LILY
Après l'annonce de Colton, j'ai eu envie de pleurer. Sauf que je ne le fais pas, je ne dois pas pleurer.
— Si vous avez des questions, sachez que ma porte est ouverte, dit-il.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Jordan ? demande Riley.
— Jordan était un cas particulier. Depuis qu'on l'a trouvé et qu'on l'a recueilli, il était insupportable et voulait dicter sa propre loi. Je l'ai peut-être un peu trop couvé, j'en ai empêché certains de le passer à tabac, je pensais qu'il était déboussolé par la perte de sa mémoire. Sauf que quand je lui ai injecté l'antidote, il s'avère qu'il était toujours aussi odieux. Il ne respectait ni les gens, ni les règles. Il a contracté une haine toute particulière envers l'Asile et ceux qui en provenaient, il semblait oublier qu'il en venait, lui aussi... Il a essayé de se rebeller, il voulait qu'on arrête d'accueillir ceux qui s'étaient fait rejeter par l'Asile, mais je ne pouvais pas le laisser agir. On s'est beaucoup disputé et Jordan est finalement parti. Ses amis l'ont suivi et depuis, ils sèment une sorte de chaos.
Jordan me dégoûte, je jubile qu'il soit mort même si c'est mal de s'en réjouir, il avait une case en moins. Riley contemple ses pieds et quant à moi, j'estime en avoir assez entendu.
— Quand est-ce qu'on va choisir dans quelle branche on veut travailler ?
Ma question a l'air de les surprendre, ils m'étudient d'un drôle d'air, comme s'ils pensaient que j'avais perdu la tête. Le fait est que j'ai reçu trop d'informations pour une seule journée, je ne pourrai pas retenir mes émotions plus longtemps, si ça continue. Je ne pense pas être en droit de m'apitoyer sur mon sort étant donné que Riley a perdu son père et sa sœur, le problème qui s'oppose à moi est d'un tout autre type. Je suis bouleversée de tout ce qui nous arrive et à l'idée que mes parents vivent actuellement en pensant qu'ils n'ont qu'une seule fille.
— Lily, je pense que tu es sous le choc actuellement, on verra ça plus tard, me dit Colton.
— Non, c'est parfaitement le bon moment.
— Étant donné que tu travaillais à l'arboretum, peut-être que tu voudrais t'occuper du jardinage et de la récolte ?
Le rire que j'émets vient du plus profond de moi. Le jardinage et la récolte, est-ce qu'il m'a bien regardée ? Maintenant que je me rappelle parfaitement ma vie, maintenant que je connais mon identité et que je sais qui je suis, j'ai tout sauf envie de reproduire le schéma de ma vie au sein de l'Asile.
— Je ne veux pas faire de jardinage. Qu'avez-vous d'autre ?
— La cuisine, les recherches, les sciences médicales, l'élevage, le combat...
— Pourquoi formez-vous vos hommes à se battre ? Dans quel but ?
— Une guerre est en marche Lily, tôt ou tard, le jour où nous devrons affronter l'Asile arrivera. Tout le monde devra se battre mais les personnes formées ont plus de responsabilités.
— Je veux en faire partie.
— Quoi ? Non ! s'exclame Riley.
Je me tourne vivement vers lui :
— Ça te pose un problème ? je lui demande brutalement.
— Écoute Lily, dit Colton, tu es sous le choc et beaucoup trop énervée, tu ne devrais pas prendre ce genre de décision à chaud.
— J'ai les idées très claires. Je commence quand ?
— Mais c'est de la folie, tu ne sais pas te battre, tu ne sais même pas manier une arme ! Tu crois qu'on apprend tout ça en une semaine ? me demande Riley.
— Merci, mais je ne t'ai pas demandé ton avis.
— Calmez-vous, dit Colton d'un ton ferme.
— Je suis tout à fait apte à prendre mes propres décisions, je ne suis pas une petite chose fragile, est-ce que c'est clair ? j'explose.
Colton et Riley m'observent sans rien dire, pris d'une totale incompréhension, mais c'est pourtant très simple, ils doivent juste me laisser suivre mon instinct et ne pas s'interposer. Je viens d'apprendre que toute ma vie, j'ai été manipulée par un système de fous furieux, que toute ma vie, mes choix ont été guidés dans un seul et unique but : servir l'Asile. Aujourd'hui, je n'ai pas seulement retrouvé mon identité, j'ai aussi compris que je ne voulais plus être cette personne. Je ne veux plus être celle que j'ai été dans un passé contrôlé et calculé de toutes pièces.
Ils restent silencieux, l'ambiance est pesante. Tout ça m'énerve, je me lève, on a plutôt intérêt à m'ouvrir cette satanée porte.
— Je veux sortir.
— Ne la laissez pas sortir, intervient Riley, elle est trop bouleversée, elle pourrait tuer quelqu'un à mains nues, là !
En plus de me retenir de pleurer, je me retenais aussi d'envoyer balader Riley, j'ai une puissante envie de lui hurler dessus. Mais puisqu'il entre dans le vif du sujet et que d'après lui je ne suis qu'une folle incontrôlable, alors autant lui donner ce qu'il veut.
— Écoute-moi bien, Riley. Peut-être que toutes ces révélations ne te font ni chaud ni froid, peut-être que tu veux jouer les gros durs ou que tu n'as juste pas de cœur mais moi tu vois, j'en ai un et mon cœur me dit d'agir et je compte bien l'écouter. Alors tes remarques débiles, tu les gardes pour toi et tu me fiches la paix.
Ça y est, je crois que ça monte à son cerveau. Son visage se décompose, je pense qu'il a eu le choc que je voulais lui provoquer. Ça ne me fait pas plaisir de lui dire tout ça, mais la rage qui bout en moi en ce moment ne peut pas être contenue et je ne peux pas rester là à écouter deux hommes me dire que je suis trop faible. Il me fixe avec un regard dur, le même qu'il posait sur moi avant, et quelque chose se brise en moi.
— Maintenant, je veux sortir.
Colton se lève et sort la clé de sa poche. Il l'observe un moment avant de se décider à enfin la glisser dans la serrure. Il m'ouvre la porte et pose un regard dur sur moi.
— Pas de connerie, Lily.
— Ouais, c'est ça.
Sur ces paroles, je m'en vais en trombe de la pièce.

VOUS LISEZ
ASYLUM
Science Fiction2095, dans un monde post-apocalyptique où l'innovation a pris le dessus, ils se réveillent au beau milieu d'une nature luxuriante qui ne ressemble pas à là d'où ils viennent. Une fille, maligne et déterminée. Un garçon, égoïste et prêt à tout pour...