Le véritable respect connaît le courage du risque.

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De : Thérèse Tardif

On remplit vite l'espace. Tout est en bois, mais ça ne sent pas le bois. Plus le vieux je dirai, un vieux truc non identifie et identifiable surtout. Dans mon dos je sens notre meute prendre sa place, trois pattes reste devant la porte. En regardant par-dessus mon épaule, je vois qu'il est adossé contre le chambranle de la porte. Le piaf vient de se poser sur une poutre apparente qui nous surplombe.

Myst ne me parle pas, il laisse couler son pouvoir à travers moi. Il le laisse envahir mon être d'abord puis la pièce et enfin toute la baraque en bois qui ne sent pas le bois.

— Il est tard. Commence la nana qui me tourne le dos, elle se fou carrément de nous elle s'occupe derrière son bar en bois foncé massif. Encore du bois. Elle essuie des verres et se penche pour poser un carton de bouteilles divers sur le plan de travail.

Je pose le dos de ma main sur le bas de ma bouche en attendant qu'elle termine sa merde pour décider quoi faire, mais elle s'obstine a se la fermer.

— On a conscience du temps qui passe. Merci. Je tranche sans bouger ma main. Mon ton est violent, je le sens m'arracher la gorge, mais je ne change rien. Par contre j'en profite pour la détailler.

Pas vraiment grande, à première vue elle doit m'arriver en dessous de mes épaules. Brune, cheveux lisses. Yeux bruns, je pense.

— Tu crois qu'y a quelque chose a croqué la d'dans ? Me souffle mon alter ego en tournant sa lourde tête sur le côté. Je ne lui réponds pas. J'observe. Putain si on avait le temps...

— On pionce où ? intervient le français. Lui aussi a une voix dure et rêche. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il a croisé ses bras sur son torse. Je l'ai entendue le faire.
— Qui vous dit que vous avez le droit de dormir ici ? lui rétorque la bonne femme en nous regardant enfin. Son regard se pose sur moi avant de le dévisager et d'hausser un sourcil.
— P't'être par ce que tu nous as laissé entré, p't'être par ce que ce n'est pas franchement une question, p't'être par ce que c'est comme ça et pas aut'ment. Il l'a rembarre en grondant.
Maintenant elle hausse les deux sourcils et sourit franchement. Dans l'fond j'ai bien envie de me marrer aussi. Non pas que je me fou de mon Omega, c'est pas un tendre faut pas rêver, ce qui me fait marré c'est la tronche de la nana qui nous fait face.

La blague, ouais la bonne blague.

— Alors, il a perdu sa langue l'Alpha ? Elle ne me regarde qu'à peine quand elle me parle, comme si je n'étais qu'une merde a ses yeux. J'me marre déjà moins. Salope.
— On pionce où ? Je répète en hachant chaque mot que je prononce. Je relève le menton et la regarde avec toute l'arrogance dont je suis capable et serre les dents pour nous canaliser. Myst ne veut plus simplement lui croquer le cul gentiment, il veut lui arracher les organes un à un.

Elle me regarde, s'essuie les mains sur un torchon qui fût blanc un jour, le jette sur le bar avant de le contourner pour se trouver devant nous, juste devant moi. Je baisse à peine les yeux pour la regarder, j'hausse un sourcil.

Elle se détourne de nous et emprunte un escalier en collimation, lui aussi en bois a peu prés de la même teinte que le bar. Je fais le premier pas pour la suivre et ma meute me suit. L'étage est comme le rez de chaussé.

Le couloir est laid, il n'y a que du bois. Là aussi ça ne sent pas le bois. Je ne m'y sens pas très bien.

Au fond de moi je sens mon loup qui tourne en rond, il n'y a pas d'échappatoires visibles. Ça nous angoisse, juste avant de rentrer dans la pièce je regarde ma meute par-dessus mon épaule.

— Loup. On reste sur nos gardes. Trois pattes organise une ronde pour cette nuit. Je dis à ma meute sans ouvrir ma bouche. Ils me répondent à l'affirmative de la même manière.

La bonne femme nous laisse entrer dans une grande pièce, il y a des tas de matelas appuyé sur le mur du fond. Il y a aussi une commode, toujours en putain de bois qui sent pas le bois, dessus et dedans des draps et autres merdes de toutes les couleurs s'entassent. Derrière l'un des matelas, il y a une grande fenêtre, on se sent mieux.

— Vous dormez là. Juste avant que la porte se referme et qu'elle nous laisse sa voix résonne encore. Ici on aide pour manger, on aide pour tout.

Personne n'a le temps de répliquer quoi que ce soit qu'elle referme sur elle la porte, j'ai l'impression que les ténèbres viennent de la bouffer d'un seul coup. La rage vient ensuite bouffer cette impression, elle l'a dévore en un coup de crocs sans prendre la peine de mâcher. Elle l'a gobé tout rond le plus normalement du monde.

— Chef, les rondes sont organisées. Me dit mon Beta en regardant la fenêtre mise a nue. Entre temps les nôtres ont eu le temps de placer les matelas et de mettre des draps dessus.
J'opine du chef et m'approche de cette sortie, elle s'ouvre facilement elle le restera histoire de facilité les choses. Je m'y penche, ce n'est pas très haut, ça ira.

D'instinct, je vais me coucher devant la porte, si y'a la moindre merde je saute a la gorge pour tuer direct.

La nuit se passe vraiment très lentement. Les miens ouvrent un œil tour à tour pour veiller, je sens leurs énergies changer à chaque fois. J'ai gardé les yeux ouverts toute la nuit, ils l'ont senti, car à chaque fois on s'échangeait un mot ou deux.

— Hu hense he ha eux hire hoi « on haide hour hanger » ? Demande Yaps à son cousin au petit matin. Un grognement terrible secoue ses entrailles. Quand je le regarde, il met une main sur son estomac en faisant une grimace qui me fait sourire. On dirait vraiment un môme. Le piaf se pose sur mon épaule, je lui gratouille le cou quand il en a marre, au bout de deux secondes en gros, il s'envole et se pose sur le crane du cousin et le lui picore. Bien sûr le cousin se met à piailler dans tous les sens en faisant des grands gestes.

— Bon... On descend. Je finis par balancer en soufflant tout ce que je peux, faut que j'me bouge j'ai l'impression d'avoir du béton dans les guibolles en me levant mes genoux et mon dos craquent dangereusement.

Je ne suis pas le premier en bas, les quatre loups qui me devancent sont déjà à l'aise. La nana est derrière son bar, quand elle nous voit elle hausse un sourcil et pose ses deux avant bras sur le plan de travail. Au passage elle se penche un peu en avant, comme un con je glisse un petit regard vers son cul.

Chose purement instinctive.

— Y'a de quoi se ce aller une dent. Me souffle Myst avec un sourire sauvage.
— Ferme-la. Je lui grogne sans ouvrir la bouche et surtout en détournant les yeux.

C'est à ce moment que le ventre d'Yaps résonne monstrueusement dans la pièce une fois de plus. Forcement on se tourne vers lui, il fait mine de regarder ailleurs en se tordant la bouche. Quelques rires résonnent ici et là.

— On peut manger ? Je commence en regardant la nana. Je rajouterais bien Femme, mais ce titre est bien trop honorifique pour toi. Je rajoute avec un sourire pointu.
— Mais c'est qu'il nous fait de l'esprit le grand méchant loup. Elle me rend mon sourire sans bouger.

Pour toute réponse je décale une chaise, toujours en foutu de bois de merde, et pose mon cul dessus face a elle. La nana me fixe et ce que je vois m'amuse autant que ça me gonfle, elle s'éclate royale.

— Ici il n'y a rien de gratuit, en parlant elle remplit une tasse colorée de café et y mets quatre sucres avant de la mettre sur le côté. Toi, elle désigne un des miens. Viens me filler un coup de main.

Je me suis levé d'un coup en faisant grincer ma chaise sur ce foutu parquet en bois qui ne sent toujours pas le bois !

— Stop. Je grogne en tendant mon bras devant le loup que la nana avait désigné. Yaps, bouge pas. Je rajoute en laissant le grognement sauvage de Myst secouer mon corps.

Mon loup ne bouge pas d'un iota. L'air se fait plus lourd, mon Alter ego tourne en rond en moi. On n'aime et ne tolère surtout pas qu'un autre donne des ordres à nos loups. C'est notre meute, je suis leur Alpha. Personne d'autre.

La nana lève ses deux mains devant elle et me regarde sans me fixer droit dans les yeux.

— Est-ce que ton loup, qui crève la dalle, peut venir me donner un coup de main ? Elle finit par me demander au bout de longues minutes de silence.

Il faut que je desserre la mâchoire, il faut que je le fasse avant que je ne m'éclate toutes mes putains de dents à la con. Je prends une grande inspiration. Myst ne me dit rien par contre je le sens l'observer en montrant ses crocs.

J'opine du chef et ça « arrache la tronche de le faire. Je le fais contre ma volonté, mais je sais que je dois le faire. Mon loup passe devant nous lentement prêt à m'obéir si je lui dis quoi que ce soit. J'dis rien, je sais que j'ai rien à dire de toute façon.

— Reste en alerte. Je dis à haute voix à trois pattes en me dirigeant vers la sortie.
Mon Beta hoche la tête et regarde autour de lui en croisant les bras.

Il faut que je sorte. Il me faut de l'aire et vite j'ai l'impression que les murs se rapprochent pour m'éclater la tronche. 

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant