Chapitre 32

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RILEY

Jordan est arrivé tel un fou dans ma cellule. Je sens qu'il va m'énerver et que je vais avoir envie de lui en coller une, je ne sais pas pourquoi. C'est juste évident, à chaque fois qu'il l'ouvre, c'est pour raconter des conneries, je n'ai jamais rien entendu de bien sortir de sa bouche.

— Désolé Riley, Kyle n'a pas pu venir aujourd'hui. Je sais que tu es triste mais ne m'en veux pas, ce n'est pas de ma faute.

Je jubile intérieurement, il peut bien raconter tout ce qu'il veut et essayer de m'énerver avec son humour douteux mais ça ne marchera pas parce que je sais ce que Kyle est en train de faire et je sais que demain je vais entendre une alarme, sortir d'ici et que tout va s'arranger. J'avais un sacré doute concernant les capacités de Kyle à nous faire évader mais j'ai finalement décidé de lui faire confiance, c'est notre seul espoir après tout. En revanche, s'il échoue je me ferai un plaisir de lui faire manger le béton et je prendrai les choses en main.

Jordan me délie les mains et me donne de quoi manger, je m'empresse d'avaler ce repas. Il me rattache ensuite et me fixe, le regard dur et froid.

— On n'avait pas fini notre conversation hier et je veux entendre la suite. Tu as tué ta sœur ?

J'ai envie de lui sauter dessus de nouveau, c'est plus fort que moi. Sauf que cette fois il a été malin, il a attendu que j'aie les mains liées pour aborder le sujet. Il sort le boitier électrisant de sa poche et je ne vois pas en quoi il veut absolument entendre mon histoire. Je n'ai pas envie d'en parler. J'ai déjà du mal à me confier à Lily à ce propos, ce n'est pas pour tout déballer à ce dégénéré.

— Alors, tu vas répondre ? demande-t-il avec un regard sournois.

En temps normal, je l'aurais laissé m'électriser, puisque je sais qu'il n'ira pas jusqu'à me tuer, il me l'a avoué lui-même. Sauf que j'ai besoin de toute ma force et ma mobilité pour demain, je ne peux pas me permettre de me mettre en danger. Je vais répondre à ses foutues questions pour qu'il me fiche la paix une bonne fois pour toutes.

— Oui, je l'ai tuée, je réponds.

Un sourire se dessine sur ses lèvres.

— Comment l'as-tu tuée ?

— Elle était malade et on n'avait plus de médicaments. J'en ai volé mais je me suis fait attraper avant de pouvoir les lui apporter. Elle ne les a jamais eus et elle est morte.

— Comment tu sais qu'elle est morte puisque tu t'es fait attraper ?

Je me retiens d'exploser, des milliers de manières de le tuer m'apparaissent.

— Ils ont apporté son cadavre à ma cellule de prison.

— Donc tu as menti, tu n'as pas volé du matériel comme tu l'as dit au chef ?

— Effectivement, j'ai menti. Et sur plein d'autres trucs d'ailleurs, je lui réponds avec un sourire narquois.

— Sur quoi d'autre ? demande-t-il soudainement énervé.

— Je ne sais plus, tout ce que vous savez est un mensonge. Un gros mensonge inventé de toutes pièces.

Jordan m'attrape par la gorge et me plaque au mur, il est en colère.

— Pourquoi tu t'énerves ? je lui demande. Tout le monde ment, même toi.

— De quoi tu parles ?

— Je sais que tu connais Ben. C'est ton frère, c'est ça ?

Il cligne des yeux un moment, sous le choc, mais reprend rapidement contenance :

— Je ne connais pas Ben, est-ce que c'est clair ?

— Tu lui ressembles trop, j'ai l'impression de l'avoir en face de moi. Et puis tu t'énerves à chaque fois que j'en parle.

— Laisse Ben en dehors de ça, c'est compris ? demande-t-il en serrant ses mains sur ma gorge.

— Tu vois, j'avais raison. Pourquoi tu es à l'Extérieur et Ben à l'intérieur ? Pourquoi vos parents ne parlent pas de toi ? Pourquoi tout le monde fait comme si tu n'existais pas ?

Je pense que je parviens à le déstabiliser puisque ses yeux brillent et que sa main tremble. J'ai tapé dans le mille, Jordan est le frère de Ben. Pourtant, je pensais mon ami fils unique, personne n'a jamais mentionné l'existence d'un autre enfant. Je me demande vraiment ce qu'il s'est passé. Depuis que je suis petit, je n'ai jamais vu Jordan, de toute évidence il n'a pas vécu avec la famille de Ben. À moins que je ne m'en rappelle juste pas, comme la majorité de ma vie.

— Est-ce que... tu me connais ? je lui demande.

— Ouais je te connais Riley, je t'ai déjà vu, c'est juste toi qui ne te souviens de rien, répond-t-il avec de la rage dans ses yeux.

— Quoi ? Mais comment...

— Je ne te raconterai rien, je ne te ferai pas ce plaisir, à quoi bon ? dit-il avec un rire amer.

— Ça veut dire que... Tu connais mon nom ? Comment je m'appelle ?

— T'aimerais savoir, hein ?

— Tu sais comment je m'appelle ?

— Ouais. Mais tu ne sauras rien, tu t'appelles Riley maintenant.

— Réponds-moi ! je hurle.

— Ou quoi ? crie-t-il encore plus fort. Tu comptes faire quoi ? C'est toi qui es enfermé et qui as les mains liées, ne me donnes pas d'ordre c'est compris ? Quant à Ben, tu n'en parles plus.

— Tu sais ce qui nous arrive ? Tu sais pourquoi on ne se rappelle rien ? Et tu sais pourquoi on s'est réveillé dans la forêt ?

— Ouais, je sais tout, dit-il avec un sourire malsain. Mais je préfère te voir devenir complètement fou, je préfère que tu croies aux conneries que te dicte ton cerveau et que tu penses que tu as tué ta sœur. C'est bien plus drôle.

Je n'arrive pas à faire le lien entre toutes ces informations qu'il me donne, je suis fatigué de réfléchir et mon cerveau ne me le permet pas. C'est comme si j'étais bloqué dans une camisole. C'est un peu ce qu'il se passe dans ma tête, je n'ai accès à rien, tous mes souvenirs sont enfermés dans des tiroirs verrouillés à double tour. Évidemment, je n'en ai pas la clé, j'ai juste accès à des souvenirs qui n'étaient apparemment pas assez précieux pour y être enfermés.

— Maintenant, continue Jordan, on va aux sanitaires et tu restes à ta place, tu marches droit sinon je t'assure que je te tue. Je te tuerai de sang-froid et peu importe que je sois puni pour ça.

Je le regarde de travers pour toute réponse, je doute qu'il réussirait à me tuer s'il essayait. J'ai appris toutes les techniques de défense utiles et je prendrais vite l'avantage. Jordan se croit supérieur parce qu'il ne sait rien de moi. Il me met le masque et m'emmène dans les sanitaires.

Après avoir pris ma douche et changé de vêtements, je soigne ma blessure au torse et change de pansement. La plaie suinte, oscillant entre le rouge de mon sang et le jaune visqueux de mon pue, créant un mélange à vomir. Une fois prêt, Jordan me ramène dans ma cellule sans parler, je n'ai plus entendu le son de sa voix depuis sa menace et je n'ai pas cherché à lui parler. Non pas que j'aie peur de lui, je sais juste qu'il ne servira à rien de s'énerver car nous partons demain. J'espère seulement que cet abruti de Kyle réussira à trouver une solution, qu'il nous aidera vraiment à nous échapper.

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