34.

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— Allyah, comment on fait les bébés ?

Prise de court par sa question, je faillis m'étouffer avec ma propre salive.

Euh...Durant plusieurs secondes, je n'eus de cesse de la fixer, cherchant les mots pouvant répondre de manière exacte à cette question cliché de la part d'une gamine de huit années.

— Je...je...J'sais pas Julia..., je...bégayais-je, rouge comme un nouveau né.

Elle me zieuta à son tour avant de hausser les épaules.

— C'est pas grave. J'demanderais à maman, déclara t-elle d'un ton guilleret.

Je papillonnais plusieurs fois des yeux avant de décider d'oublier ce petit incident. Décidément, ma sœur ne cessait de m'étonner. Enfin, il était logique que ce genre de choses arrive lorsqu'un gosse faisait face à un nourrisson.

Les pleurs du bébé au front reprirent de plus belle. Bordel, c'était insupportable. J'avais une profonde envie de le bâillonner avec mes cheveux. Comment sa mère pouvait-elle supporter ça, matin, midi et soir ? Voulait-on vraiment que je me marie pour que je subisse ceci ? Hors de question. J'étais une addict du silence.

— Elle ne va pas te manger Allyah tu sais, lâcha sa mère, ce qui enclencha un fou rire général. Approche toi.

Irritée par sa remarque, je ne pus m'empêcher de grimacer avant de finalement me résigner et d'approcher doucement cette chose qui chialait.

Au petit matin, Louisa était entrée en trombe dans notre cabane alors que nous dormions encore toutes les trois. Elle s'était jetée sur moi et m'avait réveillée de toutes ses forces tout en hurlant qu'un accouchement avait eu lieu cette nuit à la Zone et que nous devions nous rendre en urgence chez notre voisine. Ainsi, je n'avais pas eu d'autre choix de suivre mes sœurs et ma mère.

Cette dernière m'avait entraînée par le bras, à ma grande surprise. C'était le premier geste qu'elle osait envers moi depuis notre froid dû à ma fuite de l'église. Cependant, j'avais vite compris qu'elle me forçait à venir voir ce nouveau-né dans l'optique de m'amadouer.

Merde, elle avait vraiment pensée que j'allais fondre de bonheur devant ce petit corps et que cette petite bouille allait me donner à mon tour l'envie de fonder une famille. Elle n'avait donc toujours rien compris. Mais j'avais décidée de ne plus rien dire et de la laisser patauger. À force, elle finirait bien par abandonner.

— Je suis tellement fière de toi ma sœur ! C'est un signe de Dieu, Il nous aide enfin ! C'est le renouveau ! La jeunesse, c'est le futur ! Oh mon Dieu, merci, merci  ! ,s'exclama Louisa en portant ses mains au ciel.

Sa génitrice me souriait doucement alors que je me trouvais désormais près d'elle et de son petit. Ce dernier avait cessé de chialer mais gardait toujours ses petits yeux et pognes fermés.

C'était une fille. J'avais beaucoup de peine pour elle. Elle allait devoir se plier aux règles sexistes de la Zone. Ou bien alors faire comme moi. Mais il allait falloir qu'elle fasse preuve de beaucoup de courage et d'intériorisation pour supporter toutes ces critiques.

  Plantée depuis plusieurs secondes devant elle en ne sachant que faire, la femme prit délicatement ma main et la plaça près de celle de son enfant. En un instant, il la saisit, étonnant tout le monde. Ses doigts minuscules qui frottaient la paume de ma main me procuraient une sensation étrange. C'était amusant, doux, mais aussi terrifiant.

Sa mère continua en me demandant sans vraiment me demander si je voulais porter sa fille. Je n'eus pas le temps d'ouvrir la bouche que l'enfant se trouvait déjà au trognon de mes bras. Ma tension doubla soudainement à l'instar de mes mains qui devinrent moites. J'eus subitement une frayeur immense de la faire tomber ou de lui briser la nuque alors qu'il n'y avait que quelques minutes de ça, je ne la supportais pas.

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant