Lorsque vous lui ouvrez la porte, la magie est partout.

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Olivier Lockert.


Ils ont tous apparu devant nos yeux en sortant d'un genre de brouillard, en ce milieu de journée. Tous. Pas un ne manque à l'appel. C'est troublant. Je suis resté comme un con devant eux, incapable de bouger ou de penser. On les a juste vus venir vers nous, ils parlaient entre eux riaient même parfois. Normal. Alors que nous tous, on est resté comme deux ronds de flan devant ce spectacle.

Descendre jusqu'au centre de notre village n'a pas pris beaucoup de temps, quelques pas et seulement une poignée de minutes. Une fois devant chez nous j'ai à peine eut le temps de toucher la façade en bois de notre maison en plein centre, qui sent vraiment le bois ce coup-ci, qu'un nuage blanc avec des filets ondulants de toutes les couleurs s'est formé devant nous. Sans un bruit, sans un déplacement de vent, il s'est juste formé sans rien demander à personne avec un silence surnaturel.

Les nôtres se sont tous regroupés derrière nous, Trois Pattes ont voulu passer devant nous, mais je l'ai empêché en tendant mon bras. Il a paru surpris et a un peu grogné. C'est à ce moment-là qu'ils sont sortit comme si de rien était. Ils parlaient entre eux et riaient d'une bonne blague comme ils auraient toujours dû le faire. Et nous on n'a pas bougé d'un iota, on a senti l'étonnement des nôtres, mon loup a juste pris la peine d'ouvrir grand la gueule et pencher sa lourde tête sur le côté. Ouais, il n'en comprend pas plus que moi.

Les deux mondes viennent de se percuter dans un calme absolu pour n'en faire qu'un. Les morts et les vivants peuvent se voir, foulent la même terre, absolument tous les morts et les vivants de notre meute peu commune. Par instinct j'ai levé le nez vers le ciel, Mère Nature nous entoure de sa magie, nous sommes sous sa protection. Un épais dôme d'un pale violet nous surplombe et nous entoure. Elle nous jure, à sa façon, que rien ni personne ne viendra gâcher cet unique moment.

J'entends quelques un des nôtres essayer d'articuler quelques mots.

Ils se sont un peu plus approchés de nous, tout est si beau, si unique. Chez nous. J'ai beau regarder partout autour de nous rien n'est différent d'avant. Il y a toujours cette immense maison avec son balcon et sa balustrade en bois qui en fait tout le tour, il y a aussi cette forêt qui nous entoure, ces maisons creusées à même la montagne. Toutes ces odeurs et ces couleurs... tellement familières.

Je n'entends plus rien. Même plus mon cœur, rien. Je ne fais que les voir eux, toute ma famille, s'approchant de nous. Ma vue se brouille un peu, je crois que je pleure, oui je pleure, merde...

C'est un bruit sourd qui vient de me ramener sur terre. Sur notre gauche, je vois le Puant faire quelques pas en avant puis s'écrouler sur ses genoux d'un bloc avec les bras grands ouverts. Il a aussi la bouche ouverte et les yeux exorbités, il pleure aussi. Il parle ou cri, je ne sais pas, on e l'entends pas. Aucun bruit, juste des sensations uniques. Je me retourne complètement vers le gros nuage, cadeau de Mère Nature, et vois passer devant nous, à toute vitesse, un môme bien brun.

— Papaaaaaaaaaaaa !!! Qu'il hurle en courant comme s'il avait un mauvais Dieu au cul. C'est le son de sa voix qui me fait entendre de nouveau. Il fait un bordel de tous les Diables, je plaque mes deux mains sur mes oreilles le temps de m'habituer de nouveau à tous ces bruits. Le petit plonge dans ses bras les larmes aux yeux.

Mon cœur explose en un million de morceau quand il resserre ses bras autour de son fils. Ils pleurent et baragouinent tout un tas de mots incompréhensibles sans se détacher. Il le serre si fort que le petit se plaint avec un rire dans la voix.

— Tu me fais mal papa !
— Pardon, qu'il lui répond en l'éloignant juste assez de lui pour le dévorer du regard. Que tu es beau !

Le petit renifle bruyamment et se niche de nouveau dans les bras forts et tremblants de son père.

C'est beau. Je dois serrer les dents pour ne pas pleurer comme un môme en les regardant. Ce loup, qu j'ai tant maudit, mêmes mordus, a le cœur et le visage ravagé. Ses larmes tracent des sillons humides sur ses joues crasseuses. Il paraît si fragile.

Je les regarde un moment en posant le dos de ma main sur mon menton, l'autre est serrée contre ma jambe. Je les envie tellement.

Je me retourne d'un coup en prenant le temps de m'essuyer le visage avec ma manche, quand je sens une douce et très légère main se poser sur notre épaule. Assia, ma jeune sœur, elle passe devant moi en me souriant, un sourire que je n'ai jamais vu. Elle continue son chemin et va jusqu'au petit qui est toujours en pleur dans les bras de mon loup le plus dangereux.

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant