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—  On a p'têt pas des grandes maisons

Mais c'qu'on sait c'est qu'on est pas cons !

Enfant du soleil, Enfant de la nature

On a p'tet pas d'pain, pas d'confiture

Mais nous au moins on vit des aventures !

Comme à son habitude, Diego, l'un des hommes principaux de notre lieu de vie et fils d'une amie de ma mère, parcourait les allées entre nos cabanes afin de faire entendre le traditionnel hymne de la Zone. Suivi d'un groupe d'enfants - dont ma petite sœur Julia - qui frappait des bouts de fers entre eux, leurs mots ingambes et leurs tons cassants s'élevaient dans un tourbillon de rébellion jusqu'aux fenêtres des riches qui firent claquer d'un mouvement brute leurs volets.  

—  On a p'tet pas les poches lourdes d'argent

Mais au moins on a le cœur rougeoyant !

OK, on est p'tet mal aimés , on est ignorés

On est p'tet attaqués, méprisés, vulgarisés,

Ouais, on est même fauchés, c'est pas pour ça qu'on va pleurer !

Le museau humide de mon chien Coxinha vint se poser sur mes chaussures alors que je balayais difficilement le petit terrain de terre devant notre cabane. À errer près de nos bidonvilles chaque soir alors qu'il n'avait que de minimes années, j'avais très vite décidé de l'adopter bien que je ne réunissais pas tous les critères sociaux pour me le permettre. 

Aujourd'hui, même si mon toit était aussi le sien, son surnom de chien qui battait le pavé subsistait encore à cause des déplacements fugitifs qu'il effectuait de l'aube jusqu'au crépuscule. Je lui avais donné le nom du seul plat que j'avais osée déclaré comme étant mon préféré. C'était bizarrement fun.

Je lui administrais quelques coups de balais alors qu'il cherchait clairement à me mettre en rogne.  

Non, non c'est pas nous les bandits

C'est vous et votre putain de vie !

C'est pas nous les appauvris

C'est vous et vos putains de cœur refroidis ! 

Mes yeux se figèrent soudainement sur ma grande sœur Maria qui se tenait à l'entrée de notre cabane, le regard englouti dans le vide. Mon sourire s'affadit immédiatement. Affalée sur ce pauvre fauteuil roulant dont la construction m'avait prise bien des semaines, elle n'avait jamais parue aussi triste qu'à cet instant.

Je laissais tomber le balai par terre alors que la chorale révolutionnaire s'éloignait.

Profitez bien de votre paradis ici

Parce que l'enfer ne vous fera aucun prix...!

— Maria ? dis-je doucement alors qu'elle se mordillait les ongles.

Ma grande sœur aux cheveux de braises et au regard sapin sursauta soudainement. La longue analyse visuelle qu'elle fit sur mes jambes eut presque le don de me chiffonner la poitrine.

— Me regarde pas comme ça, tu sais très bien que je n'aime pas ça.

Elle haussa négligemment les épaules, d'une façon trop indifférente pour paraître crédible.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? La soi-disante mini fête d'hier ne t'a pas plu ? Toute cette nourriture t'a écœurée ? T'arrives pas à digérer ? Tu vas m'avouer que tu préfères mes pauvres petits plats qui n'en sont pas vraiment ?, tentais-je ridiculement.

Mille coups d'Amour [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant