Qui sait endurer connaît le tranquilité.

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De : Zhang Xianliang.

Il y avait déjà un trou creusé dans le sol. Et je dois bien avouer que je n'aurais pas mieux choisi l'emplacement moi même. Il est dans un coin un peu reculé de la cour de la prison, il n'y a pas grand-chose autour. C'est ça qui est bien, rien que la terre et le ciel. Tout ce qu'il nous a manqué depuis tant de temps.

Le gars avec la main en moins se fait vite rejoindre par un autre loup et une femme. Je n'aime pas l'autre gars, il a un truc qui me revient pas du tout. J'aime pas son odeur, elle ne me revient pas, il a une mauvaise tronche aussi. Une de celle qu'on regarde avec dégoût et méfiance.

Myst non plus, je le sens gronder en moi je sens aussi qu'il se lève dans son antre pour faire quelques pas, je montre mes dents et laisse mon torse trembler sous le grognement de mon loup. C'est une bonne chose, je le ressens de plus en plus. Bientôt nous serons enfin nous même. La femme n'est pas très grande, presque filiforme, son visage sec est presque effrayant. La blancheur de ses cheveux et de ses vêtements tranche avec la couleur mate de sa peau, elle a aussi un bandeau en dentelle d'une blancheur troublante sur ses yeux. Leur couleur noire est à peine visible à travers. Son regard a quelque chose de troublant, comme s'il en avait beaucoup trop vu.

Toujours sans un mot on les suit vers la tombe du jeunot. Ma meute se tient derrière moi, je sens leur énergie grouiller dans mes veines, elle me donne encore de la force, c'est bien grâce à elle que je ne m'écroule pas sur place.

— L'endroit convient ? Demande la femme en me regardant, elle noue ses mains dans son dos et opte pour une moue vraiment ennuyée. Outre son regard, sa voix. Elle est lointaine, comme un écho dans une montagne.

Je regarde autour de moi, rien à plusieurs mètres à la ronde, rien non plus au-dessus de nos têtes. Je me retourne pour voir ma meute. Comme je disais y'a pas meilleur endroit pour le môme.

— Vous en pensez quoi ? Je leur demande mentalement.

Ils ne me répondent pas forcément avec des mots, mais plus avec des sentiments. Ils sont d'accord, comme je disais de toute façon je n'aurais pas mieux choisi ce lieu moi-même.

La bonne blague, je ne suis plus foutu de prendre une décision seul.

— Bon !!! C'est pour aujourd'hui ou demain !!? s'impatiente la femme en soufflant bruyamment. Pour toute réponse je lui grogne dessus, ouais comme un animal. Je lui grogne dessus en découvrant mes dents et en laissant Myst faire trembler ma poitrine.

Elle ne se laisse pas impressionner, elle croise ses bras sur sa ridicule petite poitrine et fait mine de taper du pied par terre. Une vraie gamine, d'un bon siècle au moins... Je montre mes dents une nouvelle fois.

— Dixon.

Le loup passe devant moi avec le corps du môme dans les bras, il le pose le plus délicatement possible au fond du trou et se recule. Le temps s'alourdit, je m'approche et saisit la pelle qui trône sur un tas de terre.

— Dors louveteau, dors et réveil toi dans une prairie sans barrière, chasse avec tes frères de sang aime une de nos sœurs de cœur et veuille sur nous de ton paradis. Dors louveteau, il est temps pour toi de ne plus souffrir. Je termine les yeux brûlants. Tu as été un très bon loup. Je rajoute avec en baissant la tête. Un très bon loup. Je répète sans vraiment savoir pourquoi.

Tour à tour chacun des miens lui dit un mot ou deux tout en le recouvrant de terre.

C'est le gars à qui il manque une main qui termine de le mettre en terre sans un mot, il le fait respectueusement.

— Vous avez chacun une chambre, il y'a de la nourriture et en quantité dans la salle commune, l'eau est chaude dans les douches. Conclut la femme en nous tournant les talons avec le loup que je ne sens pas ; il la suit sans un regard en arrière.

— Par là. Gronde le loup mutilé.

On le suit dans le plus grand silence, on en peu plus on a donné nos dernières forces au gamin. Pourtant on continue de mettre un pied devant l'autre. On se fait conduire dans une grande pièce entourée de barreau, quelques tables en fer et chaises pas franchement solides à première vue.

Devant nous, du coin de l'œil je vois le loup mutilé se casser par une porte déjà ouverte, il y a une grande table, assez pour nous tous en tout cas. Pleine de bouffe en tout genre. Il y'a de tout ! Du pain, de la viande, des petits pois ! De tout !

Sans autre forme de procès, je me plante sur une chaise en bout de table, la seule en faite, d'un geste rapide du menton j'invite ma meute a prendre place. Elle le fait avec un vacarme pas possible, au fond de moi je me marre, car ce genre de bruit résonnait à chaque fois qu'il y a avait un grand repas chez moi. Des chaises qui s'entrent choquent, des rires, une attente non dissimulée, de la gourmandise... Alors peut-être que le lieu est naze, que j'suis pas chez moi, mais pour le coup c'est pas trop mal.

— À table. Je souffle en attaquant un poulet en entier. Ouais en entier et avec les doigts, j'blague pas moi quand j'ai la dalle.

Au fond de moi, mon alter ego savoure la présence des autres loups autour de nous. Il aime aussi le fait que ses loups se nourrissent à leur faim, qu'ils soient en sécurité aussi.

C'est en passant devant un miroir crade et fendu de la salle de bains commune que je me rends vraiment compte des dégâts de cette captivité.
Avant j'étais limite gros, de bonnes joues, un petit bide, ça, c'était la faute de Bram et de son addiction aux chips. Maintenant... C'est autre chose... Je me fais presque peur. Les joues creuses, les yeux exorbités avec de grosses cernes violette et presque plus rien sur les os. Je suis aussi noir de crasse et les cheveux bien trop longs. J'me dégoûte on dirait un putain de mort vivant.

— Survivant. Me souffle tout bas Myst. Je souris comme un bien heureux, je le fais à m'en décrocher la mâchoire, c'est la première fois depuis bien longtemps que j'entends le son de sa voix et ça fait un bien fou. Je ferme les yeux et inspire profondément, c'est génial. Ma main se ferme sur mon cœur, c'est putain de bon.
— Salut. Je lui lance mentalement sans cesser de sourire.

Il ne me répond pas plus, pas qu'il n'en a pas envie, il ne le peut pas, c'est encore trop tôt. Bientôt on tapera la discute comme avant, bientôt j'en suis sur.

On est sous la douche, pas de pudeur. De toute façon on est plus à ça de près, puis on est de loups.
Je ne savoure pas vraiment l'eau chaude qui coule sur moi, je suis bien trop crevé pour ça. Mes loups aussi.
La nana n'a pas dit de connerie, il y'a bien une chambre pour chacun. Le seul souci est les murs.

— Chef. Le français vient vers moi le pas lourd et à la limite de l'épuisement. Il se tourne vers les autres qui sont tous sur le pas de la porte les traits tirés.
— On dort dans la grande salle. Je sens le soulagement de tous mes loups galoper dans mes veines.

Le loup mutilé est déjà dans la grande salle, celle ou l'on a mangé a notre faim pour la première fois depuis des siècles.

— Je monte la garde. Grogne ce dernier en se plaçant sur une chaise dans un coin de la pièce. De là où il est, il peut tout voir, les fenêtres et la porte.

On entasse nos matelas, bien plus épais que les autres, et on se laisse ombre comme des merdes dessus. Je suis le dernier a le faire, je regarde le loup assis bien en face. Je ne sais pas si je peux lui faire confiance. Autour de moi ma meute se couche et s'endort presque automatiquement. Seul Yaps regarde lui aussi le seul loup qui ne fait partie des miens, puis il s'allonge sereinement. Silence radio de son côté c'est que son instinct ne l'alerte pas d'un quelconque danger.

Je me couche a mon tour, non sans le regarder une dernière fois, il me regarde aussi, ses yeux brillent dans la peine ombre. Il n'est pas menaçant.

Je suis épuisé. Il faut que je dorme.

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant