N'oubliez pas, on vit juste pour quelques rencontres.

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François Cheng


Le cyclone n'est jamais vraiment loin de nous. Il guette toujours le moment où je flanche pour me sauter dessus et m'engloutir dans son œil mortel. Heureusement que Myst est là.

Il a toujours été là, je le sais. On s'est séparé pour survivre, pour essayer de continuer à ouvrir les yeux chaque nouveau maudit jour.

On y arrive, doucement, mais on y arrive. On a survécu. On vit.

Combien de lunes ont dansé depuis la visite de mon petit frère ? Je suis pas foutu de le savoir, mon loup non plus. Peut-être pas loin de trente. Oui quelque chose comme ça.

Trente jours qu'on a utilisés pour se souvenir. Que j'ai utilisé. Myst m'a souvent dit qu'on était à la croisée des chemins, que j'ai le droit de rester ici. Que j'ai le choix ! Je n'ai pas vraiment été tenté de le faire, ça m'a traversé l'esprit plus d'une fois, mais je ne me suis jamais sentie pour rester là. On y est bien, mais ce n'est pas chez nous il manque ce petit je ne sais quoi qui nous fais sentir chez sois.

On est souvent allé dans la forêt pour marcher et réfléchir. Pour se souvenir aussi. On a été heureux. On a de merveilleux souvenirs, de bons moments. J'ai le droit de m'en souvenir, c'est mon petit frère qui me l'a fait comprendre. Quand il m'a appelé « brat », quand il m'a fait rappeler du plus horrible jour de notre vie. Quand il m'a, dis qu'il m'aime et qu'il aurait aimé faire partie de notre meute.

Déesse que je l'aime ! Même dans l'autre monde il est là pour nous, je ne sais pas non plus comme c'est possible et dans le fond je m'enfiche. Ils sont là, c'est le seul fait qui m'intéresse.

La blague, ouais la bonne blague.

On ne sait peut-être pas grand-chose, il y a beaucoup de zones d'ombre, mais on sait qu'on a le choix et c'est un luxe trop souvent négligé.

Je me suis souvenue en premier de sa première transformation, jour important pour nous, il s'était mît à se gratter alors qu'on regardait la télé en début d'après-midi. On venait de manger, notre petite sœur était toute môme à cette époque là et déjà pas mal bruyante. Tim avait une douzaine d'années et moi je touchais mes quatorze. J'avais fait ma première mutation à neuf ans. Le jour de sa première transformation Tim avait regardé maman et elle avait compris d'instinct. Elle a souri et l'a pris par la main pour l'emmener dehors en appelant papa.

Nautoo avait pris sa place rapidement, il l'avait aidé à chaque étape de son changement, comme il l'avait fait avec moi des années au par avant. Le loup de mon petit frère était un loup clair avec une oreille cassée. Magnifique.

Il était haut comme trois pommes et pas doué avec ses pattes, il se mangeait le sol à chaque foulée, c'était assez drôle. Le premier qu'il a rejoint c'était moi. Il est venu et à poser son museau frais sur le dos de ma main, je crois que c'est à partir de là que j'ai pris l'habitude d'en poser une sur mon menton, cette légère pression me le rappel. Je me souviens que j'avais laissé Myst prendre ma place et jouer avec ce jeune loup un moment.

Qu'on était heureux... Myst pense que ce louveteau m'avait déjà reconnu comme son meneur, que quelque part tout était écrit. Ça n'a jamais empêché la bonne entente avec Bram ou papa. De toute façon Tim et son loup étaient au-dessus de tout ça, comme papa et Nautoo, ils savaient ou étaient leurs places tout en restant eux même.

Ç'a été le déclenchement, des tas de bons souvenirs ont déferlé en nous comme une vague chaude et apaisante.

On s'est aussi souvenue de nos virées dans la ville avec Simon, de nos soirées, de nos fous rires, de nos amours d'un soir. Je me suis laissé envahir par tout ça, Déesse que c'est bon. Rassurant.

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant