, et...et surtout, pas de cette manière ci. Ah, je ne connaissais malheureusement pas le langage du monde pour comprendre ses signes...

Je portais ma main libre à mon front et lui donnais de légers coups dans le but de faire déguerpir son image de ma tête. Je voyais déjà ce gus en journée, il n'avait pas non plus à occuper mes nuits.

Alors que j'étais livrée à une guerre intérieure au sein de laquelle j'interrogeais même le plus petit de mes organes, j'entendis soudainement un bruit étrange qui me fit me figer instantanément.

Mes yeux se dirigèrent vers ma mère allongée sur un drap proche du notre. Grâce aux éclairs de la lune, je pus distinguer sa bouille endormie.

Les sourcils froncés, je relevais en toute discrétion ma nuque. Et j'aperçus Maria dans son fauteuil, un drap la couvrant, la tête plongée dans ses mains. D'habitude, elle dormait toujours avec la tête en arrière.  

D'un coup, je fermais les yeux puis sentis mon cœur se rétrécir lorsque je perçus le bruit une nouvelle fois, de manière foutrement plus évidente.

C'était une note, une onomatopée que je détestais par dessus tout. Le bruit que personne n'aimait. Celui qui avait le pouvoir de zébrer en un seul coup la poitrine.

Sans réellement savoir pourquoi, je me sentis blessée. Comme si j'avais été la responsable de son chagrin. Peut-être que oui...peut-être que j'en étais la cause. J'étais dans un état de malaise total. Je ne pouvais pas savoir ce qui lui arrivait et je ne pouvais même pas lui demander car nous étions toujours en froid même après tant de jours. Était-ce le fait que l'on ne s'adressait plus aucune parole qui la faisait pleurer ? Repensait-elle encore à son ex ? À... notre papa ?

Maria était connue pour sa grande gueule contrastant avec sa personnalité ermite et son caractère de guerrière malgré tous les malheurs qu'elle avait rencontrée durant sa vie. Étant donnée que c'était l'une des personnes que je côtoyais le plus, j'étais en parfaite connaissance de sa fragile sensibilité et de son intérieur aussi fragile que du verre. Un rien pouvait la blesser, et sa seule manière de garder un peu de fierté était l'attaque. Elle avait de quoi être assez triste durant presque toute sa vie, mais elle avait compris qu'il y avait bien plus pire dans le monde, et qu'elle devait alors être un exemple de sang-froid.

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant