LILY
Faire sortir ces pensées de ma tête m'a coûté beaucoup. Je me retrouve avec une douleur persistante au niveau du crâne, toute ma tête est prise par cette sensation, mais il fallait que je le dise à haute voix. Je devais dire ça à Riley pour qu'il sache ce que j'en pense et aussi pour lui faire comprendre certaines choses, si ce n'était pas déjà fait. Je ne comprends pas pourquoi penser à certaines choses me provoque de telles douleurs, en tout cas, elles sont liées à ma perte de mémoire.
Quelques heures sont passées et nous sommes restés assis dans cette voiture, sans rien faire ni parler. Riley a essayé de me calmer au début, mais je l'ai repoussé, je voulais être seule avec moi-même, seule avec ma douleur. Alors je l'ai endurée tout ce temps en pleurant et en me recroquevillant sur mon siège.
Lorsque je reprends mes esprits, je me rends compte que le soleil est en train de se coucher et surtout, que j'ai très faim. Je tourne la tête vers le siège qu'occupe Riley et remarque qu'il n'est pas là. Il n'est plus à côté de moi, comment ai-je pu ne pas voir qu'il était parti ? Mais où est-ce qu'il est allé ? Il a osé me laisser seule dans cette voiture alors que j'étais au plus mal ? Je regarde par la fenêtre, le cherchant, mais tout ce que je vois, c'est le soleil qui se couche et la nuit qui tombe pour nous engloutir.
— Juste derrière, fait la voix de Riley.
Sa voix me fait sursauter, je me retourne et le vois, étendu de tout son long sur la banquette arrière de la voiture. Il a un bras plié derrière sa tête, mettant en évidence son biceps plutôt développé que je n'avais pas encore remarqué jusque-là — bien qu'il ait après tout une carrure de sportif, mais je ne m'étais pas attardée de la sorte sur sa musculature auparavant. Il doit me prendre pour une idiote, pendant que je paniquais, il était en train de m'observer, amusé. Un rictus apparait sur ses lèvres, je crois bien que c'est la première fois que je le vois sourire et je dois avouer que ça lui va plutôt bien.
— Tu as paniqué parce que tu as cru que j'étais parti ? Comme c'est mignon, dit-il.
Je le fusille du regard, j'apprécie bien moins son sourire maintenant. Je préfère quand il me sert son air torturé et qu'il est de mauvais poil, je crois que c'est moins insupportable. Quelque chose tombe sur mes jambes, je baisse le regard pour découvrir une de ces barres protéinées dont je me nourris essentiellement depuis que je me suis réveillée dans cette forêt, Riley vient de me la lancer.
— J'en ai trouvé quelques-unes dans le coffre. Tu devrais manger.
— Et est-ce que tu as trouvé de l'eau ? je lui demande pleine d'espoirs.
— Peut-être bien.
Je ne sais pas à quoi il a décidé de jouer, c'est le genre de personne que j'ai toujours eu du mal à cerner ; parfois froid et presque méchant, parfois plus gentil et prévenant. C'est comme s'il était tiraillé entre deux personnalités et qu'il ne savait pas laquelle choisir. Après tout, c'est Riley, ça ne sert à rien de chercher à le comprendre, alors je me contente de déballer ma barre pour la manger. Je la dévore assez rapidement, elle a réveillé ma faim et je me demande combien Riley en a trouvées et mangées.
Je le regarde, là, allongé sur la banquette arrière à inspecter le plafond. J'aimerais savoir à quoi il pense. Quelque chose me dit qu'il n'a pas été tout à fait honnête avec moi mais je n'insiste pas, je sais que ça le mettrait en colère. Mais tout de même, j'ai comme le pressentiment qu'il a recouvré bien plus de souvenirs qu'il veut me laisser croire, je pense aussi qu'il connait la raison de son arrestation. Plusieurs théories fusent dans ma tête, la première est la possibilité qu'il ait tué quelqu'un. Est-ce qu'il a fait quelque chose d'immoral ou d'horrible ? Ou bien, est-ce qu'il s'est fait prendre en train de faire quelque chose d'interdit ? J'ai une autre question en tête et celle-ci, je compte la lui poser :
— Dis, pourquoi tu tenais tant à t'en aller ? Quand tu as cassé les menottes et que tu es parti.
Il tourne la tête vers moi et je jurerais qu'il est en train de me maudire de poser cette question en ce moment même. Riley n'aime pas les questions, mais moi, je n'aime pas les secrets.
— On s'en fiche, maintenant je suis là, me répond-il simplement.
— Non, je ne m'en fiche pas, moi ! Je dois savoir.
— Et pourquoi, ça t'avancera à quoi ? T'es en train de faire une liste de toutes les raisons de me détester, c'est ça ?
Sa question me fait sourire, si j'entreprenais de faire cette liste, elle serait probablement la plus longue que je n'aurais jamais faite.
— Je veux juste savoir. Je ne connais pas grand-chose de moi, ni de cet endroit, ni de toi. Alors tu me laisses assouvir ma curiosité de temps en temps, ce serait sympa de ta part.
Il plisse les yeux et souffle, avant de finir par me répondre :
— Quand je me suis réveillé et que je t'ai vue à côté de moi, j'ai eu peur. Je ne savais pas où j'étais, je savais juste que j'étais en milieu hostile. Je me demandais comment j'allais m'en sortir alors si je devais en plus m'occuper de toi, je me disais que je n'allais pas m'en sortir. Et puis, je me disais aussi que tu n'avais pas besoin de moi.
— Mais tu es finalement revenu, je lui dis.
— Puisqu'on est dans l'instant confidences, je dois être honnête avec toi. Quand je t'ai vue avec cet homme, j'ai... hésité à venir t'aider. J'ai failli m'en aller et faire comme si de rien n'était.
Ma mâchoire en tomberait presque. Le fait que Riley ait pu avoir ce genre de pensée me sidère, il était prêt à me laisser seule avec ce fou furieux, mais le fait qu'il me l'avoue de vive voix le plus naturellement du monde est encore pire.
— Pourquoi tu me détestes autant ? je lui demande tristement.
— Je ne te déteste pas.
Il était prêt à me laisser mourir mais il ne me déteste pas ? Je n'ose pas imaginer ce que c'est lorsqu'il déteste quelqu'un. Peu importe, au moins il a été honnête sur une chose, on fait des progrès.
— Qu'est-ce qu'on va faire ? je lui demande.
— La nuit tombe donc je propose qu'on dorme un peu et demain matin, on roulera le plus loin possible pour s'éloigner d'eux.
— Ce n'est pas prudent de dormir, imagine qu'ils arrivent pendant notre sommeil ?
— Tu dors la première, alors. Je vais rester éveillé.
Il se redresse et s'empare de quelque chose au sol. Une seconde plus tard, une bouteille vole dans les airs et je la rattrape. Elle est pleine d'eau et lorsque je regarde Riley, il m'adresse un léger sourire. Je la dévisse et en bois avidement le contenu, ma soif est insatiable et lorsqu'il m'avoue qu'il reste plein de bouteilles à l'arrière, je ne me contiens pas. Je pose ma bouteille vide sur le tableau de bord et Riley passe aisément à l'avant de la voiture en un saut, il se retrouve assis à la place du conducteur.
— Tu devrais te mettre à l'arrière, ajoute-t-il, c'est super confortable.
Je fais ce qu'il me dit et passe à l'arrière avec bien moins d'aisance que lui. Je m'allonge à mon tour sur la banquette et il a raison, c'est vraiment confortable comparé au sol sur lequel je dors depuis quelques jours.
— Riley, est-ce que ta sœur te manque ?
Il se fige et je capte son regard dans le rétroviseur : il est dur, affolé et ses sourcils se froncent. Puisqu'il prend du temps à me répondre, j'insiste :
— Moi, ma famille ne me manque pas parce que je ne me souviens pas assez d'eux. C'est comme si nous n'étions pas proches. Alors je me demandais si toi, tu ressentais ce manque.
— Ma sœur me manque, déclare-t-il.
Sa réponse me surprend.
— Tu as eu beaucoup de souvenirs d'elle ?
— Non.
— Alors comment ça se fait qu'elle te manque ?
— Elle me manque, c'est tout, arrête de vouloir tout comprendre, parfois il n'y a pas de réponse à tout !
— D'accord, je suis désolée. Je ne voulais pas te brusquer, je suis simplement curieuse. Bonne nuit, alors.
— Bonne nuit Lily.
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ASYLUM
Science Fiction2095, dans un monde post-apocalyptique où l'innovation a pris le dessus, ils se réveillent au beau milieu d'une nature luxuriante qui ne ressemble pas à là d'où ils viennent. Une fille, maligne et déterminée. Un garçon, égoïste et prêt à tout pour...