La liberté a parfois les mains rouges de sang

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De : Michel Cazenave

J'ai hésité.

Je sais que je viens de leur donner l'ordre d'y aller, mais j'ai hésité. Je me suis demandé « a quoi bon ? » C'est vrai après tout, a quoi bon ? On a une chance sur deux de se faire chopper par ces cons d'humains ou alors de se faire buter comme un bleu dans un couloir merdique... Alors oui, a quoi bon ? Dans le fond, je crois que je n'ai plus la foi et encore moins la force et puis ce serait facile de rester assis sur mon cul à attendre que ça se passe, non ? P't'être que j'me prendrais la tête jusqu'à la fin de mes jours pour avoir loupé cette occas', p't'être même que c'est ça qui finira par me tuer ou p't'être pas. Je ne sais pas trop.

À quoi bon essayer encore une fois si c'est pour terminer minable, après tout la finalité est la même non ? Ouais, à peu de chose près c'est la même chose. Qu'on reste ou qu'on parte on va bien finir par y passer non ?

Y'a aussi c'putain d'instinct qui me force à me mettre debout, il injecte de l'adrénaline dans tout mon corps, me fait même croire à un monde meilleur ! À la liberté !

Cette illusoire liberté maudite promise par... oui par eux, juste pour eux au final ! Par ce à ce qu'il paraît j'ai un destin ! La bonne blague !! Accessoirement j'ai mon mot à dire ou j'ai l'ai dans l'os bien profond ?!

Ouais, juste pour eux histoire de se donner bonne conscience, de se dire qu'ils n'ont pas vécu pour rien et tout le bordel qui va avec... Peut-être aussi un peu pour nous finalement. Faut l'avouer ça serait chouette de passer l'arme à gauche sous le soleil, de se dire qu'on est dehors et que c'est mieux comme ça. Par ce que ça aurait toujours de l'être comme ça. Ouais, ce serait pas mal un truc dans l'genre.

Je me demande toujours à quoi bon, mais maintenant j'ai un début de réponse, pas assez claire pour pouvoir l'expliquer, mais juste assez pour pouvoir la suivre et tout donner.

Je sais que j'ai la trouille, que j'ai de grandes chances de me faire crever d'une multitude de façons, mais j'ai aussi une infime chance d'y arriver. De les mener là où ça sent bon, là où on pourra y croire de nouveau. Qui s'est peut être même que je pourrai rentrer chez moi ? Alors pour leur sacrifice et cette infime possibilité je vais me bouger les miches et essayer du mieux que je peux.

Le premier pas est toujours le plus dur il paraît, dans notre cas que ce soit pour le premier ou le dernier je sens qu'on va bien en chier !

Comme prévu je ferme la marche, le couloir est tellement exigu qu'on doit passer les uns derrière les autres ! On ne se fera pas attaquer à main nue ici, c'est dangereux il faut se dépêcher !

On enchaîne les pas de longues minutes. Jusqu'à que je me sente bien con.

La bonne blague. Juste la bonne blague !

Voilà que j'me retrouve comme un abrutit devant tous les loups sans savoir quoi dire. L'heureux propriétaire de la question qui fâche n'est autre que Dave. Le con d'français. Je vais le tuer ! Je jure qui sinon s'en sort c'est moi qui le flingue.

— Heu chef, c'est pas ou la sortie ?

Bien sûr il s'est arrêté net donc je me suis pris le sac du type qui était devant moi en pleine tronche et absolument toutes les têtes se sont tournées vers moi. Un poil flippant soit dit au passage.

— Je... Une minute. Je m'entends lui répondre quand je sens deux cons d'humains venir vers nous, le couloir est maintenant un peu plus large. Tant mieux pour moi, je peux mieux bouger. Tant pis pour eux.
— Fais, fais...

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant