Les départs donnent souvent l'illusion d'une renaissance.

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Les départs donnent souvent l'illusion d'une renaissance.

De : Jacques languirand

Je n'ai pas rêvé cette nuit, remarque avec si peu d'heures de sommeil je crois que je n'en ai pas eu le temps. C'est con, mais je suis resté debout devant la porte jusqu'à que son odeur ait complètement disparut. Quelque part, je ne veux pas y croire, oui voilà, c'est ça, elle n'est jamais venue me voir tout ça n'est qu'un délire à la con de mon subconscient pourrit par l'enfermement. Voilà je suis fou et con ! Un grand classique aussi ! Rien de plus ! Personne ne va se sacrifier, personne ne va se faire flinguer et on va tous rester bien sagement dans cette maudite geôle de merde jusqu'à la fin de temps !

La bonne blague. Ouais la bonne blague.

Quand je ne sentais plus rien, j'ai juste posé mon front contre le métal de la porte, le froid mordant m'a fait frissonner. J'ai aussi mis, tapé, mes poings sur cette maudite séparation en fer !

— Faudra courir vite demain chef. Une fois de plus Dave se la ramène alors que je bénissais le silence.
— Ferme-la au lieu d'dire d'la merde ! Je grogne contre le français.
— J'crois pas avoir tort... Chef. Insiste ce con, je l'entends se marrer aussi. J'ai envie de lui arracher la tête.
— Toi quand on sort j'te fou une droite directe dans l'râtelier ! Je gronde un peu plus fort, au fond de moi Myst reste silencieux, mais je sais qu'il n'en perd pas une miette.
— Sans soucis, il ne se gêne pas pour se marrer clairement. Chef. Il se tait et je tape du plat de mes mains sur la porte cette dernière tremble dangereusement.
— On s'couche ! Je gronde si fort que je n'entends plus rien. Tous font au moins genre de dormir.

Pour la forme, Myst et moi grognons encore une fois avant d'aller a notre tour sur notre lit une nouvelle fois.

Le soleil se lève sans que je ne me fasse à l'idée.

— Juste parce qu'on est le fils du Premier... Je souffle en posant une nouvelle fois le dos de ma main contre ma bouche.
— Par ce que t'es son fils tu veux dire ? Me reprend le français.

Je ne lui réponds pas, a quoi bon ? Mais je me jure de lui éclater les dents dès que possible. Au fond de moi je sens Myst s'agiter.

— Tu veux me faire comprendre quoi mon vieux ? Je lui demande en me dirigeant vers ma fenêtre, bien sûr il ne me répond pas vraiment il se contente de grogner avec douceur.

Cette journée est un calvaire. Tantôt longue, tantôt affreusement lente. C'est plus ou moins la même chose je sais, mais c'est quand même la merde ! Je dois garder mon calme, je n'ai pas le choix, j'peux pas me laisser aller à mes émotions sinon ça va être le bordel. Les autres loups s'agitent dans tous les sens, certains se sont même fait rentrer dedans à grands coups de matraque dans la tronche. J'ai aussi senti l'odeur du sang, pas celui d'un loup. Tant pis pour ce con d'humain, tant mieux pour nous. Après tout il n'y a pas de petite victoire.

— Un ou deux doigts ? Je demande sans cacher ma joie.
— Deux. Me répond fièrement le gamin qui pleurait l'autre jour.

Je ne peux m'empêcher de sourire comme un con.

— Il a même pas chialer c'est qu'il devient grand ce son d'humain... Commente Dave goguenard.

Quand notre plateau-repas arrive, pas grand chose avec beaucoup de rien, je sens mon ventre gronder furieusement. Je crève de faim ! Et à ce que j'entends, je ne suis pas le seul.

— Mangez tout. J'ordonne tout bas aux loups, ordre inutile on est bien d'accord, mais voilà fallait bien que je dise quelque chose. Histoire de...

— Perro !! Au fond d'la cage !! Beugle un con d'humain quand on finit d'engloutir notre repas.

Autour de moi personnes ne bougent, comme ci ils attendaient un signal. Je me bouge donc, je suis le premier à le faire et tous les autres me suivent. Quelque part, c'est vraiment flippant.

Myst gonfle le torse au fond de moi. Sa fierté est comme une vague d'eau bouillonnante salvatrice pour moi, elle soigne mes blessures et me redonne de la force. Ouais, il est pas peu fier le bestiau. Moi aussi remarque... Instinct de merde.

Rien ne se passe pendant des heures jusqu'à que des bruits de pas précédé par une odeur inconnue dépose quelque chose devant chacune de nos portes en un déplacement de vent.

Les sacs. Un sac en toile épaisse et poussiéreuse a ce que je peux sentir.

« Sac » ce mot résonne plusieurs fois tout autour de nous presque assez fort pour qu'il soit audible de tous. Je grogne pour qu'ils se calment, on ne sait jamais. Quand je regarde par la fenêtre, je vois que le soleil commence a décliner. C'est bientôt l'heure. L'adrénaline gonfle mes veines, mon cœur se met aussi a battre déplus en plus fort.

Myst commence à tourner en rond au fond de moi, je le sens de plus en plus depuis cette nuit. Je ne dirais pas que c'est comme avant, mais ça avance doucement.

— Quand la porte s'ouvre, on récupère nos sacs, Dave tu passes devant, pas de transformation, silence et pas de risques inutiles. Compris ? Je demande de façon à ne me faire entendre que des miens.

Ce n'est pas pour rien si je mets le français en avant, il se bat bien, il a un bon instinct et je lui fais confiance. Je passerais en dernier comme ça s'il y a une attaque dans le dos je pourrais déglinguer chaque con d'humains qui oseraient faire cette connerie. Ils aiment bien attaquer en traître ces cons.

Le temps passe lentement depuis. Autour de moi je sens mes loups s'agiter de plus en plus même pour moi c'est compliqué de leur donner l'ordre de se contenir.

— Une dernière recommandation, chef ? Me demande Dave de pleine voix.
— On reste groupé, on court droit vers la montagne. On cartonne sans retenue, on reste en vie.

Je laisse le grondement de Myst traverser mes lèvres, pour une fois il n'est ni agressif ni mauvais il se fait juste entendre. Il rappelle à ce qu'il considère comme meute que ses ordres sont indéfectibles et qu'il attend d'eux le meilleur. Ni plus ni moins.

Le soleil est bien bas quand une certaine nostalgie me prend aux tripes. Le visage de Rachelle et d'Aaron explose dans mon crâne, je me souviens que quand j'étais petit mes parents m'envoyaient en vacances chez eux. Je les connais depuis que je suis tout môme et du plus loin que je me souvienne je les ai toujours appelés tonton et tata. C'est avec mon oncle que Myst et moi avons chassé notre premier gros gibier. C'est aussi ce jour-là que je me suis pris un méchant coup de cornes dans le flan. Une trace que j'ai encore. Quand mon père est venu me chercher quelques jours plus tard, il a soulevé mon haut, à demander à mon oncle s'il était au courant que ma mère allait le tuer. Ils se sont bien marrés et ensuite on a fait cuire le cerf qui avait manqué de m'embrocher. Je n'ai pas été élevé à la dure, mon père est juste quelqu'un de très juste. J'ai été élevé comme un loup.

J'ai regardé par la fenêtre jusqu'à que le soleil disparaisse totalement. Les derniers rayons ont à peine disparut que l'alarme me vrillait de nouveau les oreilles. Je n'ai bougé de ma fenêtre, je les ai sentis, ces cons d'humains, se précipiter vers la grande porte. J'ai aussi senti l'odeur des derniers membres de ma famille, un léger vent me l'apportait. J'ai senti ma gorge se nouer et mon estomac fondre. J'ai peur, une putain de trouille viscérale qui me brûle le corps et me donne envie de gerber. J'ai peur oui, mais pas que, nous imaginer libres me rend tellement dingue que j'y croirais presque.

— Rendons leur honneur Myst. Le grognement de mon loup a fait écho aux innombrables grincements de nos portes.

Il est temps. Une autre vie s'offre à nous.

— Dave ! En route !
— Oui chef ! me répond le français en passant devant moi.
— Tout le monde a son sac ? Direction la montagne !

Le bruit de nos pas de dépassaient pas celui de nos souffles quasi inexistants.

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant