Une lettre c'est magnifique et précieux comme un morceau d'âme

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De : Anne Dandurand

Le Piaf m'a devancé. Je sens Myst le regarder à travers mes yeux, cette sensation m'avait manqué, ce petit picotement bien particulier qui me donne envie de me gratter les yeux.

La pharmacie est comme on peut l'attendre : sinistre. Ouais en même temps on est dans une taule, faut pas l'oublier. L'odeur du loup que je ne sens pas me poursuit. Enfin c'est l'impression que j'ai, mon alter ego laisse transpirer son pouvoir hors de lui. Et de moi au passage. Je le laisse faire, ça fait si longtemps que je n'ai pas ressenti tout ce doux merdier. J'suis en manque.

— Bientôt la mon vieux. Je souffle à voix haute en me frottant le front, au fond de moi il gronde doucement. Ça ressemble plus à un ronronnement, mais si je lui dis ça je sens que je vais me faire massacrer. Et un loup, un poil agacé qui refait ma pâtisserie intérieure ça fait un sacré bordel.

J'ai testé... Mauvais souvenirs. Vraiment.

Je pose le dos de ma main sur mon menton, pas le temps de ressasser tout ça.

Il n'y a pas grand-chose dans la pièce, plus rien de médical en tout cas, juste un bureau une grosse étagère avec un genre de bordel plus ou moins organisé. Pas de fenêtres, pas d'autres échappatoires que cette foutue porte qui grince qui est maintenant dans mon dos.

Le Piaf se pose sur le haut d'un meuble, face à la porte.

— Tu veilles le Piaf ? Je lance dans le vide ambiant de cette pièce légèrement glauque sur les bords. Myst laisse courir sa force, elle caresse ma peau et me réchauffe. Le volatile pousse un cri aigu et se met a fixer la porte.

— Je compte sur toi. J'intime à mon loup en me frottant le bas du visage toujours avec le dos de ma main. Myst ne me répond pas, mais je sens son aura devenir plus dense autour de moi.

À sa façon il veille sur nous.

En décalant l'unique chaise en bois qui est devant le bureau en fer, je me rends compte qu'il est chambranle et qu'un tas de feuilles est sagement disposé. En posant ma main sur le coin du meuble métallique, il s'affaisse dans un couinement franchement agaçant.

Pendant une seconde je flippe que cette pauvre chaise éclate sous mon poids.

« Louis »

Je passe mon doigt sur les lignes noires qui forment mon prénom, l'écriture me rappelle quelque chose. J'attends pas, je n'ai pas le temps, je retourne donc cette page pour entamer la lecture de cette fameuse « lettre ».

« Salut, bonjour, hey !

Je n'ai jamais su comment commencer une discussion et encore moins une lettre. Si ça ne tenait qu'à moi, je te dirais directement tout ce que j'ai à te dire sans aucune forme de politesses. Je te parlerai aussi de moi, enfin je vais le faire, mais si je le fais sans formule de politesse tu vas croire que je suis nombriliste. Rêve pas je le suis.

En premier lieu sache que je ne t'ai jamais oublié, que je suis morte il n'y a pas si longtemps et que je sais exactement quand tu vas lire ce bout de papier.

J'imagine, non je sais, que tu dois te demander "c'est quoi ce merdier ?!". Oui je le sais. On commence par le début ?

Bonjour grand frère. Je t'aime. Tu m'as manqué tout le long de ma trop longue vie. J'imagine que tu te souviens de l'attaque qui a détruit nos vies ? Qui ne s'en souviendrait pas ? Bon, ce jour-là tu étais parti apprendre la chasse avec Simon à certains de nos louveteaux. Tim faisait le fanfaron sur la place de notre village et moi j'aidais maman, je voulais être dehors joué avec les autres et notre frère, mais maman a refusé net et Tim m'avais dit que je ne pouvais pas oser espérer être avec eux, car je suis une fille... Je lui avais envoyé un coup de pied dans le genou, il s'est fait disputer par maman. J'étais contente, je trouvais que c'était bien fait pour lui.

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant