L'âme n'a pas de secret que la conduite ne révèle

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Proverbe chinois


On a froid, on crève de froid. Même lorsque le soleil est bien haut dans le ciel, je grelotte et fait trembler l'entre de mon loup. On a froid dans nos os.

Mauvais présage. On ne peut pas l'expliquer, mais ont le ressent pleinement, on a froid. Ça m'obsède, Myst ne cesse de tourner en rond sans me parler, il ne fait que grogner contre absolument tout. Toujours devant cette drôle de baraque sans porte je m'étire le cou, pose une de mes mains sur mon menton.

Le piaf revient de la forêt en planant calmement, il se met à voleter devant nous en piaillant des sons incompréhensibles. Il finit par perde patience, en même temps je ne comprends pas le piaf. Il se pose sur mon épaule, me donne un coup de bec sur la tête et repart en direction des bois toujours en piaillant ce que j'imagine des choses pas franchement super gentilles.

— Trois Pattes, je suis le piaf il a quelque chose à me montrer dans la forêt. Je dis à mon second en me penchant vers l'intérieur de la drôle de baraque. Mon Beta me regarde et opine du chef.
— Une consigne particulière chef ?
— Reste sur tes gardes. Je lui réponds en croisant un peu trop longtemps le regard de la nana, elle me dévisage juste une seconde avant de retourner à son fourbi. Je serre les dents. Myst reste silencieux, mais il souffle comme un malheureux.
— Hef, me hèle Yaps en venant vers nous a grand pas, Ha y ahoir... Il ne finit pas sa phrase, a la place il pince ses lèvres si fort qu'une finie ligne blanche et torturée apparaît, il secoue aussi légèrement sa tête de droite à gauche.
— Je reviens vite. Fut tout ce je pus lui répondre en posant une main sur son épaule avant de me diriger vers la forêt d'un pas sec.

On sent tous leurs regards dans mon dos. Notre meute nous observe, elle ne nous juge pas ou ne nous critique pas elle nous observe simplement.

— Ils sont là. La voix de mon loup fait écho à mes pensées.

Je nous guide avec le flair, le piaf nous a largués sans se retourner il y a un moment. Il sait parfaitement qu'on peut le sentir et l'entendre à des kilomètres à la ronde.

Leurs odeurs se font plus fortes et comme je le pensais ils ne sont pas seuls. D'instinct je montre les dents, il y a un autre dominant. On n'aime pas ça. Myst et moi grognons en même temps.

Le piaf vient se poser sur mon épaule et cette fois-ci il frotte sa toute petite tête juste au-dessus de mon oreille. À sa façon il essaie de nous tranquilliser. On n'a rien à craindre. Dans le fond on le sait, si ce n'était pas le cas Dave et Dixon les auraient tués sans aucune hésitation. Je fais des ronds avec mes épaules pour me détendre un peu, ça ne fonctionne pas vraiment.

— Ils voulaient te parler chef. Mon Omega s'avance vers moi serein, il pose une de ses mains sur mon épaule avant de reprendre, le piaf change d'épaule. Ce sont les loups qu'on a sentis en arrivant ici. Il termine en se tournant de nouveau vers les autres loups sans enlever sa main de mon épaule.

L'entraîneur observe les trois loups inconnus, en effet leurs odeurs sont bien les mêmes que celles que j'ai senties en arrivant dans le coin. Dixon hoche la tête en me voyant, il s'efface un peu pour venir me laisser les rejoindre. Le piaf s'amuse à lui lisser les cheveux, l'entraîneur essaie de le virer sans grand succès.

Les fils du vieux à la canne ne sont pas très impressionnants. Un peu maigres, les yeux cernés, balafrés de partout, pourtant le plus vieux des trois s'avance vers moi sans craindre quoi que ce soit. Il me tend aussi sa main sans jamais cesser de me fixer. Je laisse le grognement de Myst faire trembler mon corps, j'entrouvre aussi mes lèvres pour que tout le monde puisse l'entendre.

Le message est clair : baisse les yeux ou j'te flingue. Fils du vieux à la cane ou non il y a des choses qui ne passent pas. Il semble le comprendre, il finit par nous regarder, mais moins intensément, par contre sa main n'a pas bougé d'un Iota.

— Papa nous a dit que toi et ta meute êtes dignes de confiance. La voix de ce jeune loup est bien plus forte que je ne pensais. Je lui attrape sa main et le salue donc à la façon des humains. Je n'aime pas vraiment ça, je sais juste que je dois le faire pour tranquilliser ce jeune dominant. S'il est moins nerveux il sera moins provocant, donc pas de sang.
— Pourquoi tu voulais me voir ? J'enchaîne en penchant la tête sur le côté pour continuer de l'analyser.
— Je suis Stan, ici c'est Eliot et la Gary. Il me montre respectivement ses deux jeunes frères, ils ont bien moins de cicatrices qui leur déchire la peau preuve que leur aîné les a pris sous son aile trop tôt et dans des conditions plus que merdiques.
On n'aime pas cette vision. Elle nous fait clairement chier.
Je les regarde tour à tour et opine du chef en guise de salutation, c'est toute la politesse dont je suis capable face à une autre meute.

— Je... On... Articule péniblement Stan en se frottant la nuque, dominant, mais pas meneur. On a appris pour Amos, il est dangereux. Toute sa famille est avec les missionnaires anti loups.
Je fronce les sourcils et croise mes bras sur mon torse. Il lui suffit d'un regard un peu plus insistant pour qu'il continue son explication. Il rêve depuis un moment de faire sauter l'auberge, mais il n'a jamais eu la preuve que des loups y venaient.
— Il a trouvé son excuse. Conclus le français en le fixant à son tour. On fait quoi chef ?
Ca faisait longtemps tient, j'ai eu envie de lui faire avaler son « chef », mais dans le fond il sa question a du sens.
— Quand et combien ?
— Avant la tombée de la nuit au moins une trentaine et armée jusqu'aux dents.
— Comment tu le sais ? Je lui demande de plus en plus méfiant. C'est quand même assez précis tout ce qu'il nous balance là.
— Mère Nature me parle de temps en temps, elle a dit que tu comprendrais.

Mon sang se glace dans mes veines. Myst se redresse dans son antre et prend possession de mes yeux. Le jeune dominant fait un pas en arrière, il écarte ses bras pour faire reculer ses frères en même temps que lui. Sage décision.

— Elle a dit que tu comprendrais. Il répète en rassemblant tout son courage, elle m'a aussi dit que parfois les deux mondes se mélangent. Ça m'arrive aussi. Il termine en chuchotant.

Cette fois c'est à mon tour de vouloir faire un pas en arrière, je le veux de toutes mes tripes, mais je n'en fais rien. Je suis un Alpha et un meneur digne de ce nom ne recule jamais sous les coups. C'est une des règles de la volonté du loup.

Une délicieuse et délicate vague de chaleur monte en moi nous réchauffant de l'intérieur, grâce a elle la froideur qui habitait mon corps depuis ce matin s'évanouit. Mère Nature se manifeste dans sa forme la plus simple.

Sous le regard des miens, je me penche pour toucher la terre. Elle me communique sa confiance, à sa façon elle me fait comprendre qu'on peut faire confiance à ses trois jeunes loups qui ont pour père adoptif un humain sur le déclin.

— Ramenez vous bien avant que la nuit tombe je vous dirais quoi faire. Faites vos adieux à votre père au cas où. Puis sans un mot je me suis redressé et fais demi-tour en direction de la drôle de baraque. Je sens les deux miens sur mes talons, on sent aussi leurs questions piquer ma peau.

— Reste avec eux le Piaf, attaque au besoin, préviens-nous au moindre souci. Le piaf quitte son perchoir humain et se met à suivre les trois jeunes loups en chantant je ne sais quoi.

— On a pris la bonne décision. Il faut leur expliquer ce qu'on voit maintenant, c'est notre meute. Ils comprendront. M'assure Myst sans pour autant retrouver son calme.
— Ça ne va pas être beau ce soir.
— On ne perdra personne ce soir. Impose mon loup. Explique-leur, c'est notre meute.

— Il a voulu dire quoi par « les deux mondes se mélangent » ? Craque Dave en nous rattrapant, Dixon le suit de très près.
— Que les fantômes de ma famille viennent me rendre visite dans mon sommeil et parfois quand je suis réveillé. J'avoue en serrant les poings.

C'était à nous, rien qu'à nous. Non pas que notre meute n'a pas le droit de connaître des choses sur nous, bien sûr qu'elle en a le droit, mais « ça » c'était a nous. Et c'est étrange de leur en parler, j'ai peur qu'ils me prennent pour un dingue et partent.

Je grogne aussi un peu contre eux, moi...

— Bénédiction en demi-teinte. Souffle Dixon qui a fini par se placer sur ma gauche pendant que Dave est de l'autre côté. Je lui coule un regard pour qu'il continue sur sa lancée un peu anxieux. Voir les siens sans jamais vraiment les toucher ni vraiment pouvoir profiter de leur présence.
— C'est un peu ça.
— Ta famille t'a aidé à nous aider ?
— Oui. Je réponds à Dave qui a enfin daigné l'ouvrir.
— Digne fils du Viking et du Premier. Conclus avec un sourire plus que casse-pattes le Français.
Bien sûr je lui grogne dessus et bien sûr il s'en cogne royalement.


Petite NDA de fin : comme souvent dites moi ce que vous en pensez ^^

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant