RILEY
Elle doit me prendre pour un fou et se demander comment j'ai choisi mon prénom. J'ai choisi Riley mais elle, elle s'appelle toujours huit cent trente-quatre, alors elle ne peut pas me juger. Je ne me sens pas assez proche de cette fille et confiant pour lui avouer que des bribes de souvenirs me sont revenues.
Je me suis souvenu de moi, gosse, confortablement installé dans un long canapé blanc et étonnement confortable ; c'est comme si j'avais pu ressentir ce confort à travers mon souvenir. J'étais seul, dans une grande pièce immaculée un peu trop éclairée et à la décoration très épurée, minimaliste et impersonnelle. Devant moi se tenait une télévision, un grand écran faisant pratiquement tout le mur, presque aussi fin qu'une feuille de papier. Un halo de lumière s'échappait de tous les côtés de la télévision, m'immergeant dans l'univers de ce que j'étais en train de visionner. Aussi étrange que ça puisse paraitre, je me rappelle que je voyais les images aussi réellement que si elles se déroulaient devant mes yeux. J'étais concentré, mais je riais de temps à autres. Je voyais dans l'écran un petit garçon manipuler des objets électroniques, je n'arrive pas à mettre le nom sur ces objets, c'est comme si je les connaissais sans vraiment les connaitre. Sensation très perturbante. Le petit garçon avait un sale caractère, il boudait de temps à autres et faisait les quatre cent coups. Il me plaisait bien. A un moment, il a déclaré « Je suis Riley ». Moi aussi, je veux être Riley.
Lorsque j'ai annoncé mon nouveau nom à la fille, elle m'a scruté avec des yeux ronds, je crois que je n'ai jamais vu la forme de ses yeux au naturel tant elle prend cet air étonné. Elle devrait se décoincer un petit peu, on dirait qu'elle garde son calme et qu'elle s'empêche d'exploser, un truc du genre. À vrai dire, sa présence m'ennuie et ce qui m'horripile par-dessus tout, c'est le fait d'être attaché à cette fille agaçante au nom d'autant plus nul, huit cent trente-quatre. Une expérience très positive, en somme.
Je trouve qu'elle pose un peu trop de questions. Évidemment que j'ai envie de savoir ce que nous faisons là, de me rappeler mon passé, de connaitre mon vrai nom. Parce que Riley n'est qu'une une usurpation d'identité, ça n'est pas moi. D'ailleurs je me demande quel genre de statut elle possédait pour avoir le droit de pénétrer dans l'arboretum, l'accès est restreint au personnel, il y a des visites de temps à autres, mais je n'ai jamais pu y aller. Mince, qu'est-ce que je raconte ? Comment j'ai fait pour me souvenir de ça ?
Peut-être finalement que je n'ai pas totalement perdu la mémoire, huit cent trente-quatre a raison, je me suis rappelé Riley, puis ça, je parviendrai peut-être à me souvenir de mon nom, de ma famille et même de ce que je fais ici attaché à cette fille, à qui je devrais trouver un prénom moi-même puisque ça n'a pas l'air d'être l'une de ses priorités. Des bribes de souvenirs me reviennent.
Je me retrouve dans une grande pièce blanche, un salon. Une télévision y trône ; quand j'étais petit, j'aimais me poser devant et regarder un petit garçon faire des bêtises. Ce souvenir m'arrache un triste sourire. Je ne suis plus cet enfant innocent, maintenant, j'ai des responsabilités. Un cri de souffrance me parvient du bout du couloir de l'appartement dans lequel je me trouve, je m'y dirige en courant, je sens l'urgence dans le cri de ma sœur.
En arrivant dans sa petite chambre d'un blanc aussi immaculé que celui du salon, je la vois, allongée dans son lit, haletante. Elle me tend la main, une grimace de douleur déforme les traits pourtant habituellement si angéliques de son visage. Je lui prends la main et m'assieds à son chevet, puis je commence à lui caresser les cheveux. Petit à petit, elle se calme mais des larmes perlent sur ses joues ; je sais très bien que malgré ses pleurs, elle reste forte. Je suis fier de ma sœur, c'est une petite fille très courageuse. Je regarde l'heure sur l'horloge numérique posée sur sa table de chevet. C'est l'heure.
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ASYLUM
Science Fiction2095, dans un monde post-apocalyptique où l'innovation a pris le dessus, ils se réveillent au beau milieu d'une nature luxuriante qui ne ressemble pas à là d'où ils viennent. Une fille, maligne et déterminée. Un garçon, égoïste et prêt à tout pour...