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  La Zone. Deuxième empire de la religion, concentration de crapules et espace à pauvreté. La phobie des riches, le pire cauchemar de la mairie.

C'était dans cet endroit caractérisé par des bidonvilles que je vivais avec ma famille, sur un terrain souvent boueux, glissant qui nous humiliait toujours un peu plus. Je ne saurais dire ce qu'il y avait de plus ironique entre le fait que nous étions surplombés d'immeubles absurdement luxueux qui nous regardaient de haut ou bien que nous étions séparés d'eux par une immense grille taguée sur ordre du maire qui avait été influencé par ces riches capricieux. On se sentait comme de néfastes animaux. Je ne savais pas que l'homme aurait pu connaitre cette sensation.

Tout ceci était si ridiculement triste que je ne pouvais qu'en rire aujourd'hui. J'étais née ici, avais grandie ici, appris à parler, marcher, vivre ici alors j'avais fini par m'y habituer, quoi qu'un peu douloureusement. 

L'air exaltant des douces soirées où rosé et orangé guinchaient contre le ciel venait tendrement s'abattre contre moi, me rafraîchissant parfaitement après ce classique entraînement. Le Corcovado visible d'ici se dressait majestueusement et renvoyait chaque rayon lumineux contre la plage de Copacabana. 

Quand je remarquais que j'arrivais enfin près de mon lieu de vie, je détachais maladroitement mes cheveux qui vinrent ventoyer contre la brise et réarrangeais la veste large de mon père qui caressaient mes épaules.

Mais mes sourcils se froncèrent subitement après que j'eus remontée la pente sèche et rocailleuse. L'éclat des bougies qui décoraient la terre et les borborygmes enjoués qui me parvinrent d'ici me firent bien vite comprendre que nos voisins de la Zone avaient eu l'air d'en avoir assez de ces banales soirées dans lesquelles tout le monde restait cloîtré à l'intérieur de sa cabane en famille. Il y avait une fête.

Je me rapprochais doucement après avoir répondue aux quelques sourires de certaines femmes qui berçaient leurs bébés, avant de faire face à une grande nappe dépliée sur le sol sur laquelle trônaient plusieurs plats qui me laissèrent particulièrement penaude l'espace d'un instant. 

Mes yeux voyagèrent sur ces personnes qui s'empiffraient ou discutaient, assises sur des pierres ou des cartons dépliés.

—  Allyah ! , hucha quelqu'un.

Ce petit timbre de voix eut la magie de me faire immédiatement sourire. Quand les deux petits bras de ma petite sœur vinrent m'entourer la taille, mon cœur explosa de joie.

—  Où t'étais ? , me demanda t-elle après m'avoir laissée lui embrasser la joue. Maman te cherchait partout, elle avait même la claquette à la main !

—  Vraiment ? J'étais juste partie en ville, rien de bien grave, riais-je.

Ignorant ma phrase, elle recula d'un pas afin de me montrer d'une fierté absolue son accoutrement qui fit pétiller d'admiration mon regard. Cette petite robe que je lui avais offerte pour ses huit ans il y avait quelques mois ne lui allait que trop bien. Turquin, brillante et volante, elle épousait de manière époustouflante sa peau naturellement bronzée. J'avais économisée avec beaucoup de difficulté, mais en voyant le résultat, je savais que mes efforts n'avaient pas été vains. 

—  Que t'es jolie Julia! Une vraie p'tite Gonzales ! C'est en quel honneur ?

Les joues vermeilles, elle se mit à danser en secouant le tissu, touchée par mon compliment.

—  Je crois que c'est parce que le soleil est revenu qu'il y a une fête...C'est ce que maman m'a dit.

Je hochais la tête en ne manquant pas de rouler des yeux. Encore un événement absurde qui n'avait pas de raison d'exister. Le soleil...

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant