À contrecœur, j'étais retourné dans la même chambre que ce matin, cette fois pour tenter de guérir. Mais à force, j'avais fini par m'assoupir. Et quand je me réveillai à nouveau, c'était le lendemain. Je devais bien avoir dormi près de vingt heures et je sentais mes blessures - les plus petites, du moins - parfaitement cicatrisées. Mon bras me pinçait encore quand je le bougeais trop brusquement, et mes côtes semblaient guérir de travers. Mais j'avais accordé une seule journée de plus à Télio, soit vingt-quatre heures, et j'en avais déjà gaspillé un bon nombre. Aussitôt que je serais libre, j'irais tout de suite voir Jeremy et il me rafistolerait les os. Je sais exactement tout ce qu'il est capable de faire...
Je sortis du lit et parvins, cette fois, à chausser les souliers qu'on m'avait prêtés. Mais je n'avais pas fait deux pas que Shell arrivait dans la chambre, tenant une petite trousse contre elle.
- Enfin réveillé, dit-elle dans un soupir. Je commençai à croire que tu étais tombé dans un coma ! Je vais changer tes bandages...
- Non, pas besoin ! dis-je aussitôt, dégouté à l'idée de retirer ma chemise devant des témoins - Shell n'avait pas vu que Télio se cachait au coin du cadre de porte. Je vous assure, je guéris vite. La peau s'est déjà refermée. Vous n'avez pas à gaspiller vos efforts pour moi.
- Tu es vraiment tout comme Télio, à ce que je vois.
Je répondis d'un petit sourire forcé. Ma migraine de la veille semblait doubler en puissance, et ces remarques sur nos ressemblances ne m'aidaient en rien. Je commençais à les trouver pénibles.
- Tu dois avoir faim ?
- Je peux survivre sans petit déjeuner. Ne vous embarrassez pas de moi, je vais partir dans quelques heures.
Mon estomac grondait famine, mais je fis de mon mieux pour l'ignorer.
- Alors t'es prêt à visiter ? s'écria Télio en sortant de sa cachette, un grand sourire au visage.
Je hochai la tête d'un geste las et consenti enfin à suivre Télio qui se précipitait déjà vers l'entrée. Une fois de retour sur la route de terre battue, Télio ralentit le pas, me permettant de le rattraper, puis il alla vers la droite, le chemin inverse de la veille.
- Tu vas bien ? T'as encore l'air fatigué, dit Télio avec un petit regard en coin.
- Migraine, dis-je platement. J'ai l'impression d'étouffer.
- Oh. Ce doit être l'oxygène. Il n'y a pas beaucoup de plantes, mais pour ce qu'on a réussi à planter, ça prend bien ! Dans quelques années, j'en suis sûr, ce sera un peu mieux.
- Arrête de blablater ; montre-moi ce que tu veux me montrer, et puis je m'en vais !
- T'as hâte à ce point de partir ? dit Télio d'un air triste.
- T'as peut-être pas remarqué, dis-je en pointant mon corps, mais il me faut un médecin, et y'en a pas, ici !
- Ouais... je suis déso...
- Je sais, tu l'as déjà dit ! m'énervai-je.
- Alors soit tu es quelqu'un de vraiment grognon, soit tu as menti à Shell et que tu es présentement affamé.
- Un peu des deux. Mais vous avez plus besoin de cette bouffe que moi, donc je n'y toucherai pas.
Télio haussa les épaules, à court de répartie, puis poursuivit sa route entre les maisons. Je le suivis, les mains dans les poches. Plus nous nous enfoncions dans le village, plus il y avait de gens sur notre chemin ; des enfants qui jouaient avec un vieux ballon à moitié dégonflé, une femme étalant des vêtements pour les sécher. Mais je remarquai surtout les difformités ; un bon nombre d'entre eux semblaient avoir un petit quelque chose hors normes. Cette femme avec une drôle d'excroissance lui dévorant la moitié du visage ; cet homme avec une seule main ; cet enfant avec une sévère scoliose.
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Miö (En Réécriture)
Science FictionMiö est tout sauf normal, et il en a que trop conscience. Trouvé par hasard dans une grange abandonnée à l'âge de cinq ans et à moitié mort de faim, Miö fut le sujet de test et d'expérience jusqu'à ces quinze ans. Mais pour lui, c'était carrément de...