LILY
Riley l'a vraiment fait. Il est parti et m'a laissée seule. Il a emporté le couteau alors qu'il sait se battre à mains nues, je lui en veux pour ça. J'aurais pu tenter de le suivre mais de toute évidence, il n'en a pas envie et je vais bien devoir me débrouiller toute seule. J'ai déjà avalé deux des barres qu'il m'a données, je dois dire que ça a plutôt bon goût. D'habitude, nous sommes nourris à base de féculents en tous genres et en galettes de légumes fades sans aucun goût. Rien à voir avec de vrais légumes parait-il, et je suis bien obligée d'y croire puisque je n'en ai jamais goûté.
J'ai mangé en surveillant l'homme que Riley a précautionneusement assommé avant de s'en aller, me laissant seule et désarmée avec lui. Il a l'air parti pour dormir un bon moment. J'ai enfilé le pull et à vrai dire, je n'en avais pas plus besoin que ça, je l'ai voulu pour énerver Riley, par rancœur parce qu'il a pris le couteau.
Je me suis mise à marcher, déambulant entre les arbres, sans aucun repère. De toute façon, je ne peux pas me perdre à partir du moment où je ne sais pas où je suis. Je suis harassée de centaines de questions, mais les seuls souvenirs que j'ai me sont inutiles à l'heure actuelle. J'ai en tête des moments passés avec des amis, des visages sur lesquels je ne parviens pas à mettre de nom, de moments heureux avec ma famille, j'ai aussi compris que j'ai une petite sœur. Cependant, c'est comme si tous les noms avaient été effacés de ma mémoire. J'essaye de me rappeler ce qu'il s'est passé après qu'on m'ait tatouée, mais c'est le vide, rien ne me vient.
Au bout d'un long moment de marche, le soleil commence à se coucher, je suis fatiguée. En vingt-quatre heures, je me suis nourrie uniquement d'un peu d'eau et de deux barres dont je ne connais même pas la contenance. Je me demande si Riley s'en est sorti, s'il s'est souvenu de quelque chose, s'il s'inquiète pour moi, mais cette pensée est vite chassée de mon esprit. Riley s'en fiche, il ne pense qu'à lui.
Au fur et à mesure de mes souvenirs, j'arrive à recomposer la ville dans laquelle je vis, même si ces images restent floues, ça me donne l'impression que je ne me trouve pas au même endroit. Celui-ci contraste avec mes souvenirs qui eux, me montraient une ville composée de bâtiments modernes, des rues propres et parfaitement définies, un jardin botanique et des salles immaculées. Ici ne ressemble en rien à ce que je vois dans mes souvenirs. Je m'assieds au pied d'un arbre, fatiguée par toute cette marche quasiment à jeun. Néanmoins, je pense être maintenant assez loin du garçon assommé et je doute qu'il me retrouve. Du moins, je l'espère. Je ferme les yeux pour me reposer mentalement ; mon mal de crâne s'est estompé, mais il revient en force lorsque je réfléchis trop.
— L'Asile vous protège, l'Asile vous chérit et vous aime..., je murmure.
Qu'est-ce que je raconte, moi ? Je me suis mise à parler toute seule. J'ai sorti cette phrase de mon esprit, comme si c'était une chose innée en moi, comme si je récitais une prière. Le plus étonnant dans tout ça, c'est qu'un autre bout me vient naturellement. L'Asile dans lequel nous vivons est bon, ne vous en faites pas, il ne vous arrivera jamais rien. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je débloque totalement, je n'ai aucune idée de ce que je raconte, ni d'où me viennent ces phrases. Et puis, qu'est-ce que l'Asile ? Je dois être sacrément fatiguée, je m'emmitoufle dans le pull et tente de dormir un peu.
Beaucoup de temps est passé, je crois, et je ne dors toujours pas, trop de questions fusent dans ma tête. Qui était cet homme tout à l'heure ? Est-ce qu'il y a d'autres personnes que nous trois ici ? Est-ce qu'il y a des traces de civilisation non loin ? Je n'ai pas les réponses à mes questions et je sens la fatigue prendre le dessus sur ma curiosité, mes paupières se ferment, je ne lutte pas.
Aujourd'hui, nous avons la Journée Exceptionnelle à l'école. Papa et maman me disent que je vais apprendre plein de choses, moi je pense plutôt que je vais m'ennuyer. Alors que nous sommes tous dans la Salle Exceptionnelle, cette grande salle qui ne sert qu'une fois par an pour cette journée, je suis assise sur une chaise blanche, à côté de Sierra, mon amie.
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Science Fiction2095, dans un monde post-apocalyptique où l'innovation a pris le dessus, ils se réveillent au beau milieu d'une nature luxuriante qui ne ressemble pas à là d'où ils viennent. Une fille, maligne et déterminée. Un garçon, égoïste et prêt à tout pour...