La rage du loup

L'humanité est fondamentalement faite des rencontres.

 L'humanité est fondamentalement faite des rencontres.  

Abdarrahmane Sissako.

Plus je l'observe, plus je me dis que j'ai eu raison de ne pas le bouffer. Pourtant c'était plutôt mal parti. Cet abrutit a marché sous le vent et a surpris tous mes loups, sous leur forme animale, en débarquant sur notre côté droit les mains bien évidence. Heureusement pour lui, sinon par pur réflexe Faân, le loup de Sweety, l'aurait bouffé de la tête aux pieds en un clin d'œil.

L'humain, parce que c'est un simple être humain, s'est approché de nous la tête basse et ses deux mains devant lui. Sans un mot et sans changer de posture il s'est mis à genoux devant nous avec la nuque a découvert. Les rayons de la lune qui filtrait à travers les branches des arbres à demi nus l'éclairaient à peine.

Myst n'a pas attendu que l'être humain s'immobilise complètement pour s'avancer. Il s'est placé devant tous les nôtres qui se sont donc regroupés derrière nous. Les loups les plus éloignés de nous sont de profil de façon à pouvoir sauter sur un danger ou une menace dans notre dos le plus rapidement possible.

Une autre odeur nous a fait relever le nez. Plus profonde. Pas humaine. Un animal. Un loup. Jeune. Au fond de mon antre, je pose mes deux mains sur un de mes murs et regarde grâce aux yeux de mon alter ego. On sait que nous sommes les seuls à ne plus le regarder, notre meute s'en charge pour nous.

— Myst, je souffle dans notre esprit.
Pour toute réponse il ancre ses lourdes pattes dans le sol. Il est prêt à sauter et rompre le cou de toutes menaces.

Le porteur de l'odeur alourdit son pas pour se faire entendre, il sait qu'il est moins fort que nous. Son bruit est une soumission.

Le jeune loup qui se dresse devant nous est aussi un Alpha, on sent à son aura qui brille à travers son corps. Dans une autre vie, il y a quelques siècles, il n'aurait pas pris la tête d'une meute avant plusieurs années. Son pouvoir n'est pas assez mature. Il se positionne dans le dos de l'être humain et pose ses mains sur chacune de ses épaules.

On l'observe. Il n'est pas très grand, ses cheveux sont rasés, l'ombre sous ses yeux noirs montre qu'il ne dort pas des masses. On inspire profondément, pas d'autres odeurs et le vent est tombé. Il porte un tee-shirt crade et déchiré à certains endroits qui laisse entrevoir sa maigreur et quelques traces de violence. Il se laisse observer, sans broncher. Il a bien essayé de nous regarder dans les yeux, mais, il a ite laissé glisser son regard autre part. Nous sommes plus dominants et forts que lui. Il le sait parfaitement.

Mère Nature nous fait comprendre que tout va bien, qu'il n'y a pas de danger en faisant vibrer son pouvoir jusqu'à notre cœur, il se fait cajoler avec douceur par une délicate vague chaude. On reprend une position plus calme. Le jeune loup hoche la tête en nous regardant rapidement et font demi-tour les mains dans les poches. L'humain, qui n'a pas bougé d'un iota, tourne légèrement sa tête pour l'observer puis se relève toujours en regardant ses pieds. Il essuie ses mains sur son épais pantalon et prend sur lui pur relever la tête.

— Je vous invite à nous suivre. Ses mots, murmurés dans le vent, ne sont pas agressifs.

Je reprends ma place en faisant craquer tous nos os sous ses yeux, il n'a jamais vu de transformation aussi laide, j'en suis sûr. Je me retrouve nue avec mon loup qui tourne en rond au fond de moi un genou à terre. Je pose le dos d'une de mes mains sur mon menton et touche la terre avec l'autre.

L'énergie qui grimpe sur mon bras est calme, on peut y aller. Je me relève et emboîte le pas du jeune loup en dépassant l'être humain sans un regard.

Les nôtres nous suivent en encadrant l'étranger.

Nous marchons longtemps sous la lune, mes pieds s'écorchent plus d'une fois sur des cailloux ou des ronces. On cicatrise aussitôt, signe de bonnes santés. On ne le dépasse pas, on reste même deux bons mètres derrière lui, il ne s'est pas retourné une seule fois. Il sait qu'on le suit et a assez confiance en lui pour ne pas veiller ouvertement sur son cul.