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Jour des funérailles

Et voilà. Adossée contre le tronc d'un arbre depuis la prémisse du discours, j'observais de loin Louisa tenant ma mère par le bras. Je m'étais volontairement mise à l'écart, les bras croisés, la mine boudeuse, alors que nous attendions que chaque personne qui fut proche des victimes eût laissée un petit mot oral aux défunts.

Nous n'allions pas tarder à rentrer dans l'église afin d'effectuer la prière aux morts, chose que je redoutais le plus. J'avais une profonde envie de me barrer en courant avant qu'il ne soit trop tard. Mais Rafaël avait été chargé par ma mère et ma grande soeur de me surveiller, ce qui me répugnait au plus haut point. Ce rôle de garde du corps ne lui plaisait pas non plus vu la manière dont il se renfrognait chaque fois que je l'envoyais balader.

De plus, cette robe me dérangeais à tel point que j'avais mis mon pantalon et un autre haut en dessous. Des fripes que je dévoilerai dès que j'en aurais l'occasion. J'étouffais avec cet accoutrement ridicule et inconfortable.

Janaina était en cet instant en train de réciter son discours devant tout le monde. Elle pleurait à chaudes larmes, soutenue par deux autres femmes de chaque côté d'elle toutes aussi émues. Cette dernière me faisait vraiment de la peine, et pour cause, elle ne possédait maintenant plus de famille.

Mais ça allait être à son tour d'en construire une, ce qui concordait bien avec les désirs de Rafaël. Depuis quelques jours d'ailleurs, elle vivait désormais dans une cabane près de la sienne.

Bien trop sur les nerfs et quinaude, je n'écoutais pas vraiment ce qu'elle disait.

— Allyah, arrête de gigoter. Tout le monde te regarde, me chuchota Rafaël en exerçant une légère pression sur mon avant-bras.

Mes yeux se redressèrent vers la foule à laquelle nous nous trouvions opposés. En effet, plusieurs femmes me fixaient de manière bizarroïde, dont ma grande sœur Maria qui se trouvait près de ma mère et Louisa.

Un long soupir m'échappa. Je n'avais vraiment pas le droit de bouger ? Devions-nous réellement rester figé tel un poteau par simple respect ?

Rafaël me zieutait du coin de l'œil, désespéré. Comme la tradition le voulait, il était paré de noir. Je comprenais parfaitement qu'il préférait de loin soutenir sa copine plutôt que de me surveiller, mais ce n'était pas moi qui avait supplié sa présence. En réalité, c'était surtout sa mère qui avait appuyée cette idée. Fortement appuyée. Foutrement appuyée.

Et ce qui me mettais mal à l'aise était que seul moi en savait la cause.

Louisa était vraiment vicieuse ; sa personnalité utopique s'était craquelée face à mes prunelles. Nul doute : plus ça semblait parfait, plus c'était dangereux.

— Adieu, grand-mère. Tu...tu m'as toujours apprise de ne me contenter que de ce que j'avais. Hier, tout ce que je possédais, c'était toi. Aujourd'hui...ce sont tes magnifiques leçons de vie, tes nombreuses morales et dures corrections que j'ai avec moi, et...je n'ai pas d'autres choix que de m'en satisfaire, même si j'aurais préférée que tu sois encore là . Ton âme n'est plus ici, certes, mais sa richesse, tu me l'as transmise avec énormément de générosité. La graine de sagesse que tu avais plantée en moi alors que je n'étais qu'une enfant a suffisamment éclos désormais pour qu'elle puisse être utilisée comme tu l'avais toujours voulue. Je t'en remercie. Je t'aime.

Lorsque Janaina eût fini son discours, quelques secondes de silence fouettèrent l'atmosphère. Il n'y avait rien à applaudir, il fallait seulement méditer. Je l'observais s'essuyer les yeux puis descendre prudemment du carré en béton qui servait à protéger les personnes qui sortaient de l'église en cas d'attaque de voiture-bélier.

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant