Moi qui avais prévu deux jours à me la couler douce... je les avais passés dans ce lit qui m'était réservé, dans ma chambre du sixième étage de la tour, à récupérer de mon opération dans la jambe.
Heureusement, je guérissais à une vitesse folle. C'était bien pourquoi c'était moi qui les subissais. Mais ça ne se faisait pas en un claquement de doigts non plus. En quarante-huit heures, j'arrivais à tenir debout sans problème et marcher sur de courte distance, mais j'étais incapable de m'empêcher de grimacer à chaque pas. C'était quand même mieux que rien.
Cette femme qui avait besoin d'une greffe, Jeremy l'avait opérée avec succès. Grâce à mon sacrifice. L'inconvénient, c'était que je n'en avais rien à faire, de cette dame ! Moi, tout ce que je voulais, c'était ma putain de jambe.
J'étais comme ça à chaque fois ; au début, j'étais OK, mais dès que l'intervention avait été faite, j'avais seulement hâte de guérir.
— Miö ?
Je me retournai vers l'entrée de la chambre alors que je faisais tant bien que mal les cent pas. J'aperçus Jeremy, la main près de la porte pour cogner dessus, sans le faire.
— T'as cours, continua-t-il avec son petit sourire en coin. T'as oublié ? On est lundi.
Je secouai la tête en me mordant la lèvre ; non, je n'avais pas oublié. Mais j'aurais préféré rester ici jusqu'à être totalement rétabli ; j'avais peur de la réaction de mes amis — et Zack —, quand ils me verront dans cet état.
Malgré tout, je boitai vers Jeremy, qui me tendit une pomme. Toujours sans dire un mot, je mordis dedans et Jeremy passa mon bras autour de ses épaules pour me soutenir jusqu'à l'ascenseur, qui me mènera au premier étage. C'était là qu'avaient lieu les cours. Oui, c'était bien ça ; un hôpital et une école réunis dans le même bâtiment. Après la guerre, il restait tellement peu d'immeuble en état que le roi avait décidé de faire ça pour économiser le peu d'espace dont nous disposions.
— Je suis un peu pressé, alors je te laisse à l'ascenseur. Tu sauras te rendre à ta classe ? demanda Jeremy.
— C'est trop loin, dis-je alors que je peinais déjà à trouver la force de demeurer debout, même avec l'aide de Jeremy.
— Eh bien, transforme-toi, Miö ! T'auras qu'à voler !
— Non.
— Mais pourquoi tu t'obstines ? Y'a pas à avoir honte... Tout le monde est au courant que tu peux le faire.
— J'en ai rien à faire s'ils le savent, mais je veux pas le montrer ! Tu vois, c'est comme être gay. Je respecte les gays, ils font ce qu'ils veulent. Mais est-ce que ça veut dire que j'ai envie de regarder deux mecs qui se font du rentre-dedans ? Non !
Embarrassé, je pris une nouvelle bouchée de ma pomme, me sentant rougir.
— Très bien, tu fais comme tu veux. Mais débrouille-toi pour te rendre à ta classe. Si j'apprends que tu sèches encore les cours, je t'ampute les deux pieds !
— Allons, tu ne me ferais jamais de mal, tu m'aimes trop pour ça, dis-je d'un ton bourré de sarcasme.
Jeremy ne répondit rien, pinçant les lèvres. Enfin arrivé à l'ascenseur, il me poussa contre le mur et repartit aussitôt dans le sens inverse. En pestant, je pressai le bouton pour faire venir la cage, entrai et appuyai sur le 1. Une légère secousse accompagna le mouvement de la descente et je serrai les dents sous la douleur de ma cuisse. Une vague de chaleur me monta à la tête, je sentis mes cheveux se plaquer à mon front sous la sueur.
Je tirai sur mon col, essayant de faire passer un peu d'air sur ma peau presque entièrement cachée par mes vêtements et, en dessous, ma combinaison — un matériau spécial qui reste sur moi quand je change de forme, grâce à quoi, en redevenant humain, je ne me retrouve pas nu — probablement le seul cadeau que je n'avais jamais eu de ma vie et qui en valait bien la peine. Je l'avais enfilée parce que, malgré mon refus de me transformer devant n'importe qui, j'avais bien l'intention de me sauver d'ici.
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Miö (En Réécriture)
Science FictionMiö est tout sauf normal, et il en a que trop conscience. Trouvé par hasard dans une grange abandonnée à l'âge de cinq ans et à moitié mort de faim, Miö fut le sujet de test et d'expérience jusqu'à ces quinze ans. Mais pour lui, c'était carrément de...