Où que j'aille, je suis un morceau du paysage de mon pays

174 20 22
                                    

De : Fatos Arapi

Le jeunot sent la maladie, je dirais même qu'il put la mort. Tout le monde l'a senti, ils m'ont tous regardé pour savoir quoi faire. J'ai dit a un autre de faire le guet quelques heures de plus.

On aurait dû partir plus tôt, mais pour cette nuit c'est gérable. Les cons d'humains sont loin et ils ne sortent jamais la nuit, ils savent que la forêt sous le couvert de la lune est notre maison. Ils savent aussi qu'on les massacrera sans peine. Rien à foutre on a rien a perdre.

Pendant un moment je n'ai rien fait à part regarder le gosse, il avait les yeux fermés, son cœur battait toujours. Il disait adieu à son loup, ça se sent. Il y'a comme une masse noire qui nous tombe dessus quand on le fait.

Je les ai laissé faire, de toute façon je ne peux rien faire d'autre, quand il sera temps j'abrégerais ses souffrances. Je le ferais comme seul un Alpha a le droit de le faire. Autant dire que j'aime pas ça.

— Vieux, Myst gronde doucement au fond de moi. Ca pu hein ? Il me répond en couinant je sens aussi qu'il plaque ses oreilles sur son crane.
Il n'est pas encore capable de communiquer comme avant, mais je peux mieux le voir depuis qu'on se nourrit un peu mieux et ce foutu instinct aide pas mal.

La bonne blague. Je l'ai suppliée des siècles juste pour un ridicule petit mot, juste un petit truc rien de plus. Et là, normal il sort de sa léthargie à la con à cause de ce foutu instinct de mes deux.

Il gronde un peu plus fort en moi et je sens qu'il me montre ses crocs.

— C'est pas le moment de taper une crise. Je grogne mentalement a mon alter ego, il râle encore pas mal et se la ferme. À mon avis il devait me déclarer tout son amour... Petit con.

Les autres font mine de ne pas sentir le jeunot, tant mieux. Il sait qu'il va tenir au mieux trois-quatre heures, pas besoin de lui rappeler.

Le soleil n'est pas encore levé qu'on se casse, il ne faut pas tenter notre chance plus longtemps. Je sors en premier du trou d'eau sans mon sac à dos. Je renifle. Rien. J'écoute. La nature se réveille.

— C'est bon, Dave tu passes devant, toi, toi et toi à la suite le reste derrière, je ferme la marche. Compris ? Je demande en regardant ma meute, ils sont encore septique voir méfiant et quelque part je ne peux pas leur en vouloir. Ils obéissent tout de même en silence, ça me fait chier je préférerais qu'un deux me dise merde au moins une fois, pour la forme. Dave ! Par là. Je lui indique une direction avec mon bras et le français la suit sans rechigner. C'est le seul qui me fait entièrement confiance.

Il est con l'français, faut pas lui en vouloir.

Hier, ils ont tous été surpris. Aucun d'eux n'a l'habitude de manger après l'Alpha, j'ai même du leur donné l'ordre de bouffer. C'est pas mal ça quand même.

Je sais que ni mon père et encore moins Bram, mon ancien Alpha, ne serait d'accord avec moi, mais pour le moment je les tiens plus par la crainte qu'autre chose, je le voie dans leurs regards. Tant mieux pour le moment. Ça les fera survivre. Myst déteste que je pense ça, il me boufferait bien d'ailleurs...

Le soleil qui pointe le bout de son nez est crevant, l'aube m'a toujours fait cet effet. Devant moi mes loups marchent d'un bon pas, même le jeunot. Il est fort il faut se l'avouer. On a encore faim, nos muscles sont bousillés par l'enfermement et on ne sait pas vraiment comment on fait pour tenir debout. Certains sont même voûtés, leur corps est penché en avant comme si le fait même de respirer leur coûtait un trop grand effort. Le jeunot, lui, se tient droit. Je ne dirais pas qu'il a un balai dans le cul, mais il se tient droit et il regarde devant lui. Il ne parle pas, ne regarde même pas autour de lui, il se concentre sur ses pas encore et encore.

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant