Chapitre 31

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LILY

C'est certain qu'avoir retrouvé le sol dur et froid de ma cellule contraste énormément avec le lit douillet et chaud de Kyle. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit et je vois déjà les premiers rayons du soleil passer par la minuscule fenêtre. Je n'ai aucune idée de comment Kyle va bien pouvoir s'y prendre, le délai est trop court pour monter un plan digne de ce nom, j'ai peur des répercutions. Je m'imagine tous les pires cas de figure, je m'imagine que quelqu'un va nous attraper et nous exécuter. Je me suis aussi posé un tas de questions concernant le mystérieux endroit dans lequel Kyle compte nous emmener. Il a parlé de gens comme nous, ce qui veut dire que nous ne sommes pas seuls. En plus de nous avoir menti sur ce qu'est l'Extérieur, l'Asile nous a aussi menti sur le fait qu'il n'y a aucune vie là-bas. J'inspire profondément, je bloque, j'expire. Je réitère l'opération plusieurs fois, j'ai remarqué que ça m'aidait à avoir moins mal.

La porte de ma cellule s'ouvre dans un fracas pour laisser apparaitre Jordan, je me réjouis à l'idée que c'est la dernière fois que je le vois puisque demain il sera en congé — et c'est aussi le jour de notre évasion. Pourquoi ce n'est pas Kyle qui vient ? Est-ce que Jordan a eu des soupçons quant à son intégrité ?

— Bien dormi, ma jolie ? me demande-t-il.

— Super, je lui réponds en levant les yeux au ciel.

— Programme de la journée, annonce-t-il en claquant des mains, tu manges, on va aux sanitaires, ensuite tu t'amuseras comme tu le souhaiteras dans ta cellule. Au fait, comment tu passes ton temps ?

— À te maudire et à t'imaginer mort, je n'ai pas trouvé mieux et ça me détend en prime.

— Tu me brises le cœur. Tu devrais arrêter de fréquenter Riley, ce n'est pas une bonne influence si tu veux mon avis, dit-il en baissant la voix sur le ton de la confidence.

C'est vrai que fréquenter Riley a eu un impact sur moi, mais c'est aussi la pure vérité, j'aimerais voir Jordan mourir dans d'atroces souffrances pour tout ce qu'il m'a fait. Il ouvre son sac et pose de la nourriture devant moi, les mêmes choses que d'habitude. Je m'empresse de manger, je n'en perds pas une miette car je vais avoir besoin de forces. Une fois que j'ai terminé, mon geôlier s'approche de moi et m'attache les mains puis me met le bandeau. Ça me met mal à l'aise que ce soit lui qui m'accompagne aux sanitaires, qui sait ce qu'il fera, cet homme est un déséquilibré mental.

— Pourquoi ce n'est pas Kyle qui m'emmène ?

— Oh, tu aurais aimé, hein ? Tu sais, je crois qu'il y a un truc entre Riley et lui.

— C'était juste une question. Lui ou toi, c'est pareil.

— C'est sa journée de repos aujourd'hui. Je suis sûr qu'il est en train de chialer dans sa chambre parce que Riley lui manque déjà.

Plus Jordan me dévoile son humour, plus il m'énerve. Il n'y a rien de bon en lui, c'est comme s'il était pourri de l'intérieur. C'est peut-être pour ça qu'il a presque le rôle de chef, c'est probablement la qualité parfaite pour ce travail, être pourri de l'intérieur, ne rien ressentir à part de la haine et de la hargne. Personnellement, je suis sûre que Kyle va passer sa journée à peaufiner son plan, tant qu'il n'a pas l'autre détraqué sur le dos, ça lui facilitera la tâche. Jordan m'agrippe le bras et m'entraine à l'extérieur de ma cellule, je ne prends plus la peine de compter les pas, je sais qu'il y en a en moyenne cent soixante-sept — ça dépend de l'allure à laquelle nous marchons. Une fois dans la salle de sanitaires, Jordan m'enlève le bandeau et me délie les mains.

Je me dirige vers les douches et au moment où j'allais me déshabiller, Jordan pénètre dans le petit espace qui ne doit pas faire plus d'un mètre carré. Il se plante devant moi et m'observe avec cette lueur qu'il maitrise et qui me dégoûte tant, cet homme est tout simplement répugnant. Je retiens ma respiration, ou alors j'oublie juste de respirer, je ne sais pas, je ne peux plus penser. Je suis juste impatiente qu'il s'en aille et qu'il arrête de polluer mon petit espace privé. Il me tend quelque chose, je n'avais pas remarqué qu'il avait les mains encombrées. Je remarque qu'il s'agit d'une pile de linge. Je la récupère, rassurée qu'il ne vienne que pour ça. Il m'adresse un sourire et s'en va, aussi vite qu'il est arrivé.

Après m'être douchée, je regarde les vêtements qu'il m'a apportés. Un short, encore, bleu et en jean, ses pans sont déchirés, on dirait un pantalon qui a été découpé pour être raccourci. Avec, il y a un débardeur noir tout simple et des sous-vêtements propres. Encore une fois, je me demande à qui appartiennent tous ces vêtements mais je chasse vite cette pensée de mon esprit. Je me plante devant le miroir et observe mon visage, marqué par la fatigue et la vie que je mène ces derniers jours. Je ne me trouve pas jolie, même un psychopathe comme Jordan devrait le remarquer. Quant à mes cheveux, ils sont emmêlés et tombent dans mon dos, je les coiffe de mes doigts, ce qui n'est pas évident. Je remets ensuite mes chaussures, ces bottines à lacets dont j'ai bénéficié lors de mon incarcération. Une fois prête, Jordan me sourit en croisant les bras sur son torse.

— C'est bien mieux comme ça. Tiens !

Il a lancé une trousse vers moi, que j'attrape aisément et ouvre pour y trouver du matériel médical. Je soigne et panse ma plaie, comme la dernière fois. D'ailleurs, je n'ai pas plus mal que ça à ma jambe et je réussis à me déplacer sans mal, comme si elle n'avait pas été blessée il y a quelques jours.

— Pourquoi je n'ai pas mal ? je demande à Jordan.

— On te met des médocs dans ton eau.

Il m'a dit ça comme si c'était une évidence, je ne cherche pas à en savoir plus, ça n'est pas plus mal comme ça. Jordan m'a attaché les mains et enfilé le bandeau, nous marchons jusque ma cellule. Une fois à l'intérieur, je me sens mieux, aussi étrange que ça puisse paraitre, je considère ma cellule comme l'endroit dans lequel je suis le plus en sécurité. Jordan m'enlève le bandeau mais ne me délie pas les mains. Le fait qu'on me lie ou pas les mains lorsque je suis dans ma cellule est tellement aléatoire que je ne cherche même plus à comprendre.

— Bon, je vais voir Riley, annonce Jordan. Tu crois qu'il va être déçu de me voir ?

— Qui ne le serait pas ?

— Tu marques un point.

Il s'en va sans plus de cérémonie, me laissant seule. J'attends avec impatience le moment où Kyle va ouvrir ma cellule, même si j'ignore comment il va s'y prendre, des gardes arpentent les couloirs. Pendant ces heures où je suis enfermée, j'essaye de me forcer à me souvenir de quelque chose mais rien ne vient. Ça fait maintenant plusieurs jours que je n'ai pas eu un seul souvenir, même minime et je me demande si c'est pareil pour Riley. J'aimerais comprendre pourquoi les seuls souvenirs qui me sont apparus avaient un lien avec ma famille ou mon emprisonnement, ce ne sont pas des souvenirs assez concrets pour m'aider à faire des liens.

J'arrête de réfléchir et m'allonge sur le sol dur et froid, je devrais probablement essayer de me reposer, j'aurai besoin de toutes mes forces demain. Si Kyle réussit à monter un plan assez malin pour permettre notre évasion, bien évidemment.

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