Chapitre 17

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LILY

Ça fait un petit moment que Riley conduit, heureusement qu'il est venu me chercher. J'avais à peine passé la porte que l'homme qui faisait sa ronde m'a vue et s'est lancé à ma poursuite. Je me demande si Riley est venu à contrecœur, mais aussi ce qu'il faisait dans le coin et où est-ce qu'il a trouvé cette voiture qui ne ressemble en rien à toutes celles que j'ai pu voir. J'ai un tas de questions à lui poser, mais il n'a toujours pas parlé depuis qu'on est assis dans cet engin et j'ai le souvenir qu'il n'est pas très bavard. Sans parler du fait qu'il doit me considérer comme un boulet étant donné qu'il m'a abandonnée.

Le paysage défile sous le soleil de plomb, nous ne nous sommes pas enfoncés dans la forêt, nous avons rejoint une route au milieu de nulle part. Je suis impressionnée par l'environnement dans lequel nous évoluons, c'est quasiment désert, seule de la végétation vient apporter sa touche de couleur. Cet endroit ne ressemble définitivement pas à d'où je viens, mais ma conscience me dit encore et encore que l'Extérieur est synonyme de mort et puisque je suis en vie — parce que l'Asile nous garde en vie —, je suis encore à l'intérieur. Le problème, c'est que l'Asile est entouré de murs que j'ai déjà longés, je connais la ville par cœur. Bien assez pour savoir que nous n'y sommes pas. Mon crâne me fait soudainement affreusement mal, comme pris dans un étau, je ne peux m'empêcher de porter mes mains à ma tête et de crier.

— Qu'est-ce que tu fous ? me demande Riley d'une voix désagréable.

— Ma tête ! je me plains.

— Je sais, tu dois arrêter de réfléchir et de te poser des questions.

— Toi aussi, ça te le fait ?

— Ouais.

— Mais pourquoi ?

— Je n'en sais rien, je te rappelle que je suis autant amnésique que toi, si ce n'est plus !

Riley me parle toujours de manière agressive, il n'est définitivement pas de bon poil et ce n'est pas une question de moment, ce n'est jamais le moment avec lui. Mes migraines se calment peu à peu, quand je fais le vide dans ma tête et me concentre sur ma respiration.

— Tu sais qu'il va falloir qu'on discute ? je lui demande.

— Ouais, on va parler, ne t'en fais pas. Je veux juste qu'on soit assez loin de cette bande de tarés et ensuite on parlera autant que tu voudras, tu connaitras tous mes petits secrets !

Cette fois, son agressivité a été remplacée par de l'ironie. Je m'enfonce dans mon siège en observant les différentes fonctions dont cette voiture est dotée, il y a plusieurs boutons avec des dessins dessus, d'autres sans dessin. Il y a aussi un manche dont Riley se sert parfois, je ne comprends pas à quoi il sert, et un boitier muni d'un écran et de boutons en tous genres. On dirait un prototype de radio.

Je ne sais pas depuis combien de temps nous évoluons dans ce paysage mi végétal, mi désertique, mais Riley quitte la route pour le sol sec et poussiéreux. Au loin, se dressent d'immenses rochers très hauts, beaucoup plus que nous, et ils forment un cercle, comme si c'était un abri. Nous avançons vers cet endroit et Riley gare finalement la voiture. Une fois qu'elle n'émet plus aucun bruit ni vibration et qu'elle est en total arrêt, je remarque qu'il fixe le vide, j'hésite entre dire quelque chose ou attendre qu'il le fasse. J'ai l'impression qu'il ne me supporte pas, alors je suis un peu rebutée à l'idée de commencer.

— Je propose qu'on se raconte d'abord ce qu'il nous est arrivé depuis ces quelques jours chacun son tour, propose Riley. Ensuite, on parlera de nos souvenirs. On doit mettre un maximum d'informations qu'on a trouvées en commun.

Je tombe des nues, ce crétin se fiche de moi !

— Je te propose ça depuis le premier jour ! je m'offusque.

Il tourne la tête vers moi et plisse les yeux :

— Tu sais quoi, j'aurais dû te laisser là-bas, tu avais l'air de te débrouiller très bien sans moi. Ah non ! Tu courais comme une dératée parce qu'un malade te pourchassait et maintenant, nous sommes seuls et ce taré est mort parce que je l'ai tué. J'ai tué un homme pour toi, tu te rends compte ? Et toi, même pas un merci, j'aurais dû te laisser là-bas avec le débile à qui j'ai éclaté le crâne. Vous aviez l'air amis de toute façon, alors tu fuyais quoi, au juste ?

Riley n'a jamais aligné autant de mots, je suis impressionnée. Il est tout rouge et une énorme veine pulse sur son front, je dois avouer que ça lui donne un côté super sexy, mais ce n'est absolument pas approprié d'avoir ce genre de pensées maintenant. Je cligne des yeux, sans rien dire, comme une gamine qui vient de se faire réprimander. Il a raison sur un point, je ne l'ai pas remercié, je me sens nulle.

— Merci de m'avoir sauvée.

Il me scrute, alors je le regarde dans les yeux pour qu'il perçoive ma sincérité. Maintenant que nous sommes en plein jour et qu'il est là, en face de moi à plonger son regard dans le mien, je remarque une chose. Ses yeux ne sont finalement pas aussi sombres que son âme, contrairement à ce que je pensais. Ils sont bleu foncé. Un magnifique bleu, dans lequel on pourrait se perdre facilement. Un rictus se forme entre ses sourcils, il est en train de les froncer. Je me rends compte que je suis en train d'admirer ses yeux depuis tout à l'heure et que du temps est passé, peut-être un peu trop, il doit me prendre pour une folle. Je détourne brutalement le regard pour le planter sur la roche grise, terne, poussiéreuse qui nous entoure.

— Et maintenant, on fait quoi ? je lui demande.

— Raconte-moi tout ce qu'il s'est passé depuis que je suis parti et je veux aussi savoir pourquoi tu saignes à la cuisse.

Je ne sais pas par où commencer. Je déplie frénétiquement le miroir de la voiture et ce que je vois me laisse sous le choc. Je ne me reconnais pas, mes cheveux sont emmêlés dans tous les sens, j'ai du sang sur le menton et dans le cou. J'observe la croute fragile qui se forme sur la plaie de ma cuisse. D'un coup, une vague de colère s'empare de moi, tout ça ne serait jamais arrivé si Riley ne m'avait pas abandonnée.

— Tout ça, c'est de ta faute, je lui reproche.

— Quoi ?

— Tu es parti, tu m'as laissée seule et sans défenses, j'aurais pu me faire tuer ! J'ai été enlevée, tripotée comme un vulgaire objet, et torturée ! J'ai dû rester forte quand on dépassait mes limites chaque jour, et tu vois, tout ça ne serait pas arrivé si tu ne m'avais pas lâchement abandonnée. Alors oui, tu es revenu, mais ça ne change en rien ce que j'ai vécu !

Il me détaille, une expression vide au visage. Je ne sais pas à quoi il pense et je me demande même s'il en a quelque chose à faire.

— Écoute-moi bien, commence-t-il, je n'ai pas demandé à me réveiller au beau milieu de la nature avec une fille que je ne connais pas. Je ne sais pas pourquoi tu crois ça, mais mon rôle n'est absolument pas de te protéger. Je pense qu'on a tous les deux eu des galères, je n'ai pas été mieux loti que toi. Je suis venu te chercher et tu es en vie, alors arrête de me faire des reproches.

— Oh, tu préférerais être seul, c'est ça ? Eh bien tu sais quoi, t'as gagné.

Je m'empare de l'un des couteaux posés sur le tableau de bord et sors de la voiture. Je crois que j'ai eu ma dose de Riley pour aujourd'hui. J'avais tort de m'inquiéter pour lui, il s'en sort très bien tout seul et je devrais apprendre à en faire de même.

— Où tu vas ? crie-t-il par la fenêtre tandis que je m'éloigne.

Je ne lui réponds pas, il n'a pas à savoir où je vais. Et puis de toute façon, je n'en ai aucune idée, je veux juste m'éloigner de lui et son sale caractère.

— C'est ça, casse-toi ! hurle-t-il.

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