16.

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Point de vue omniscient

Accoté contre le chambranle abîmé de la minuscule salle obombrée à l'intérieur de laquelle reposait son petit frère, le boxeur, dont les bras sveltes étaient croisés, observait au travers de l'interstice le corps endormi de cet ange. Le couvant d'un regard comme son drap le couvrait, ses prunelles dégageaient un air mystique dont il était impossible d'en déceler le sens.

Le friselis du souffle de l'enfant tentait de venir éteindre cette bougie que l'aîné tenait fermement mais en vain : la fureur était toujours plus puissante que la sagesse.

Ces soirées de fixation n'étaient que trop habituelles ; toutes les deux nuits et lorsque l'âme du chérubin glissait vers l'empyrée après avoir été tirée par Dieu, l'homme aux mille balafres venait l'assister dans son sommeil. Il constituait son spectacle, une sorte de muse qui l'inspirait dans sa rage, et surtout, il ne se sentait jamais aussi proche du petit que lorsque celui-ci se trouvait être inconscient.

Morphée, à cette heure tardive où la nuée se teintait des couleurs de la mélancolie, flirtait toujours avec le boxeur, tentant constamment de le faire tomber dans ses bras. Mais il savait se retenir, bien que sa fatigue atteignait le plus souvent son abysse. En réalité, il se devait de se retenir. Se reposer constituait pour lui, un véritable affront. Il n'avait pas le temps de goûter aux délices du repos dans une telle situation de vie : en effet, il était puni par son destin, condamné à perpétuité à ne jamais clore ses paupières. Pour cause, sa liste de péchés était trop in-extenso.

Et Dieu n'appréciait guère les âmes peccamineuses qui ne cherchaient point à se purifier. Alors, Il les faisait souffrir ; jusqu'à se qu'elles décident de pardonner leurs fautes. Cela fonctionnait certes, mais pas dans tous les cas, car il existait un peuple qui ne souhaitait pas se nettoyer. Oui, il y avait des personnes qui s'aimaient dans leur souffrance.

Et Lorenzo en faisait parti.

Tiens...le voici qui luttait encore contre la mélodie soporifique de Morphée. Encore, encore...Jusqu'à ce qu'une braise enflammée vienne embrasser le bout de son index. Une décharge foudroyante vint tapoter son cœur - encore fallait-il se demander si cela était vraiment son cœur ou bien un amas de chagrin si énorme qu'il s'eût parfaitement bien collé contre la zone de cet organe.

Suivons le, alors que le voici qui quittait déjà son lieu-de-vie après avoir éteint la flamme.

Lorsque la porte fut fermée derrière lui, il s'envola à la rencontre des aventures nocturnes de sa ville. Le soupir qu'il poussa tinta au même instant que les vingt-trois coups de l'horloge.

La Zone se trouvait être toujours aussi animée. Nombre de jeunes se trouvaient sur le terrain de foot à s'échanger des passes, alors que d'autres personnes, plus vieilles, discutaient, assises sur la terre près de leurs cabane.

Comme si un brusque faisceau lumineux qui s'eût abattu contre lui, un amas de regards s'accrochèrent discrètement à son être tandis qu'il quittait la Zone. Pour ces gens qu'il boycottait avec grand plaisir, il était une sorte de langage abscons que personne encore n'avait réussi à déchiffrer.

De toute évidence, cet homme leur paraissait trop intelligent, froid et solitaire pour les intéresser. Quelle conclusion des plus hâtives de la part de ces personnes qui cachaient leur manque d'audace derrière son caractère glacial ! En effet, ce gaillard ne demandait qu'un peu de chaleur qui viendrait faire fondre son être polaire...Et l'atmosphère brûlante de Rio n'était pas assez puissante. Non, il lui fallait une chaleur humaine.

Mais malheureusement pour lui, aucun humain n'était en mesure de comprendre ceci.

Alors, qui allait être en capacité de le réchauffer et de déboucher les bouchons de peine qui handicapaient son âme ? Patience, patience, le miracle et l'exception, finissaient toujours par arriver...

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant