Le parfum des Déesses berce la paresse des défunts.

112 19 4
                                    

Robert Desnos.


Les jours qui ont suivis ont été étranges même si on a rapidement repris un bon rythme. Trois Pattes à vite mis en place un genre de grande visite des lieux et des rondes. Je suis aussi allé avec eux pour aller voir le cercle sombre de Mère Nature, il est toujours là. J'ai raconté son histoire aux nôtres, j'ai d'ailleurs eu l'impression de prendre mille balais d'un coup.

Au fil des jours on s'est senti mieux, je ne dis pas qu'on est comme avant. On ne le pourra plus jamais, quelque chose en nous est mort a jamais.

Je n'ai pas dormi du tout la première nuit, je ne faisais que regarder le plafond en écoutant mon loup tourner en rond en moi. Au fils des heures, tous les nôtres sont venus chez nous pour essayer de trouver le sommeil. Les petits, sous forme animale, ont réussi à trouver le sommeil à mes pieds. Notre Beta s'est allongé devant la porte d'entrée et les autres les uns sur les autres un peu partout dans le salon.

On a beaucoup regardé la lune cette nuit-là, je me suis souvent demandé s'ils la voyaient aussi ou s'ils étaient dessus.

Puis les jours un peu mous ont laissé place à des semaines plus actives. Le temps a fait son œuvre, il le fait toujours.

Ils ont eu raison.

Maintenant certains ont investi certaines maisons, seuls les petits dorment encore chez nous. Dixon a repris l'entraînement des nôtres tous les matins pendant que d'autres vont en ville pour chiper de quoi améliorer notre confort. Et des putains de barres au chocolat, qu'Yaps et Dave s'empressent d'engouffrer comme des grands malades.

Tous les soirs on se regroupe pour manger ensemble la chasse du jour, on parle aussi et on chante à la lune. Comme toujours le vent porte notre message et nous fait entendre leurs réponses. Ils nous disent qu'ils se regroupent, que des meutes se reforment aux quatre coins du monde. Il ya aussi de plus en plus de pour loup et quelques conflits entre humains éclatent un peu partout.

Tant de vies gâchées. C'est vraiment triste.

Cette nuit j'ai un peu dormi, sous l'œil bien veillant de mon loup qui passe son temps à sonder les sentiments des nôtres. Ils sont tous heureux, ils se sentent enfin chez eux. Le Piaf va bien aussi.

J'ai eu la visite de mon oncle et de ma tante de la meute de Serbie, eux même qui se sont sacrifié il y a tant de temps maintenant. Ils ont sacrifié leurs vies pour la nôtre, ils l'ont fait parce qu'ils y ont cru. Ça n'a duré qu'une seconde, j'ai à peine eu le temps de les voir sourire qu'ils me faisaient déjà un signe de la main en guise d'au revoir.

Je n'ai pas pleuré en me réveillant. J'ai été soulagé au contraire.

— Tout rentre dans l'ordre.
— Ouais... Je réponds à mon loup en regardant mes mains détruites. Ouais, tout rentre dans l'ordre.

— Lapin ou cerf ? Me demande Fred qui s'apprête à laisser sa place a son loup pour partir chasser.

Pendant que je lui réponds que je voudrais du poisson, bien sûr notre loup a tiré une tronche de vingt pieds de long, on observait Yaps et le Français se beugler dessus à cause de la dernière barre de Mars.

Rémi, un des petits, a tranché la question, il l'a chopé et gobé sans respirer puis leur a fait un sourire resplendissant. J'ai fait mine de ne pas avoir vu pour ne pas qu'ils nous prennent a parti.

On rejoint Jilem et Vlass, Trois Pattes et le Puant, qui eux aussi ont vu la scène. Ne pas partir en fou rire est vraiment compliqué.

Je finis par me retrouver seul en milieu de journée, je range un peu le bordel des deux petits. Dehors j'entends les deux goinfres supplier Ben et Sewty de leur reprendre une bonne centaine de paquets de leur merde.

— Si vous prenez encore un jeu vidéo je vous bouffe. Je leur souffle sans ouvrir la bouche.

Enfin... je vois pas pourquoi je les menace, je sais qu'ils vont me ramener une connerie qui va foutre un bordel monstre à a la maison en prétextant qu'ils n'avaient pas le choix.

— Tu te mets à parler seul, loup ?
Je fais un bond démentiel dans mon salon, tout ce que j'avais dans les mains – fringues, boîtier en tous genres, manettes... —. Quand je lui fais face, mon loup lui montre déjà les dents et grogne si fort que toute ma poitrine vibre.
— La blanche... je gronde à mon tour puis je fais un pas en arrière.

Sa peau, d'ordinaire un peu bronzée et sans aucune trace, est maintenant pleine d'arabesques à l'odeur de feu et aussi rouge que le sang.

— Tu...
— Je voulais te voir avant de rentrer chez moi.

Je ne fais que de la dévisager, dans le fond elle n'a pas vraiment changé. Toujours habillé en blanc avec un bandeau transparent de la même couleur sur les yeux. Toujours sa tronche suffisante qui me donne envie de la bouffer et encore et toujours sa façon bien a elle d'apparaître d'on ne sait où sans qu'elle ne se fasse sentir.

— Pourquoi ? Je finis par articuler en faisant écho à la question de mon alter ego.
— la seconde Déesse est venue me demander de prendre sa place avant qu'elle ne disparaisse.
— Elle s'est sacrifiée elle aussi ?
— En quelque sorte oui. Elle s'est attaqué a lus gros qu'elle, rajoute la blanche quand elle me voit froncer les sourcils.
— Et toi, ils sont trop gros pour toi ?
— Pas du tout. Elle s'est assombrie d'un coup elle devient presque effrayante.
— Et pour nous ?

Avant de nous répondre, elle s'approche de nous et effleure nos cicatrices.

— Tant que j'aurais encore un souffle de vie en moi, loup, vous ne souffrirez plus. Je suis maintenant votre Déesse. Je vous dédis ma vie.
J'opine du chef, en avalant ma salive, je la remercie du bout des lèvres aussi.
— C'est l'heure de votre renouveau.
— Je...
— Tu seras le seul à pouvoir me voir et m'entendre. C'est mieux comme ça, ce sera pareil pour ton fils...
— Donc on aura un fils ? Je la coupe en sentant mon cœur bondir dans ma poitrine.
— À bientôt loup.
— Et ta prison ?!
— Crois-tu que je suis la seule ayant droit de ce monde ? Qu'elle me demande en haussant un sourcil arrogant.

Je ne dis plus rien et la laisse s'envoler pour la lune. Ses arabesques sentent aussi l'odeur de vie, elles sont aussi rouges que celles d'Oranda ou de ma grand-mère.

— Le temps fait son œuvre... Souffle Myst qui a envie de chanter pour donner la bonne nouvelle aux nôtres.
— Hef !!! Yaps déboule dans notre salon le souffle court et les yeux pétillants. Il l'a senti et n'en revient pas. Je le comprends c'est un peu inespéré.
— Oui.

Pas besoin d'en rajouter plus, il comprend, oui, on a une nouvelle Déesse qui va veiller sur nous. La lune ne va plus être inhabitée.

— Elles avaient tout prévu. Me fait remarquer Myst quand il se retrouve sur la terre.
— apparemment.
— Ça c'est des louves qui ont du chien ! Il décrète en levant sa lourde tête pour chanter la bonne nouvelle.

Je me marre et me laisse réchauffer par la chaleur de cette nouvelle Déesse Mère.

La blanche merde !


La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant